Elle salua avec grâce (les dames saluent toujours ainsi). Son corset est trop serré, elle compte en toucher un mot à ses femmes de chambre. Les gens s’écartent sur son passage -ils s’écartent toujours. Quelque chose ne va pas, elle ne saurait dire quoi. Quelque chose dans leurs regards – ou peut-être quelque chose dans le sien.
Un courtisan lui adresse la parole, elle sent vaguement qu’elle devrait savoir qui il est, elle devine distraitement qu’il veut l’inviter à danser, elle sent confusément qu’elle devrait lui répondre. Mais qu’est-ce qui ne va pas.
Il lui semble qu’on murmure sur son passage, ils dansent la quadrille. Tout devrait être si normal, elle sait bien qu’elle ne cesse de choquer (un des rares moyens d’existence qu’elle ait à sa portée), elle ne sait ce qui soulève tant d’émotions. Ou peut-être tout cela est juste dans son esprit. Elle sent les baleines marquer sa chair de profonds sillons. Peut-être qu’être femme, c’est accepter une mutilation quotidienne. C’est un peu facile.
Constatation ordinaire, elle s’ennuie. L’espace d’un instant elle s’interroge sur sa place, et qu’est-ce qu’elle fait là. Et elle se souvient : où aller, ailleurs ? Quelque chose ne va pas, elle le sent aux sifflements qui se déploient sur ses pas.
Elle voudrait être chez elle, délassée, détendues, loin de ce carcan de tissus et de conventions, elle voudrait tirer sa révérence, mais ce serait plus fatigant encore. Elle voudrait bien mettre le doigt sur l’origine de son malaise. Sans doute le corset.
L'ambiance qui s'en dégage. On sent la poudre de riz. La lassitude d'une femme du "monde", cela me fais repenser la "La curée" de Zola. A une autre époque. bien que tout cela soit résolument moderne. Oui, résolument.