Vendredi 4 avril 2008 à 20:53

Cassie est apparue dans le café, ses escarpins ruinés à la main, sa robe froissée comme si elle avait passée la nuit dehors et tâchée, et de grandes lunettes à verres fumés lui dévorant le visage, masquant probablement ses éternelles cernes.
À sa démarche titubante, je déduis qu'elle avait passé une nuit blanche. Encore.

« Cass, tu n'es pas sérieuse. J-10. »

Elle a ôté ses lunettes et a offert à son interlocutrice un sourire éclatant et d'une sincérité désarmante.

« À vrai dire, j'ai oublié de rentrer chez moi.
- Tu as encore oublié tes clefs, n'est-ce pas ? » a fait l'autre en sortant un trousseau couvert de plus de babioles que de clefs, et en le jetant sur la table, devant Cassie.
Cette dernière l'a saisi entre deux doigts, comme un objet étrange et vaguement dangereux puis a éclaté d'un rire insouciant en l'identifiant finalement.

 

« Je suppose que tu n'as pas cherché les plans que je t'avait demandé ? »
Cassie gardait un large sourire un peu stupide rivé aux lèvres.
Parfois, je me demandais si elle prenait de la drogue, seule explication à sa résistance exceptionnelle à l'épuisement qu'aurait dû causer ses insomnies.

« Ni la liste des produits ? Ni où se les procurer ? Ni la liste définitive de nos cibles ? »
Cassie gardait un sourire béat. L'autre a soupiré.

L'autre, c'est Elena.
Je crois qu'elle a rencontré Cassie un peu par hasard (mais peut-on réellement parler de hasard avec Cassie ?) mais je ne connais pas très bien leur histoire.
Elle vous en parlera, plus tard.

(À suivre)

Dimanche 17 février 2008 à 0:02

Il s'en suivit un entretien étrange : elle ne voulut rien me dire, ni sur elle ni sur ces autres, mais en revanche, elle parvint en détournant sans cesse la conversation avec dextérité, à ma faire parler de moi, ma vie, mon œuvre, mon nombril, en long, en large, et en travers, accueillant mes confidences avec des hochements de tête entendus.
Je ne la reconnaissais plus, elle si loquace autrefois, et pourtant elle avait gardé quelque chose de son assurance effrontée d'étudiante, de ses façons maniérées de flamber ses cigarettes, de son rire cristallin, de ses gestes félins, et de sa façon de passer sa main dans ses cheveux, machinalement.
Et puis tout à coup elle s'éteint, elle décroche, ses yeux se diluent et elle se love dans une réserve presque offensive, comme s'il en voulait à l'humanité entière de la contraindre à exister.
Quelque chose s'est brisé en elle.

« Tu vas bientôt mourir, c'est ça ? » je finis par demander, parce que c'était la seule explication.
« Ne sois pas ridicule. » a-t-elle rétorqué d'un sourire las.

Puis elle est rentrée.
Je l'ai immédiatement remarquée.

J'ai toujours été attirée par ce qui est beau.
Je ne sais pas, une lubie d'adolescence.
D'autres collectionnaient les timbres, jouaient de la guitare, couraient après une balle.
Moi, je remplissais des albums avec des photos que je trouvais belles.
Je dois en avoir quelques-uns de Cassandra, d'ailleurs, je la trouvais magnifique.
Je les feuillette encore, parfois.

La nouvelle arrivée est belle. Vraiment belle.
Comme n'ont pas manqués de le souligner regards appuyés, peut-être même sifflements pour les plus audacieux.

Samedi 9 février 2008 à 12:08

J'ai pris mon sac, mes clefs et je suis partie comme ça, en coup de vent, sans même un regard pour le miroir - je ne sais que trop ce qu'il a à m'offrir – en claquant la porte. J'aime ce bruit gratuit et exaspérant.
Les voisins vont encore protester, mais qu'est-ce que ça peut faire, hein ? Qu'est ce que ça peut faire.

J'ai rendez-vous avec une vieille amie, cinq ans que je ne l'ai pas vue, aucune envie de combler ce vide.
Je ne sais pas ce qu'elle me veut, je ne sais pas pourquoi elle m'a donné rendez-vous, et je ne sais même pas pourquoi j'y vais, à la fin, pourquoi je perds mon temps ?
Comme si j'avais mieux à faire.

Je ne suis même pas sûre de la reconnaître.
Moi, je te reconnaîtrais, m'a-t-elle dit.
Mais bien sûr.

Je lutte contre le flot des rues bondées, j'ai l'impression de ne pas y avoir ma place. De n'avoir ma place nulle part.
Personne ne m'attend lorsque je rentrerai, personne, peut-être même que personne ne m'attend au café où elle m'a donné rendez-vous.
Pour ne pas avoir à regarder le visage des passants, je fixe le macadam, les affiches publicitaires de toutes ces filles parfaites auxquelles je ne ressemblerais jamais, le temps « splendide », à ce qu'il paraît. J'aime mieux la tempête. Je veux m'en aller.

Me voici devant dans le fameux café, personne ne régit à mon entrée, je me réfugies à l'intérieur, tout au fond, pour fuir le grand soleil écoeurant qui carbonise la terrasse.

J'allume une cigarette pour me donner une contenance, et soudain elle surgit dans mon horizon.
Elle a changé et elle n'a pas changé, de grandes lunettes de soleil rétro dévorent son visage émacié.
On dirait une brindille, à présent, je ne me rappelais pas qu'elle fut si mince, et si nous avions encore été amies, j'aurais sans doute été désolée pour elle. Mais j'ai déjà bien assez à faire avec mes propres démons.

Elle se laisse gracieusement choir sur le siège qui me fait face et m'adresse un large sourire, en ôtant ses lunettes.

« Salut » commence-t-elle. « Les autres ne devraient pas tarder. »
Les autres ? Quels autres ? Je pensais que nous serions seules. Je n'ai pas la force d'affronter plusieurs âmes à la fois. Pardon, j'ai dit “affronter” ? Je pensais “fréquenter”.
« Tu as organisé une réunion des anciens élèves, quelque chose comme ça ? » je finis par hasarder, pour combler le silence.
« Mais non, pas dut tout » me répond-elle, avec un sourire vaguement condescendant.

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