Qu’ai-je été en vérité, je serai bien en peine de le dire.
Pendant les vacances d’hiver, la petite ville était désertée, faute d’étudiants. Retrouver la chaleur d’un foyer, ça doit être bien, c’est sûr. Je hante les rues clairsemées, me cogne aux échoppes fermées. Au hasard des ruelles, je cherche une présence. Au fond d’une impasse un café, j’y entre comme envoutée. Quelques étudiants orphelins y sont installés, l’odeur de cannelle rivalise avec un parfum vanille bourbon. Ça sent Noël, un Noël doux-amer des laissés-pour-compte, la fièvre de la fête picote notre peau mais le cœur reste froid. Je m’installe et commande un café viennois, au fond du café une bibliothèque tapisse le mur pour ceux qui comme moi y sont venus tuer le temps par erreur. La neige commence à tomber, comme une enfant j’aimerai tracer des signes dans la buée des fenêtres mais l’air sérieux du serveur m’en dissuade. Nous nous fuyons du regard, comme si nous avions honte d’être encore là, dans cette petite ville universitaire, à la veille des fêtes hivernales, comme si c’était mal. J’attrape un livre pour me donner une contenance, je voudrais déjà partir. Jane Austen me tient compagnie pendant quelques pages, j’aurai préféré un recueil de poèmes mais je n’ai pas envie de me faire remarquer en me levant à nouveau. Je bois mon café d’un trait, j’ai besoin d’être seule. Je suis sortie presque en courant, comme une voleuse. J’avais envie d’aller voir la mer.
Il fait sombre déjà, la mer comme de l’encre de chine et le sable de cendres. La plage noire, l’eau agitée par une grande houle. Ici, je peux être en paix. J’ai sur moi ton mouchoir qui a gardé un peu de ton parfum, cacao/caramel sur fond de bois de cèdre. Bientôt il faudra rentrer.