Mardi 31 mars 2009 à 20:47

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Tu peux partir, je n’ai plus besoin de toi. Il faut bien qu’il y ait une fin à tout, il faut bien qu’il y ait une fin à nous.
C’est un mensonge. J’ai tellement besoin de quelqu’un, j’ai tellement besoin de toi. Comment pourrais-je être seule, comme si le monde n’était pas assez moche ? Dis-moi que tu ne t’en vas pas. Je réponds de tout si tu me dis que tu ne t’en vas pas.
Dis-moi, es-tu capable de ne jamais t’en aller ? Si tu ne peux pas être ça pour moi, alors ce n’est pas la peine. Je ne suis pas femme à me battre pour ce qui n’en vaut pas la peine.
J’voulais un mec, un vrai, un bad boy comme elles disent, un plein de cicatrices et d’épingles à nourrice, je voulais apprendre à me battre, perdre quelques dents mais juste celles du fond pour pas que ça se voit. Je voulais être une yankee, je voulais me sentir vivante.
Regarde ce que tu as fait.
C’est pas juste si tu t’en vas. J’ai tellement envie de te remplacer.
Je vous donne le droit que je ne suis qu’une faible femme alors venez me sauver. Qui que vous soyez.
Tu peux partir. Notre histoire est trop usée.

Samedi 28 mars 2009 à 22:20

Lacérer les coupables. Ça aide. Un peu.
J’ai grandi dans une famille normale, aisée sans prétention, cet insupportable entre-deux, entre satisfaction d’une position confortable, du travail bien fait, écœurant ; et pourtant cet élan manqué, loin d’être riche, comme un élan qui s’écrase contre un mur. Il le fallait bien, réfléchir demande de l’éducation et les moyens de ses ambitions. C’est tellement plus noble de tout plaquer lorsqu’on est au sommet et pourtant comment se révolter lorsqu’on est plus bas que terre, lorsqu’on est habitué à ce désert d’avenir, de sens, de beauté. J’étais biberonnée dans la ouate d’un monde doré en toc, vous voyez le genre, et puis un jour j’ai ouvert les yeux par erreur.
J’ai fait une crise d’adolescence, c’était de mon âge, j’ai piqué une crise et j’ai commencé à traîner avec des moins-que-rien, pour emmerder mes parents.
Et je me suis enfin sentie mieux. C’était tellement bien d’être au fond du goiuffre, il ne restait presque que la survie.
On passait des nuits sans sommeil autour d’un feu sommaire. On se battait sans cesse (les bandes rivales, les fugitifs, …) ; on fuyait, on volait, on était craint et presque respectés enfin, on faisait tout ce qu’il m’avait toujours semblé impensable. C’était bien.
J’ai le corps couvert de cicatrices, même si je ne pense pas avoir jamais guérie. Je me sens si bien avec cette enveloppe mutilée, défigurée. Enfin toute cette souffrance peut se voir, elle est inscrite dans ma chair.
J’avais tout à coup le sentiment que l’existence avait un peu de sens, peut-être parce qu’il fallait se battre pour sa vie, peut-être parce qu’elle était réduite à presque rien, peut-être parce qu’il était réconfortant d’être porté par cette existence vouée au non-sens, à la finitude, une négation de l’à venir –no future.
En marge, j’avais le sentiment de pouvoir respirer. Mais ce n’était pas encore assez.
J’étais au fond, la seule chose qui aurait pu achever tout à fait ma déchéance aurait été d’assassiner quelqu’un. J’ai vu toute la laideur et le désespoir, accroupie au coin d’un feu mourant, j’étais avec ces yankees comme j’aurais pu être avec d’autres, il y avait entre nous une solidarité de circonstance inébranlable. Nous étions tous des mutilés, des oubliés, on hurlait comme on aurait pu prêcher dans le désert.
J’aurai pu continuer jusqu’à la mort. Et puis j’ai compris qu’il faudrait bien que j’assassine quelqu’un un jour.
Alors je suis rentrée chez mes parents, lorsque mon corps était sur le point de tomber en morceaux, et je suis allée à l’université. En attendant.

Vendredi 27 mars 2009 à 16:39

Nous sommes les fous, les révoltés, le vent et la fureur, la grâce et la tempête, le feu sous la glace, l’acide et le cristal. Nous sommes les voyous, les mercenaires, les yankees. Nous sommes légion, le chaos dressé contre l’ordre. Petite sœur, le monde est si laid dehors.
Leur vie, c’est celle que je voulais vivre. Alors je les ai suivis.
Je ne m’attendais pas à ce qu’on me comprenne, je ne m’attendais pas à ce qu’on me tende des fleurs, je n’ai jamais été une belle personne.
Tout cela… tout cela n’avait aucun sens. Le rire, les larmes. Le monde autour. Et ceux qui sont en laisse, ceux qui meurent de faim, toute cette injustice criante, ce poison dans l’air…
Je n’ai jamais très bien compris le monde autour, je n’ai jamais compris comment les autres faisaient pour vivre avec cette oppression, avec tous ces meurtres sur la conscience… C’est peut-être simple de fermer les yeux. Moi ça me donnait envie de pleurer. Alors j’ai commencé à faire sauter des immeubles. Puisque des milliers d’êtres vivants crèvent chaque jour de la main humaine, je n’allais pas oublier, moi. J’allais les écorcher de mes propres mains. Mais pas tous ceux qui n’y sont pour rien, prisonniers dans cette cage de verre : la fatalité. J’allais lacérer les autres : les responsables.

Vendredi 27 mars 2009 à 16:34

On assassine un chien comme on écrase un cafard, comment tuer cette créature qui n’est qu’amour ? Sa vie ne vaut-elle pas la nôtre ? Ne vaut-elle pas mieux que la vôtre ?
J’étais le vent et la fureur, j’étais cette yankee qui se battait, frappait encore et encore… Pourquoi ? Qu’aurais-je pu être d’autre ? Je ne cessais de hurler en silence mais mes mots rebondissaient sur les parois vides d’un désert de poussières.
J’aimais donner des coups, sentir l’impact d’une autre peau, d’un autre épiderme contre le mien –c’était presque comme une étreinte amoureuse ; j’aimais sentir toute cette frustration s’écouler du bout de mes doigts, j’aimais me détruire.
La vérité, c’est que je suis comme une source de feu qui n’en peut plus d’être contenue par ces arches de pierre, mon propre corps qui brûle mais qui est là toujours, je n’ai jamais pu cracher des flammes, je n’ai jamais pu être libre. Je me cogne la tête contre des murs d’insanités, encore et encore, c’est épuisant. Tant de choses incompréhensibles, tant de scandales pour mon entendement, tout est si laid si laid si laid… Je ne peux regarder par ma fenêtre sans avoir envie de fondre en larmes, et moi-même, je suis si laide, impuissante…
Il n’y avait qu’une chose à faire, je l’ai faite. Nous l’avons faite. "You know what hurts the most about a broken heart? Not being able to feel the way you felt before. Try and keep that feeling, because if it goes, you'll never get it back." Alors oui, j’ai fait sauter des immeubles, j’aurai fait sauter le monde. Juste pour le plaisir de répandre ses cendres au-dessus d’une mer d’oubli.

Vendredi 27 mars 2009 à 16:22

Qui suis-je pour écrire mes mémoires, moi qui n’ai jamais rien vécu de signifiant ? Ma vie n’est qu’une succession insignifiante de ces petits détails qui n’intéressent personne (m’intéressent-ils moi-même ?) mais au moins je sais que j’ai vécu la souffrance, ça au moins je peux le raconter. Je m’habille de la lourde pourpine (je ne trouve plus le mot qui précise ma pensée alors j’ai mis celui-là, il en vaut bien un autre) des ans pour donner du crédit à mon récit, mais qu’est-ce que cela fait que j’ai vécu dix-huit ou cinquante ans ? Je n’ai rien à raconter, sinon ces petits détails que vous-même pourriez me raconter aussi bien que moi, peut-être. Qui suis-je pour parler. Les femmes n’écrivent pas leurs mémoires, les hommes y ont déjà pris trop de places. Ils ont couru à perdre haleine (Dieu sait pourquoi) pour s’emparer des grands événements, du gigantesque, du manifeste, et ils ont laissé aux femmes le reste. Les détails. Les liens qui accommodent tout cette éclatante démesure. Cela au moins je peux le raconter.
Ces fragments, ces larmes qui s’écrasent sur le papier. Hurler de la brûlure du bonheur, se complaire dans le manteau du silence… qu’est-ce que ça change ? Peut-être entrapercevrez toute ma laideur entre les lignes, je ne m’en cache pas. Suis-je pire qu’un autre ou leur suis-je semblable, dans les coudées sordides de nos dédales intérieurs, je ne sais, je ne parlerais que de ce que je connais : ma personne. Et encore si peu.
La vie d’un animal vaut bien la notre, j’aimerai mourir pour sauver un chien. Et puis après ? Il y a longtemps que je sais que je n’étais pas faite pour vivre, c’est sans doute pour ça que j’ai durée si longtemps.

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