Samedi 28 mars 2009 à 22:20

Lacérer les coupables. Ça aide. Un peu.
J’ai grandi dans une famille normale, aisée sans prétention, cet insupportable entre-deux, entre satisfaction d’une position confortable, du travail bien fait, écœurant ; et pourtant cet élan manqué, loin d’être riche, comme un élan qui s’écrase contre un mur. Il le fallait bien, réfléchir demande de l’éducation et les moyens de ses ambitions. C’est tellement plus noble de tout plaquer lorsqu’on est au sommet et pourtant comment se révolter lorsqu’on est plus bas que terre, lorsqu’on est habitué à ce désert d’avenir, de sens, de beauté. J’étais biberonnée dans la ouate d’un monde doré en toc, vous voyez le genre, et puis un jour j’ai ouvert les yeux par erreur.
J’ai fait une crise d’adolescence, c’était de mon âge, j’ai piqué une crise et j’ai commencé à traîner avec des moins-que-rien, pour emmerder mes parents.
Et je me suis enfin sentie mieux. C’était tellement bien d’être au fond du goiuffre, il ne restait presque que la survie.
On passait des nuits sans sommeil autour d’un feu sommaire. On se battait sans cesse (les bandes rivales, les fugitifs, …) ; on fuyait, on volait, on était craint et presque respectés enfin, on faisait tout ce qu’il m’avait toujours semblé impensable. C’était bien.
J’ai le corps couvert de cicatrices, même si je ne pense pas avoir jamais guérie. Je me sens si bien avec cette enveloppe mutilée, défigurée. Enfin toute cette souffrance peut se voir, elle est inscrite dans ma chair.
J’avais tout à coup le sentiment que l’existence avait un peu de sens, peut-être parce qu’il fallait se battre pour sa vie, peut-être parce qu’elle était réduite à presque rien, peut-être parce qu’il était réconfortant d’être porté par cette existence vouée au non-sens, à la finitude, une négation de l’à venir –no future.
En marge, j’avais le sentiment de pouvoir respirer. Mais ce n’était pas encore assez.
J’étais au fond, la seule chose qui aurait pu achever tout à fait ma déchéance aurait été d’assassiner quelqu’un. J’ai vu toute la laideur et le désespoir, accroupie au coin d’un feu mourant, j’étais avec ces yankees comme j’aurais pu être avec d’autres, il y avait entre nous une solidarité de circonstance inébranlable. Nous étions tous des mutilés, des oubliés, on hurlait comme on aurait pu prêcher dans le désert.
J’aurai pu continuer jusqu’à la mort. Et puis j’ai compris qu’il faudrait bien que j’assassine quelqu’un un jour.
Alors je suis rentrée chez mes parents, lorsque mon corps était sur le point de tomber en morceaux, et je suis allée à l’université. En attendant.
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