Dimanche 15 juillet 2007 à 19:46

Vous savez, ma vie a toujours été fade. Morne. Plate. Insipide. J'en ai cherché des synonymes pour tapisser les murs de mon ennui, vous savez.
Tout était vide autour de moi, dénué de sens et de substance, avec ma rencontre avec lui.
J'ai tellement besoin de lui…

Sur le moment, j'ai réellement eu l'impression de vivre un rêve.
Quand deux solitudes s'entrechoquent…

Je ne m'étais jamais sentie bien nulle part, auparavant.
Pas à l'école, en tous cas, où on me forçait à apprendre toutes ces choses inutiles et incompréhensibles, comme tout autour de moi.
De toute façon, le futur m'apparaissait comme un brouillard qui s'opacifiait un peu plus à chaque pas, vaguement menaçant, pour faire bonne mesure. Rien ne me poussait à faire des efforts, à m'investir, à travailler dur pour mon avenir. Il n'y avait pas d'avenir et aujourd'hui encore...
« Peu importe la direction que prendra ma vie » pensais-je « de toute façon, cela m'est égal de vivre. »
J'attendais la mort sans impatience ni appréhension, le temps s'écoulait avec une constance qui n'avait d'égal que mon indifférence.

Je ne me sentais pas à ma place chez moi non plus. Je me suis toujours demandé pourquoi la Nature m'avait doté de parents, d'une famille.
Je crois que j'aurais préféré la solitude à leurs présences insuffisantes.
C'est sans doute pour cette raison que dès que je fus en âge de sortir, et même un peu avant sans doute, je désertais la maison presque tous les soirs. Que ça leur plaise ou non.
J'imagine qu'ils se sont habitués au fait de ne plus avoir de fille. Je l'ignore et ça m'est bien égal.

Dimanche 15 juillet 2007 à 12:39

Il me semble que je l'ai écouté des heures durant, avant qu'il ne daigne lever les yeux de sa guitare et m'adresser quelques mots.
Ne le croyez pas prétentieux, ou imbu de lui-même.
C'est peut-être l'être le plus gentil que je connaisse.
Il a besoin de fuir, c'est tout. Comme nous tous.
Et j'imagine qu'il a du mal à s'arracher à ce qui le protège. Quelques notes pour étouffer le silence et une cigarette.

De toute façon, je crois qu'il n'avait pas l'habitude qu'on l'écoute.
Regardez ces gens de la ville, tous ces citadins. Enfermés dans leur bulle électronique, hermétique.
Juste s'arrêter un instant, faire une pause, respirer, goûter de la musique qui chuchote au coeur… C'est sans doute trop demander.

À ses côtés, je n'avais besoin de tien. J'avais juste le sentiment d'être à ma place. Enfin.

Quelqu'un d'aussi doué… Je me disais qu'il devait forcément jouer dans un groupe, qu'il courrait les petites salles pour se produire et les cafés concert avec ses comparses, qu'il jouait sans cesse en attendant de passer pro.
Si c'était le cas, il ne m'en a jamais parlé. Je crois que je n'aurai pas supporté.
Parce que c'est ce qui était si formidable entre nous : le sentiment de dépendre totalement l'un de l'autre. De n'être que deux sur Terre.

De toute façon, à la réflexion, il ne jouait pas avec… rage, comme pour survivre.
Il jouait avec calme, avec détachement, comme si c'était un simple passe-temps. Mais moi je savais bien que pour lui, c'était vital.

Dimanche 15 juillet 2007 à 12:37

Je l'ai rencontré un soir, comme ça. Je errais dans les rues, je...

On pourrait presque dire qu'il m'attendait.
Il jouait comme ça, sans but, sa guitare à la main et les yeux dans le vague, il ne jouait pour rien ni personne d'autre que lui-même.
Il n'avait rien pour recueillir l'obole des passants.
J'imagine qu'il n'y a pas tellement de passants mélomanes ayant de temps à gaspiller à minuit passé.
Les adultes sont tellement pressés...

Il fumait la même marque de cigarette que mon ex, rien qu'à en respirer l'odeur âcre et entêtante je...

La chanson qu'il jouait était magnifique.
Non que la mélodie fut particulièrement accrocheuse, ou que les paroles me parlaient particulièrement (d'ailleurs, je crois qu'il ne chantait pas), ou même qu'il fut un musicien hors pair, un de ces génies capables de transformer la moindre bouillie de notes en oeuvre d'art...
C'était plus subtil que ça.
C'était quelque chose dans la magie de l'instant, la beauté de cette ville endormie, avec au loin le ballet clairsemé de quelques fêtards, c'était lui, aussi, son charme, l'odeur de la cigarette qui se consommait entre ses doigts sans qu'il ne la porte jamais à ses lèvres, il me semble, et la danse hypnotique de la fumée, c'était son vague sourire... C'était la rencontre de deux âmes perdue au beau milieu d'une nuit ordinaire.

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