Dimanche 19 avril 2009 à 22:35

http://melancholic.cowblog.fr/images/HPIM4216.jpg

Ils étaient trois, parce que parfois il faut être trois pour accomplir de grandes choses. Cette femme toujours un peu ivre, ce docteur et cette enfant des rues bien sûr. Elle avait la peau brûlante comme le poison.
Ils savaient bien que je ne voulais pas mourir, je leur avais dit encore et encore…
La femme m’a prit la main, elle disait « nous sommes des assassins. Nous allons tout arranger. ». ils voulaient réparer le monde et le seul moyen qu’ils ont trouvé, c’est détruire, encore et encore. Le feu du chaos battait dans leurs veines, vous auriez dû voir leurs yeux, c’était de la lave en fusion, rouge rouge rouge, à chaque battement de leurs cœurs mutilés elle se mouvait, elle serpentait derrière leurs pupilles. Ils avaient cela en eux… ce brasier.
Qui a allumé cet incendie glacé ? Il n’y avait plus rien d’humain en eux, plus rien, ils étaient réduits à des gestes mécaniques, comme s’ils se raccrochaient aux derniers lambeaux de ce qu’ils avaient pu être avant d’être consumés par la haine, la femme était morte depuis longtemps déjà et elle buvait et buvait mais le docteur, il sauvait des vies aujourd’hui encore il oscule machinalement les cadavres qui constellent sa route, le précède comme un tapis de glace et l’enfant fume, pille, brise, comme pour reprendre les droits auxquels elle a renoncé, comme pour demander à ce qu’on la regarde, personne ne regarde jamais.
Que sont-ils devenus ?
Et je leur disais, je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir, je savais qu’ils pouvaient me sauver, ils avaient cet antidote, c’est ainsi qu’ils se préservaient, et l’enfant m’a souri, a pressé son front contre le mien, elle m’a avoué son amour et sur ce triste sourire ils ont disparu, personne ne comprend, personne ne sait qui ils sont, personne ne sait qui ils sont, ils aiment à dire qu’ils ne sont personne, mais moi je sais, je sais que cette femme a aimé à en mourir, je sais que ce docteur a laissé mourir ses propres enfants pour venir en aide à tous ces étrangers, je sais que cette fille m’avait au fond des ténèbres du monde de la rue, des gangs, des coups, des vols ; je sais qu’ils n’étaient pas seuls mais qu’ils ont tout laissé derrière eux. J’ai vu dans leurs yeux tout leur dégoût. Pour ce qu’ils sont. Pour les humains. Pour le monde entier. Ils n’ont trouvé mieux que tout détruire.
Ils m’avaient promis un dernier lever de soleil, il me reste au moins ça, je me surprends à rêver qu’elle me rejoindra pour le contempler avec moi. Un lever de soleil, c’est tout ce qu’il me reste. Et déjà voilà l’aube, au loin sur une plaine herbeuse qui a survécu loin des hommes, cette gelée blanche, cette rosée qui a prit froid avant le lever du jour, et je me souviens comme j’aimais la neige, autrefois, le soir de Noël, de ces moments qui vous font oublier le monde autour, où l’on peut juste être heureux en oubliant le reste, et je pensais à elle, à cette enfant, autour d’un brasero précaire, dehors le soir de Noël, avec quelques compagnons d’infortune et parfois même seule sous la neige qui brûlait sa peau, qui marquait sa chair, et je pouvais l’oublier, ce poids énorme, cette rose de plomb dans mon cœur, car elle l’avait choisi.
Voilà ce qu’ils étaient : les fous, les révoltés. Ils ont voulu détruire le monde, se sont nourri de l’énergie du Chaos, encore et encore. Et voilà.
Dieux, j’avais oublié combien l’aurore était belle. Avons-nous pu recréer en culture cette délicatesse, comme nous avons tenté de le faire avec tout le reste ? Maintenant c’est la neige, mon Dieu c’est peut-être Noël aujourd’hui, je vais mourir et cela n’a peut-être plus d’importance. Je voudrais que cette jeune fille, Charlotte, soit auprès de moi : elle est trop occupée à déchirer le monde, comme un vieux décor de papier. Elle voulait contempler l’Absolu en face et je crois qu’à présent il est derrière ses pupilles.
Je n’approuve pas ce qu’ils ont fait, cette femme en cendres (il paraît qu’elle a réduit une clinique de chirurgie esthétique en gravas, autrefois. Pour le geste.), ce docteur qui a vu tant de morts que la mort est devenue une part de lui et cette gamine écorchée que j’ai aimé, par intermittences, mais je peux comprendre.  Le monde était cassé, il est cassé depuis longtemps, et en voyant cette aube flamboyante, l’aurore aux doigts de fées, je me dis après tout, peu importe ? Ce n’est peut-être pas si mal, après tout. Ce n’est peut-être pas si mal.
Aucun commentaire n'a encore été ajouté !
 

Envoyer un farfadet à Brocéliandre









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://melancholic.cowblog.fr/trackback/2827920

 

<< I'm Darkness | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | I'm Sin >>

Créer un podcast