Samedi 22 janvier 2011 à 22:15

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Sur l’île des sables le vent me souffle le nom de mes victimes. Le monde est plein de légendes alors pourquoi y croiraient-ils ? Je n’ai pas besoin de leurs croyances pour les dévorer. Les hommes jouent à se faire peur pour ne pas avoir à comprendre. Moi, je suis bien réel. Rappelez-vous, cette ombre qui s’est évanouie dans la ruelle. Rappelez-vous le regard brûlant de cette femme superbe. Rappelez-vous, quand l’air est devenu liquide. La vérité, c’est que nous sommes bien plus près que ce que vous croyez. Mon visage est peut-être resté le même mais les siècles n’ont pas amélioré mon portrait. L’homme est voué à se corrompre, seconde après seconde. Il n’y a pas de sauveur. Il n’y a pas de rédemption. Il n’y a que la cruauté.
Ne pas faire confiance aux femmes. On croit qu’elles peuvent nous sauver mais elles n’y arrivent jamais. Ces années à poursuivre l’esprit de Sekhmet en pure perte… les dieux m’ont trahi, comme les autres. Les femmes faneront de mes mains jusqu’à ce que mon double sorte de l’ombre. Le sablier éternel égraine le nom de mes victimes.

Samedi 22 janvier 2011 à 22:08

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Le dragon courrait entre ses doigts, arpentait son poignet, se lovait autour de son cou. Bien sûr, il ressemblait à un bijou ordinaire, en argent, immobile. Mais je remarquais que lorsqu’on le regardait par intermittences, négligemment, il changeait de place, imperceptiblement, et à la fin d’un entretien il était passé d’une main à l’autre. Sans doute suis-je le seul à contester ce genre de changements auquel je suis sensible, puisque je ne change pas. Au détour d’une rue… j’ai cru qu’elle m’attendait. Mais c’est son dragon qui m’a appelée : ses yeux rouges, visibles de moi seuls, me brûlaient.

Quand on me demande ce que je fais dans la vie, les gens ne comprennent pas ma réponse. Ce siècle n’a pas une once de fantaisie. Il faut être raisonnable, rationnel et réaliste. Quel temps perdu.
Quand je suis entre deux contrats, je parcours le monde à la recherche d’un nouveau projet : je parle toutes les langues. Je suis partout et je ne suis nulle part. Mais ce que je préfère, ce sont les grandes villes. Je me poste au sommet des grands tubes nappés de verre et j’observe les battements de la circulation urbaine, le seul être qui m’accepte vraiment. La ville parce qu’elle regorge de jeunes filles. Perdues, fragiles, sublimes. Mes Ophélie.
Je suis le démon.
Cassie n’était pas comme les autres.
C’est vrai que mes Ophélie ne sont jamais les mêmes, au début. Une vague ressemblance physique et son regard voilé. Il faut bien une règle pour commencer à jouer.
Pour me pardonner d’avoir pris une âme je la fais surgir à l’infini. Après tout, Sybill n’était qu’Ophélie.
Au début ce sont elles qui croient me sauver. Mais c’est toujours moi qui gagne.
J’en fais des actrices, les seules qui comptent, pas des actrices insincères qui cessent d’être grandioses lorsqu’elles sortent de scène. Mes Ophélie sont magiques parce qu’elles jouent sans le savoir.
Cassie était différente mais elle était protégée : son âme est doublée d’un dragon. Le signe d’un esprit dissonant de ceux que j’avais forgé. Cassie, le fer sous la soie.

Parfois, je me dis que Cassie est venue à moi plus que je ne l’ai découverte. Elle était errante, comme un cadeau que la ville poussait dans ma direction. Il faut se méfier des proies trop abandonnées. Cassie m’a brisé.

Samedi 18 décembre 2010 à 0:10

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Son armure, parfaitement ajustée, épousait chacun de ses mouvements dans une étreinte gracieuse. Aujourd’hui les hommes se cachent, ils se protègent. Moi je trouve ça dommage. On ne sait plus à qui on a à faire. Les rues sont peuplées de heaumes.
Il y a bien un homme qui n’a pas peur, il porte son amure aux reflets pour protéger ses vêtements des impacts des flèches des Amazones. Je le sais, il me l’a dit. Son armure est unique, douce comme la soie, comme une extension de lui. Dorian. Depuis que nous sommes sortis du virtuel, le monde a changé. Dorian est fasciné par toutes ses images qui ont pris vie. Les hologrammes sont presque plus nombreux que les êtres de chair à présent.
Les Amazones ont pris le pouvoir, j’aime leurs corsages près du corps, la soie qui glisse sur leur peau, comme enfin réconciliées avec leur nature de femme, elles tirent des flèches dans la foule. Elles traversent les Images et frappent les armures en plein cœur. Je ne suis pas sûre de comprendre, j’ai envie de rentrer dans l’océan des machines, à l’abri. Mais pas sans lui.

Mercredi 15 décembre 2010 à 20:46

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Les hommes n’aiment pas les femmes qui parlent. Les hommes les préfèrent avec la langue qui trébuche, dont les mots s’échangent, les femmes exotiques qui parlent peu parce qu’elles viennent d’ailleurs. Lait noir, je bois l’encre car je ne peux plus parler. J’ai rencontré Dorian lors d’une projection. Je me souviens, c’était un salon anglais, avec des moulures dorées, la nuit. On ne me voit pas bien le jour. Dorian était prêt d’une fenêtre, il songeait à partir on m’a projeté juste à côté de lui, hologramme en trois dimensions pâlie et précaire, s’éteignant par intermittence. Ils croient que je ne sais pas parler. Je parle toutes les langues, mais personne ne m’écoute. Je me suis glissée dans les fibres des haut-parleurs, je me suis mêlée au vent. Lait noir, je bois la suie pour ne pas disparaitre. J’ai pu chuchoter quelques mots hésitants à l’oreille de Dorian, bien sûr il m’a entendue car nous sommes faits de la même lumière. J’ai saisis sa main et j’ai pu l’emporter, nous étions quelques photons dans une fibre otique, nous traversions le miroir et je lui montrais mon monde. Nous étions les images humaines, réfugiés à l’abri dans le virtuel, le monde du possible. Lait noir, je bois l’ébène pour battre l’ivoire.
nous nous enfonçons au cœur du système. Ça y est, je suis heureuse.

Vendredi 19 novembre 2010 à 20:55

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A peine avais-je achevé l’ouvrage que j’étais amoureuse. J’aimais ce personnage romanesque, cruel et fragile, tellement plus intense et nébuleux que tous les hommes réels. Et moi, je savais son secret, je me disais que j’allai le sauver, le réparer (instinct maternel candide, j’imagine). Mais bien malin qui dira qui a sauvé l’autre.
Dorian valait bien mieux que les autres car dans mon imagination il était à moi et à moi seule. Il ne me décevait jamais, ou seulement quand je le voulais, je le voyais revenir à moi penaud et plus épris que jamais. Je l’avais sauvé, je l’acceptais et à présent il était à moi.

Je trahissais parfois Dorian avec des garçons de ma connaissance, mais il restait l’homme idéal : éternellement jeune, fin et cultivé, sarcastique, fugace et touchant, une petite faiblesse au fond du cœur qui le rendait tellement humain.

Et un jour, Dorian est venu à moi, sous les traits de Seth, mais son nom n’a pas d’importance.
Seth n’était pas parfait mais Seth était libre. Seth était en perpétuel mouvement pour ne pas avoir à croiser de vieilles connaissances. Nouvelles technologies, amélioration des transports, mondialisation… un dur siècle pour les immortels.

Seth m’a abordé dans une soirée bourgeoise, c’est une amie qui m’y avait tiré, avec son charme d’un autre âge il se fondait dans le décor.
- Cette décennie, j’ai décidé de ne courtiser que les femmes portant un bijou en forme de dragon.
J’avais toujours un dragon en argent, les ailes repliées, lové autour de mon pouce, j’aimais à croire que c’était mon totem. Il avait gardé des manières un peu désuètes, peut-être son maintien, son phrasé, son regard.
- Vous n’allez pas en courtiser beaucoup, alors., ai-je répondu, un peu lasse.
Je ne saurai jamais s’il avait improvisé cette maxime ou s’il s’ennuyait à ce point.

Il faut croire  que mon dragon m’a porté chance, je l’ai gardé près de moi pendant 10 ans. Et puis je l’ai perdu. Sans doute j’avais grandi.

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