Je sentais ce dégoût ramper, croître en moi, comme un nénuphar dans mon cœur. Je sentais que je devais la transformer, mais ce n’était que de l’énergie négative, un mélange d’abattement et de haine convertie en adrénaline, un rictus, je sentais cruellement combien j’étais ponctuelle et insignifiante. C’est parce que tout le monde se dit qu’il n’y a rien à faire que rie n’est fait. Aucune fierté à tirer d’être humain, c’est affligeant. Au début on est plein de fougue de combativité et de verve, on cherche le bonheur, on se débat, on creuse la terre de ses ongles ; et puis on se résigne et on tente juste de continuer son petit traintrain sans trop faire de vagues, en se contentant de sa médiocrité quotidienne.
Même dans la sphère des poètes et des fous, rien de grand ne peut être fait. Les amoureux ont 12 ans, puis ils se conforment à leur petit magma de tendresse tiède, réchauffé au micro-ondes.
Comment réussir à faire quelque chose de grand, brillant, intense ? Comment garder la force de continuer à se battre contre la passivité, cette espèce de masse indistincte et poisseuse d’êtres ou de choses qui frissonne lorsqu’on l’effleure ? Comment garder la flamme ? Comment se sentir vivant ?
Je sens mes forces, mes rires, et tout ce qui vaut encore la peine doucement vampirisé par ce rejet de la race humaine, de ses dégâts, de tout ce qu’elle parvient à gâcher, son acharnement à poursuivre des chimères, à détruire le sens, détruire, détruire, détruire, courir dans la mauvaise direction ou restée coucher tandis que tout s’effondre autour, laisser ses semblables et tout ce qui vit CREVER dans l’indifférence la plus totale et la fumée qui s’amasse au dessus de nos têtes et même ça tout le monde s’en fout…
Comment peut-on encore faire des enfants ? A-t-on seulement un peu de joie à leur apporter ou est-ce juste la satisfaction débile de nos désirs égoïstes et stériles de se sentir indispensable ?