Mercredi 30 décembre 2009 à 11:15

http://melancholic.cowblog.fr/images/candyapplesbybritzfitz.jpg

Elle avait quitté son air abandonné, elle avait décidé d’être sage. Elle ne pouvait cependant emprisonner le regret au fond de ses iris. « Tu crois qu’un jour il y aura un temps pour nous ? ». Il l’étreignait vivement, c’était un couloir défraichi où les élèves refluaient, la pause n’était pas encore achevée, elle s’abandonnait contre lui, entendre son cœur battre à défaut de les posséder. Ils se séparaient, faible lueur de printemps (encore en demi-teinte). Elle effleurait la poitrine d’Andréas du bout des doigts en lui disant « garde une place pour moi » voix rêveuse ses traits étaient fermes, résignés.
Elle tournait les talons mais il saisissait sa main entre les siennes, avec fougue. Elle se retournait (triste ? étonnée ? pleine d’espoir ?). Sans se concerter, ils firent quelques pas pour se retirer du monde.
Ils se jaugeaient, Andréas tenait toujours la main de la jeune femme.
Elle voulait s’avancer et palper ses courbes et ses arrêtes à travers la chemise de zéphyr, elle voulait le posséder un peu. Elle voulait deviner sa peau, comme on examine un cadeau encore prisonnier de l’emballage. Elle voulait savoir de quoi il était fait, comment il était bâti, le découvrir lentement.
il se tenait devant elle, il rayonnait d’une lueur vacillante, elle craignait que les accidents ne les séparent, sans doute à force de la manquer il allait l’oublier. Toutes ces contraintes qu’on s’impose. Elle rêvait d’eux mais elle n’était pas de nature à renoncer, pas à moins d’être acculée, pour lui elle se sentait au-delà des règles mais au fond elle savait qu’il ne méritait pas le second rôle, elle savait qu’elle ne pourrait être double. Mais elle rêvait, elle rêvait de lui.
Elle aimait croire qu’ils se comprenaient à demi-mots mais il restait une énigme.
Lentement, elle tombait –elle l’avait bien cherché, elle s’enfonçait dans le sommeil.
Elle rêvait de lui presque toutes les nuits.

Samedi 28 novembre 2009 à 21:28

http://melancholic.cowblog.fr/images/Sanstitre7.jpg

"Bonsoir."
La lumière palpitait, Dieu seul savait où j’étais et comment j’y étais parvenu. C’est le moment où  j’ai décidé d’arrêter l’alcool. Dommage que ça n’ait pas été l’alcool, ça aurait été tellement plus simple.
Une pièce nue et aveugle, d’une blancheur mordante, une table et une chaise sommaires. Une prison, ça c’est sûr, mais les murs laiteux scintillaient un peu trop fort et j’essayais de me rappeler ce que j’avais bien pu prendre pour être aussi stone. Il y avait cette fille, je la connaissais, une fille de ma classe, pas possible de me rappeler de son nom, qu’est-ce qu’elle faisait rien, j’en savais rien, le chatoiement mangeait ses contours, j’entravais rien, qu’est-ce que je faisais là complètement défoncé avec cette fille, j’ai fermé les yeux pour ne plus avoir à soutenir l’opale, je voulais me concentrer. Pour autant que je me souvienne, elle me fixait avec ses yeux incandescents, le feu au fond de ses yeux, et un sourire rassurant, tendre. Son sourire me donnait envie de me blottir contre elle car il disait qu’elle ferait n’importe quoi pour me protéger, que je n’aurai plus à avoir peur. Entre ses lèvres il y avait quelque chose d’immense, un fragment d’infini fiché dans les commissures.
Elle m’a pris dans ses bras, il y avait tellement de douceur dans son étreinte, je sentais sa joue contre la mienne, satinée comme de la glace, elle caressait doucement mes cheveux, c’était assez agréable finalement, mais on ne pouvait pas être au commissariat, ça n’avait pas de sens. Cette fille, Salomé, ça me revenait, elle me serrait dans ses bras et ça n’avait aucun sens.
« - Tu dois te demander ce qui t’arrive. » me dit-elle d’un ton compatissant, et son sourire chaleureux, il me donnait envie de m’y noyer.
« Nous sommes en Enfers. » elle était très calme, je ne savais pas si je devais rire ou repérer les issues, à défaut j’esquissais un rictus peu convainquant en balayant la pièce des yeux.
« - Il n’y a pas d’issue, il n’y a d’issue nulle part. » et je dus admettre qu’elle avait raison, c’était incompréhensible.
J’esquissais un pâteux « qu’est-ce qui est arrivé ? », ses mains courraient sur moi, enhardies, sa bouche se perdait dans mon cou et moi j’avais du mal à esquisser un mouvement, j’étais assommé.
« Andréas. An-dré-as. » elle se délectait de mon nom, le faisait rouler sur sa bouche, en me regardant avec ses grands yeux brûlants, ils menaçaient de me dévorer.
« Je t’aime. Je t’ai toujours aimé. Alors j’ai vendu mon âme pour toi La vie était trop compliqué, tu avais tes histoires d’amour, j’avais mon copain, tout cela était tellement confus… On ne devrait pas séparer deux âmes sœurs, n’est-ce pas ? Mais ne t’inquiète pas. Nous sommes ensemble pour l’éternité. Tu as l’éternité pour m’aimer. »
Et après toutes ces années en temps humain, je suis bien obligée de reconnaitre qu’elle disait vrai.

Jeudi 8 octobre 2009 à 20:23

http://melancholic.cowblog.fr/images/carlabruni1131.jpg

Je me noyais en lui à ne plus devenir qu’une argile de désirs, de rêves. Et pourtant dans mes sourires voilés il devenait ma chose, j’avais la satisfaction de le mettre à genoux, abdiquant, et j’étais victorieuse, tout devenait si simple. Car je n’avais plus à être double, à être fausse.
À vrai dire il m’a vaincue. Il m’a vaincue depuis la première fois que je l’ai vu.
En moi il n’y avait que lui et pourtant il n’était qu’une image creuse, dépossédé de lui-même, et à la place j’y mettais ce golem inconsistant et docile en dépit du peu que j’avais butiné de lui. Je ne le connais pas et pourtant je le désire, tout ce que je pourrais contaminer, tout ce dont je pourrais prendre possession. Désir monstrueux.
Ces bribes de lui qu’il partage… elles m’électrisent.
Des milliers de bras se tendent, entre nous un abîme. Je suis double : celle qui tombe et celle qui tourne les talons.
Souvent je me suis demandée pourquoi lui, toujours lui. Je ne suis pas du genre patiente. Je ne suis pas du genre constante. Je suis l’éternelle traitresse.
Pourquoi lui, je ne le connais pas. Et ne le connaitrais sans doute jamais.

Lundi 5 octobre 2009 à 18:48

http://melancholic.cowblog.fr/images/18102240821.jpg

Andréas I love you but you’re breaking me down.
Tout ceci est tellement confus, c’est une farce, dis-moi que le rideau va tomber, dis-moi que je pourrais détaler, laisser à cette histoire les paillettes de la fiction.
J’avais voulu ne jamais te revoir, j’avais claqué la porte à ce que nous aurions pu être, et me voilà devant ton seuil, mais c’est toi qui l’a voulu. Ou peut-être est-ce juste l’excuse que je me donne. Il n’y a plus de pudeur à avoir, il n’y a plus de fierté. Car lorsque tu me mettras hors de ta maison, hors de ta vie ; avec douceur et fermeté, comme notre ultime étreinte, tout sera fini. Jamais plus, jamais plus. Je me sens incongrue, bambou planté devant ton seuil. Je n’ai ni excuse ni prétexte, pas même le plus ténu. Plus de voile de dignité dans lequel se draper. Je joue mon joker, je sais que je suis percée à jour depuis longtemps déjà. Toute honte bue, je me livre à toi, une dernière chance.
Dire que tu es prévenu de ma venue, que tu y as consentit, sans enthousiasme ni lassitude, comme on revoit un camarade de lycée avant de l’oublier pour de bon. Et pourtant, comment aurais-tu pu refuser, je sais que ce n’est rien... mais ça m’a fait plaisir.
Si seulement je pouvais tout te dire, si seulement je pouvais sous-titrer chacun de mes gestes, de mes regards. Si tu me laissais comprendre. Il n’y pas de sincérité entre nous, pas de liens, notre relation (cette blague !) est fumée et signes. Si seulement tout pouvait être expliqué, mais peut-être cela ne t’intéresse pas, peut-être que ça ne t’a jamais intéressé. Brume et mutisme.
Ce besoin irrépressible de te voir en costume de fiancé, de te voir si inaccessible, plus que jamais. Ce besoin de souffrir une dernière fois. Je t’aime au-delà de l’attente.
Tu es tellement fair-play, pourtant, toi seul m’ouvre la porte. Ce point final dans l’intimité de l’alcôve. J’aurai dû m’en douter. Dis-moi que tu sais tout, que tu m’as transpercée, que je n’ai point de secret pour toi dans la douleur du silence. Dis-le-moi que je sache enfin. Mais peut-être que je recherche trop les signes. Toujours cette brèche. Le point final d’une non-histoire avec un inconnu. Tu es fair-play, je ne vois pas cette femme qui te sert désormais d’ombre, celle que j’accolerai toujours ton visage désormais, tu m’épargnes l’injure d’embrasser cette femme comme une sœur, qui quelle soit, celle qui devrait se tenir en arrière plan, en parfaite future heureuse-jeune mariée. Peut-être as-tu cherché à me préserver en la cachant dans un placard, peut-être a-t-elle préféré s’effacer, peut-être qu’elle ignore tout. Peut-être n’est ce que contingence, après tout. Un secret qu’enterrent nos au revoir.
Alors te voilà. En beauté et en mystère. Insaisissable.
Jouons à comme si de rien n’était, à il ne s’est rien passé. C’est vrai que nous sommes doués, pas de traces de tension entre nous, pas de gène ; la conversation va bon train, comme si nous avions quelque chose à nous dire, comme si nous parlions de ce qui restera escamoté. Ce cancer.
Chaque minute en ta compagnie est une exaltation gangrenée. Tendre le bras, jouir de pouvoir te toucher par ce geste, si je le voulais. Prendre un biscuit. Encore un fantasme piétiné par la réalité. Des sablés au goût de cendre, chaque minute en ta compagnie est un espoir désenchanté. Et pourtant je sais bien qu’il n’y a rien à attendre de toi.
Tu me parles de ta future femme, comme pour t’excuser de ne pas l’avoir fait plus tôt. Comment aurais-tu pu, c’est moi qui ai fuit. Je n’ai qu’à partir et pourtant je ne peux pas, je savoure malgré tout ta présence. Je deviens folle, tu sais. Mais que t’importe.
Séparons-nous. Avant de partir, je ne peux m’en empêcher, je n’ai plus rien à perdre. Je t’agrippe, je me pends à ton bras, j’essaye de retenir une dernière parcelle de toi, je veux croire que tout ce que j’ai cru voir en toi n’était pas que mensonge. Mais c’est trop tard, de toute façon. Alors tu t’excuses, une dernière étreinte. Je ne saurai jamais. Je n’aurai pas eu le courage.
Un adieu avant le néant.

Jeudi 1er octobre 2009 à 21:51

 http://melancholic.cowblog.fr/images/analogue.jpg


Auprès d’elle, entre le flacon de somnifères et l’oreiller, il y avait un mot, le testament que les morts laissent toujours, comme si ça intéressait encore quelqu’un. Y étaient tracés en belles lettres déliées « dites à Andréas que je l’aimais ». de la charogne pour les harpies. Il n’y a pas d’Andréas à son chevet, il n’y en a jamais eu. Arthur, le petit ami en date, met le prénom suspect sur le compte de l’égarement, il restera un peu vexé mais il est trop sonné de douleur pour penser à ce genre de détails.
Les amis s’interrogent à mi-voix, on s’occupe comme on peut lorsque le cadavre encombrant prend toute la place. Quelques malins évoquent les écrits de la morte, les somnifères lui auraient fait confondre roman et réalité, elle en oubliait qu’Andréas n’était qu’un personnage de papier. Les romantiques tablent sur une liaison cachée, un amant (une amante ?) dans le placard. Certains croient deviner, certains s’inquiètent, tous s’interrogent sur le mystère embarrassant du cadavre.
Mais comme tous les secrets, il faut bien que quelqu’un sache la vérité, sinon il n’y aurait pas d’histoire. Andréas, un nom pour un autre, une passion pour une autre, personne ne devait savoir.
Ce message est une mission, et cette personne le sait bien. Elle porte cette confession en bandoulière, elle aimerait garder les mémoires bien propres bien nettes et sans doute elle le fera. Un secret que seule la mort pouvait concilier avec la réalité. Ce rituel antique du seppuku, il n’y avait rien d’autre à faire. Elle le dira à Andréas, il a le droit de savoir. Mais la partie est finie, échec et mat. Qu’est-ce que ça change.  Il n’y a plus rien à ajouter. Et la poussière pourra s’installer sur les émois sans importance d’un macchabé parmi d’autres et les vivants pourront se lover dans leurs tendres illusions, inconscients de la déchirure béante, cette oppressante fragmentation que la charogne cultivait en son sein. La vie est faite pour les vivants.

<< I'm Darkness | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | I'm Sin >>

Créer un podcast