Samedi 16 mai 2009 à 21:23
Dehors c’est la crise, les graphiques s’effondrent, les gens hurlent, se font licencier ou ruiner. Ça ne change rien pour moi. Le monde extérieur ne m’atteint pas. De toute façon, tout est transitoire, à la crise succédera un redressement, à la croissance succédera la récession, ce n’est qu’une question de patience.
Les gouvernements débattent sur les moyens de sauver les meubles, histoire d’être les sauveurs de leurs nations respectives afin d’être réélus, comme si leur intervention allait changer la face du monde. Les choses finiront bien par se réguler seules, c’est bien comme ça que ça se passe, non ? C’était juste de l’argent virtuel qui a disparu. Dommage que les conséquences soient réelles.
Alors les gens manifestent, font la grève pour que Dieu maintienne leur pouvoir d’achat. C’est sûr qu’interrompre le processus productif est le meilleur moyen de relancer l’économie. Préserver leur pouvoir d’achat, avec quel argent ? En faisant jouer la place à billets ? En augmentant artificiellement les salaires, augmentation qui sera répercutée sur les prix, engageant une spirale inflationniste stérile : pourquoi faire ? Qu’est-ce qu’ils espèrent au juste ?
Pour moi cette crise est l’illustration de l’artificialité croissante de l’économie, de nos vies.
Alors les gens veulent des solutions, ils manifestent pour qu’on les sauve. Plus les techniques progressent plus tout va si vite, on traverse la moitié du globe en quelques heures, les informations circulent de câble en câble à la vitesse de la lumière, toujours plus vite, le monde nous obéit en un seul clic, on s’habitue à l’instantané, à assoir son autorité par la pression d’un seul bouton, on ne fait plus le moindre effort, tout va si vite, tout est si simple et si confortable. Les paysans attendaient l’été pour moissonner leurs champs. Nous, nous sommes dans l’air de l’immédiateté.
Les choses doivent être rapides, les résultats se traduire en chiffres juste après. On juge une politique sur ses effets immédiats, le chef politique ne cherche pas à construire l’avenir à longs termes mais celui de sa campagne électorale.
vivre à court terme, c’est sentir les bénéfices immédiatement, repousser les coûts à plus tard. Investir sur l’avenir, c’est ressentir directement les coûts pour un avantage différé. Alors pourquoi attendre ? Alors nous commandons une tartelette à la fraise alors qu’on s’était promis de faire un régime, on craque pour ce superbe sac alors qu’on s’était promis de faire des économies, et demain je me mets au sport, j’arrête de fumer et je me mets à travailler sérieusement pour mes partiels. Et je manifeste pour qu’on maintienne, je ne sais comment, mon pouvoir d’achat. Humains, trop humains.
Parce que c’est sûr, si nos techniques sont toujours plus performantes, si nous appréhendons toujours avec plus d’acuité le monde qui nous entoure grâce aux progrès des sciences, avons-nous progressés en tant qu’humains ?
La planète se désagrège, les puissances industrialisées laissent les populations du Sud crever de faim et les gouvernements corrompus empocher les aides destinées à leurs peuples et s’acheter de superbes châteaux en Espagne, des enfants crèvent de coudre des ballons qui seront revendu à prix d’or à cause du logo orné dessus et tout le monde s’en fout.
On court après le profit immédiat, notre vie est réglée comme une horloge dénudée, des rendez-vous, un planning plein à ras-bord et le tic-tac rythme nos vies, avons-nous progressé en tant qu’êtres humains ? Gardons-nous l’essentiel en ligne de mire, ne nous sommes-nous pas perdu dans le faste et le confort un peu facile de nos sociétés de consommation, où tout est à portée de porte-monnaie ? Ou au contraire…