Dimanche 6 mars 2011 à 17:31

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La nuit est finie depuis des heures déjà. Qu’est-ce qu’on faisait encore là, lui et moi ?
Il faut dire que je suis dans un triste état. La moitié de la soirée à boire pour me détendre et l’autre moitié pour oublier que j’étais ridicule. Où aurai-je pu aller ? Lui, il reste sûrement pour me tenir compagnie, parce qu’il aurait mauvaise conscience de me laisser seule. Pourquoi d’autre. C’est un garçon charmant mais là son silence poli me glace. J’aurai aimé faire un geste, me laisser aller à chercher la chaleur de ses bras (qu’est-ce que je risque ?) mais la honte me retient.
J’ai fait tout ce chemin, dans l’espoir secret de le voir et me voilà désarticulée, écrasée par ma propre culpabilité. Si seulement je pouvais passer d’un amour à l’autre, d’une vie à l’autre, vivre la fièvre et les embrasements des tous débuts, la flamme du premier baiser ou les cendres de l’échec et m’enfuir avant que rien ne puisse prendre forme.
J’aimerai lui parler, l’éblouir, communiquer seulement mais ma bouche pâteuse ne produirait que des sons démantibulés,  et j’aurai encore plus envie de disparaitre. J’aimerai lui demander pourquoi je n’arrête pas de penser à lui mais je doute qu’il puisse me répondre.
C’est tellement pesant ce silence. J’aimerai qu’il se produise quelque chose d’extraordinaire, de romanesque et de romantique, avec un happy end et alors je pourrais l’oublier car sans doute il n’a jamais été pour moi.
Mais il ne se passera rien, la nuit s’est achevée il y a des heures. Lui et moi, au milieu du cadavre d’une soirée manquée. Le monde tourbillonne mais il n’a pas l’air de s’en rendre compte. Je dois avoir le vertige.
Peut-être que je n’aurai pas dû venir, je n’ai jamais eu ma place à ses côtés.
Il pourrait me raccompagner mais il ne dit rien, j’aime à croire que c’est parce qu’il a envie de prolonger cet instant avec moi. Il doit plutôt savourer le silence qui s’est installé, le calme après le typhon. Les invités sont partis mais ils reviendront, le calme avant la prochaine tempête.
« Tu m’as beaucoup manqué » je finis par avouer, les mots ne sortent peut-être pas comme il faut. Au pire j’ai gâché l’instant, rien de grave. La nuit est finie depuis longtemps déjà, il faut bien rentrer.
« Tu m’as manqué aussi » il répond en posant sa main sur la mienne, avec son sourire léger.
« Je te raccompagne ? » il me demande en m’aidant à me relever. Peut-être que rien n’est perdu.

Dimanche 27 février 2011 à 21:46

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J’étais parmi eux comme par erreur. Les réunions de famille, ça n’a jamais été mon fort, alors celles des autres… Bien sûr il y avait mon amie avec moi, mais je suis comme ça : en présence des adultes, je me ferme comme une huitre, priant pour que personne ne me parle, pour qu’on m’oublie. Et puis je n’aime pas les échanges de riens rituels entre gens qui se connaissent trop peu ou trop bien.
Je n’avais pas ma place au milieu de leurs souvenirs, de leurs convenances, de la vie de leurs enfants. Bien sûr je ne pouvais pas fuir : trop impoli.
Heureusement il y avait un cousin d’à peu près mon âge dans le lot, un jeune homme aux manières un peu brusques dont le visage juvénile m’avait tout de suite séduit. Bien sûr il y avait quelqu’un qui m’attendait quelque part. Mais je suis comme ça, je n’ai jamais su être sage.

Il n’a eu aucun mérite. J’étais une proie déjà conquise, un fruit mûr prêt à tomber dans sa main. Je suis comme ça, j’ai besoin de me distraire. Bien sûr, ce n’a pas été facile de capturer son attention. Malin, il n’avait qu’une envie : fuir. J’enviais sa désinvolture, son assurance lorsqu’il se levait de table au milieu du repas pour retrouver des amis. Comme j’aurai aimé être libre comme lui, transformer par mon insolence les reproches en indulgence. Mais j’étais une invitée. J’étais piégée. Dieu merci, la politesse l’a incité à nous inviter à une soirée avec ses amis. J’étais gênée : je n’avais aucun vêtement pour séduire (mais quelle femme a parfois quelque chose à se mettre ?), ni même d’eye liner. On ne prend pas dans ses bagages une minijupe pour rendre visite à une vieille tante, ne serait-ce qu’à cause du risque d’infarctus. Essayez un peu de séduire avec un jogging et un T-shirt grisâtre, vous verrez de quoi je parle. Rien de pire que la famille : même quand on se persuade qu’il n’y a rien à en tirer, elle vous prépare une mauvaise surprise aux petits oignons. J’ai réussi à emprunter à mon amie quelque chose de suffisamment habillé pour ressembler à autre chose qu’une paysanne. J’avais l’air d’une paysanne avec un chemisier potable.

Bien sûr, j’avais placé beaucoup d’espoirs dans cette soirée mais rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé. Et pourtant, j’en passe un temps à imaginer. J’avais compté sur l’alcool pour me permettre de franchir les barrières que le sens du devoir et la crainte du remord plaçaient sur ma route lorsque je m’entichais d’un nouveau visage. Et puis il y avait cette chanson obscène qui me trottait dans la tête, comme une excuse : You’ve got a pussy. I have a dick. So what’s the problem. Let’s do it quick. Mais évidemment, je suis restée gauche, recroquevillée, à l’abri derrière mon amie, me contentant de sourire légèrement à l’adresse du fameux cousin pour donner le change. Je suis comme ça, la trahison n’est pas mon fort. Bien sûr, je n’attendais rien, il n’avait pas semblé me voir et dans un sens ça me soulageait. Mais après nous avoir ramené, alors que les autres rentraient à l’intérieur de la maison, il m’a retenue par le poignet. Bien sûr, je me suis tournée vers lui, interrogative, pleine d’espoir. Il a fait mine de presser ses lèvres sur les miennes, je ne sais pas, comme ça, il faut bien s’occuper, je me suis laissée faire une seconde, pour donner le change et j’ai dit dans un souffle « j’ai un copain » pour ne pas être une traitresse, pour ne pas être responsable de ce qui allait se passer après. Peut-être qu’après il s’est glissé dans mon lit d’invitée, peut-être qu’il est rentré après tout je n’étais pas quelqu’un qui comptait. Peut-être qu’on a passé des heures à s’embrasser, peut-être qu’on a été raisonnables, peut-être qu’on a eu plein rendez-vous secrets. Je ne me souviens plus, j’étais fatiguée.

Mais je suis bête. Il me connaissait à peine, j’étais déjà prise. Bien sûr qu’il ne s’est rien passé. Je suis comme ça, la réalité n’est pas mon fort.

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