Cet homme…
Si je croyais à la magie, j'en ferai le serment, cet homme m'a ensorcelée.
En quelques mots, un baiser dérobé, que dis-je, en un regard, un souffle, il m'a volée mon âme et y a substitué son visage.
Nourrice s'étonne de mon humeur soudaine, mes yeux s'attardent dans l'horizon, le jour y décline, j'y discerne les traits de mon amant. Mais que dis-je ? Mon amant est partout, il est l'essence de toute chose ! Il est dans ce bosquet de roses, qui rivalisent de beauté, leurs pétales rosés comme les lèvres qui se posèrent sur les miennes, et dans ce buisson que les ténèbres teintent d'ombres d'une teinte si proche de la soie de la chevelure de mon amant, et puis la Lune, la Lune coquette qui ose poindre de derrière sa traîne de nuage, la Lune changeante et toujours belle, qui m'évoque mon amant au teint d'albâtre… Mon amant est partout, et surtout, je le crains… Il est en moi, en ce cœur qui bat, qui se fracasse contre ma poitrine à chaque seconde qui m'éloigne un peu plus de l'objet unique de mes songes…
Qui est-il ? Que faisait-il chez mon père, son visage m'est inconnu. Et le reverrai-je jamais ? Désire-t-il ces retrouvailles autant que moi ?
Je crois que oui, j'ai l'impression… (C'est naïf, n'est-ce pas ?) d'avoir effleuré son âme.
Il est celui que j'ai tant attendu, j'en suis sûre, comment pourrait-il en être autrement ?
J'aimerai en parler à Nourrice mais je sais comment elle est… Pourquoi l'inquiéter inutilement ?
Et puis, avec ces yeux-là, on ne peut pas être mauvais, n'est-ce pas ?
Nourrice s'est éloignée quelques instants, je crois que Mère l'appelle, lorsqu'elle reviendra, je lui demanderai, il faut que je sache…
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:54
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:53
Et dire que je me crus amoureux de Rosaline ! Quelle erreur !
L'amour n'était pas véritable, une apparence. Un reflet.
Mais voici mon véritable amour, celui que j'ai tant attendu.
Trois fois soit béni le destin, qui a mis sur ma route une jouvencelle dont la beauté n'a rien à envier aux astres et à la Lune elle-même, aux yeux dont le bleu traître m'a emporté comme dix mille vagues et m'a emporté au loin de celle pour laquelle mon coeur soupirait ce matin encore.
Dire que je n'ai pu échanger que quelques paroles sans importance, quelques baisers volés, avec ma bien-aimée avant qu'elle ne me fût ravie !
Je sens encore la saveur, l'étreinte de ses lèvres sur les miennes.
Je l'aime à ce point que ça m'effraye.
Et si elle ne m'aime pas... Je n'ose y songer.
Mais pourquoi a-t-il fallu qu'elle fût Capulet, pourquoi est-elle la fille de mon seul ennemi ?
Mais peu m'importe, car je suis dans les jardins de mon amante, et l'idée de fouler les mêmes herbes qu'elle me donne des ailes.
La voilà qui paraît au balcon de sa fenêtre, et les étoiles s'éteignent, il ne reste qu'elle, resplendissante d'un éclat virginal.
Dois-je ?...
J'approche encore de quelques pas, bientôt elle pourra me voir...
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:49
Je ne sais que dire, que penser.
Moi, qui ce matin encore, n'aspirait qu'à une existence paisible et monotone, rêvant peut-être au grand amour, comme tant de jeunes filles à mon âge, me voici bouleversée, torturée par mille pensées contradictoires.
Il me semble avoir croisé un ange, et sa beauté m'éblouit encore.
Je me laissais prendre aux plaisirs de la fête, esquissant quelques pas de danse avec un insignifiant cavalier lorsque...
J'aime à croire que c'est la grâce qui a échouée sur moi.
Il avait la beauté des anges malgré son masque.
J'ignore si je l'ai aimé avant de lui parler ou si ce sont ses paroles qui m'ont vaincu.
Les quelques paroles qu'il m'a adressé m'ont plus touchées qu'aucune autre, cela m'inquièterait si je n'étais pas si heureuse, comme je ne l'ai jamais été.
Je maudis presque l'instant où j'ai posé mes yeux sur lui : à présent je sais que je ne pourrais en regarder aucun autre.
Lui seul pourrait calmer les battements désordonnés de mon pauvre cœur qui s'éveille à l'amour, et avec une violence !...
Car cela ne fait aucun doute : j'aime cet homme et ne pourrait jamais en souffrir aucun autre.
Les baisers téméraires qu'il m'a volé, loin de m'offusquer, n'ont fait qu'accroître mon désir de connaître cet inconnu, lui parler, le toucher ou simplement l'effleurer du bout des doigts, et l'embrasser, peut-être, l'embrasser encore et puis après...
Si seulement tout était si simple...
Chaque battement de mon cœur, chaque fibre de mon être, tendue au bord de la déchirure vers cet homme, dont j'ignore jusqu'aux traits et auquel j'offre ma vie si seulement il l'accepte, est lacérée par cette immonde plaisanterie que m'accorde le destin : l'objet de chacune de mes pensées depuis notre fugace rencontre n'est autre que le fils et unique hériter de l'homme que je me dois de haïr le plus au monde, il n'est autre que Roméo, Roméo Montaigue, et jamais amour n'est né de si grande haine.
Mes pensées tournent en rond, elles se heurtent sans cesse aux mêmes barrières, la tête me lance, je ne puis ajouter plus pour ce soir.
Je n'ai de cesse que de m'abandonner aux bras apaisants de Morphée, cherchant l'oubli fugace du sommeil, dans l'espoir que le repos me soit offert au plus vite, car je suis lasse de penser, je n'en puis plus.
Jamais je n'aurais cru que l'aube d'un si grand amour offre déjà de si grandes douleurs...
Et j'ignore même si mon affection sera jamais payée en retour...
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:47
J'ai quelques scrupules à me joindre à cette réception. Pénétrer ainsi la maison ennemie...
Ce serviteur est vraiment un ignare. Inviter ainsi les premiers venus, simplement parce qu'ils lui ont rendu service, puisqu'ils ont reçu quelques éducations, puisqu'ils savent lire...
En outre, je n'ai point le cœur habillé pour la fête.
Mercutio, lui, a le cœur toujours prêt à danser, à aimer la princesse d'un soir pour mieux l'égarer à l'aube.
Rien ne l'inquiète, tout l'amuse.
J'envie son insouciance, mais je dois avouer qu'à présent, et chaque instant d'avantage, tandis que je me languis d'une lointaine étoile, je sens toujours un peu plus les victoires que le temps emporte sur moi, à coups de d'années, de jours, d'heures et de secondes (une, deux...).
Tout ceci n'est qu'une grossière farce, et nos soirées épuisées en femmes et en vins ne sont qu'une manière adroite de reculer avant le précipice.
Ces distractions ne seront pas éternelles.
Un jour, l'avenir nous rattrapera et je crains tant cet instant qui s'approche, toujours plus près, tel un prédateur qui traquerait sa proie sans repos ni fatigue.
Nous sommes trop heureux, tout est trop facile, trop accessible, pour que nous ne payions chèrement le prix de nos délices.
Il n'y a que Mercutio pour trouver plaisant de pénétrer l'antre de nos ennemis.
Cette escapade ne m'attire guère.
J'eus aimé laisser mes amis s'y amuser de tout leur soûl et rentrer à pas lents vers ma demeure, le poids du monde et de la douleur sur mes frêles épaules : ce soir mon cœur est lourd et mes pieds ne semblent guère disposé à se détacher du sol.
Mais qu'importe, au fond, puisque Mercutio, mon ami, mon frère y tient tant, et puisque j'y verrais ma bien-aimée...
J'entre.
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:42
Je t'en prie, ne jette pas cette lettre, prends au moins la peine de parcourir les quelques lignes écrites de la main tremblante d'un amant malheureux.
Je n'ignore pas votre voeu de chasteté et ce serment me tue à chacun de mes pas.
J'erre dans les rues désertées par vous, poursuivi par un démon qui porte vos traits.
Chaque femme que je croise, vieille ou enfante tout juste sevrée, chaque demoiselle très digne, chaque épouse, toutes m'évoquent vos traits et meurtrissent un peu plus mon coeur déchiré, je vous l'offre, je vous le sacrifie si seulement vous m'accordez un sourire.
Mes journées s'écoulent lentement, aucun être n'égaille mes marches sans fin ni but.
Je fuis ceux qui me divertissais tant hier, tant ils me semblent fades par rapport à vous, leurs jeux me lassent, vous êtes la seule qui puisse m'arracher à ma mélancolie, je n'ose me confier de peur qu'on me méprise, je ne veux laisser personne dénigrer le sentiment que je vous porte.
Vous occupez chacune de mes pensées, une journée sans vous voir, ce ne serait-ce qu'une mèche de cheveux, vous entendre, même un bruissement de l'étoffe de votre jupe, est un enfer plus grand encore que mes réveils à l'aurore, lorsque l'aube se confond encore avec nos chimères, que je vous croyais encore mienne dans ma folie et que lentement la réalité ne m'apporte qu'une couche vide de votre silhouette.
D'autres me pressent pour que je les prenne pour maîtresses, et pourtant vous êtes la seule qui compte.
Je deviens fou et si je quitte ma demeure c'est parce que je vous y ai trop imaginé, évoluant d'une pièce à l'autre, ô fantôme de mes songes, j'espère que mes pas croisent les vôtres à chaque coin de rue et mon cœur meurtrit meurt un peu plus chaque fois que mon espérance s'avère déçue.
Il me semble que vous ne me quittez pas un instant, tant je vous imagine marchant à mes côtés le jour, endormie entre mes bras la nuit, et pourtant j'ignore si vous avez conscience de mon existence.
Quel diable êtes-vous donc pour me torturer de cette façon sans daigner me laisser le moindre espoir de voir jamais ces stupides délires se réaliser ?
Êtes-vous magicienne, pour m'ensorceler ainsi, me ligoter à vos pieds, sceller mon âme dans une cage de cristal dont la serrure porte votre nom, êtes-vous humaine, pour me regarder mourir asphyxier dans ma prison sans faire un geste pour me délivrer ?
Non, vous n'êtes pas humaine, votre beauté l'atteste, votre sagesse le prouve.
Comment pourriez-vous avoir la moindre goutte de notre sang, nous imparfaites créatures qui souillons la terre de notre impureté, vous l'ange, vous la perfection, on vous admire et pourtant personne ne vous ressemble, vous êtes au-dessus du genre humain.
Comment vous résister ?
Est-ce Dieu qui vous envoie, ou le Diable, vous qui enseignez le véritable sens du mot « beauté » à quiconque pose les yeux sur vous.
J'ignore si avoir un jour contemplé vos traits est un malheur ou une bénédiction.
J'imagine que je ne suis pas le premier à vous courtisez, merveille que vous êtes, cependant je vous supplie, je vous conjure, si ce n'est d'abandonner votre voeu d'austérité, et de célibat, au moins daigner m'adresser quelques mots, m'accorder quelques heures de votre temps, laissez-moi boire quelques gouttes de votre beauté, m'enivrer à la douceur de votre voix, vous toucher, peut-être, effleurer votre blanche main de mes lèvres froides et grossières, et me résoudre à vous abandonner à regret, pour n'attendre que le prochain instant béni que vous m'offrirez.
Je ne vis que dans l'attente d'une réponse de votre part, un mot, un signe, un battement de cil de vous pour moi, un fragment de vous, de votre attention, à chérir dans le secret de mon esprit malade et torturé.
Adieu, ô belle Rosaline, sachez que si un jour d'aventure vos pensées s'égarent vers moi, soyez assurée qu'à cet instant je penserais à vous
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