Mercredi 30 juin 2010 à 20:23

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Un courant d’air frais contamine la chambre. Dieu sait que je suis une créature de la nuit mais en été l’aube devient mon terrain de chasse favori. Allongée sur mon lit, je me love dans un déluge glacé, je ne suis plus au centième étage d’un building mais dans une petite maison de vacances, au bord de la plage. Je ne suis plus seule, je suis le cœur vibrant d’un corps de chair courant vers l’eau salée.
L’appartement se transforme en fournaise dès midi, je calfeutre les ouvertures. L’extérieur m’est hostile, si je sors je dois marcher sur du goudron en fusion, presque liquide. Alors j’enfile des sandales et un paréo, je lutte contre les dunes pour rejoindre les autres vacanciers. Je sens la présence de quelques amis, ils appartiennent au passé mais je les sens revivre, je ne suis plus seule le temps d’un été au bord de l’eau.
Je voudrais que la journée ne commence jamais, qu’elle reste suspendue à ce courant d’air matinal, au souffle de la ville qui s’étire. Mais il faut bien se lever alors je me coule vers la cuisine, mes gestes sont lents, j’ai peur de briser l’atmosphère en me hâtant inutilement. Je bois d’un trait un verre de lait glacé. Dans le salon j’entends des éclats de voix, les bruits de vaisselle de mes compagnons. Je me sens étourdie par la morsure de l’air marin. La chaleur n’est plus ma mortelle ennemie, bientôt nous irons nous noyer dans la mer voisine.
J’allume mon ordinateur, il s’éveille en vrombissant, il est mon seul compagnon dans l’étendue urbaine, il me semble que soudain le monde est désert, fuyant la pesanteur moite des gratte-ciels. Se fuir soi-même dans l’exotisme, tant qu’on peut nager, sentir le ruissellement de l’eau chlorée. Je suis seule dans la maison de la plage, les autres sont partis faire des courses mais ils vont revenir, dans ma table de nuit un occupant précédant a oublié un livre, le titre ne me dit rien mais la présence insolite de ce livre inconnu, comme laissé à mon intention, me semble poétique. C’est peut-être le titre : la pluie, avant qu’elle ne tombe. Je suis allongée sur le sable fin mais je suis toujours seule, il y a des mois que je suis seule. Mais en ville, j’ai Seth, fantôme entêtant.

Samedi 12 juin 2010 à 23:22

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Seth a toujours su faire sortir ce qu’il y avait de plus terni en moi, à ses côtés je me sentais panthère, couguar ou jaguar, j’étais invincible. La jungle urbaine était mon territoire, je m’y glissais. Seth qu’as-tu fait de moi ?
En rencontrant Seth, j’ai eu le sentiment de m’éveiller d’un long sommeil. Je devenais mauvaise, tricheuse et voleuse, parce que j’en avais le pouvoir. C’était ça qui était si exaltant : il étendait les limites de ma propre puissance. Avec Seth, les règles c’était pour les autres. Mais elles ont rattrapé Seth. Et comme Seth est un tricheur, il est parti sans dire au revoir.
Un matin, je me suis réveillée dans notre appartement, certains murs étaient nus soudain des bibelots dont Seth les avait chargés, d’autres s’étaient couverts de mon image pendant la nuit, je n’avais rien entendu.
Je me suis levée, je ne comprenais pas, l’appartement semblait bancal avec seulement la moitié de ses breloques, j’étais en territoire inconnu : celui des cloisons à vif, celui du vide.
Je me suis versée une tasse fumante, la cafetière était encore chaude, Seth ne partait jamais de l’appartement avant le déjeuner, Seth ne partait jamais sans m’embrasser.
La tasse s’est brisée.
Qu’il soit parti pour me protéger ou qu’il ait été pris, qu’il se soit enfui pour se cacher ou qu’il se soit rendu, je sentais que quelque chose s’était brisée. Seth était un imposteur et pour la première fois j’en faisais les frais.
Seth m’avait abandonnée, il savait pourtant que j’aurai enduré l’enfer pour rester avec lui. Se faire prendre ce n’est rien, être battu à mort ce n’est rien.
Mais Seth ne pense qu’à lui.
Alors je parcours la ville, je piste ma proie. Je sais qu’un jour je le trouverai, car Seth fait partie de cette ville au même titre que les gratte-ciels. Er alors je le déchirerai.

Vendredi 7 mai 2010 à 18:48

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Seth était un menteur et un courant d’air. J’avais dix-sept et envie de vivre. Dans ma torpeur, j’ai senti qu’il était celui qu’il me fallait.
Alors il s’est imposé à moi. Un jardin public ; de grands parterres de jonquilles ; je portais un parfum vanillé, un peu écœurant. C’est peut-être ce qui a attiré son attention. Je déambulais au hasard, savourant la morsure du soleil. Je n’étais pas vivante avant de le rencontrer.
Il était du genre accommodant, il m’a laissée m’imposer à lui.
Nous sortions tous les soirs.
Il m’a présenté des amis à lui, je suppose qu’ils avaient pris l’habitude de se croiser dans les dancings.
C’était facile d’être avec eux.

Vendredi 7 mai 2010 à 18:46

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J’aime les grandes villes. Des immeubles nappés de verre, anonymes. Chambre avec vue. J’habite cet appartement comme une rencontre passagère. Les murs nus et le mobilier sommaire rappellent l’hôpital. Mais dans cette ville, il y a Seth.
Une ville, la nuit. Le moule dans lequel il m’a forgée. Les lumières des réverbères et les lanternes des terrasses des cafés, les ampoules sales des clubs où tout se joue dans l’arrière boutique ou les cuisines, il m’enveloppait dans une robe du soir aérienne et on allait dans des bars sordides aux airs de société secrète.
Je me souviens de ces journées passées dans son studio, comme s’il n’y avait rien d’autre au monde qu’une vue sur les gratte-ciels. Une vie en apesanteur.
On ne voit ni le ciel ni le sol, les hauteurs semblent former une ville à elles seules, par des ponts invisibles qui semblent se former au sein d’un même étage. L’horizon est barré de bannières publicitaires.
Notre cœur battait au rythme de l’urbain (ce grand cœur de béton), c’est peut-être la seule chose que nous avions en commun. Nous avions besoin d’un microcosme, de mille miroirs pour nous apercevoir. Perfusés aux gaz d’échappements, nous nous nourrissions des pulsations de la foule.

Vendredi 7 mai 2010 à 18:44

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Il s’infiltrait partout. Il avait ses combines. Il faisait semblent de retrouver de vieilles connaissances, ils savaient mettre subtilement mal à l’aise les gens pour qu’ils lui cèdent en tout. Nous évoluions dans des salles dont les plafonds ployaient sous les lustres de cristal et les fenêtres sous les tentures, comme si nous étions parfaitement à notre place. Nous étions chez nous partout.
Jaguar. Seth abordait les femmes, elles se retournaient (surprises, inquiètes, hostiles…), il les désarmait d’un sourire enjôleur. Elles sentaient les accents séducteurs de sa voix, elles se laissaient troubler, un rendez-vous ça n’engage à rien…
Lorsqu’ils se trouvaient face-à-face, dans la fausse intimité d’un café bondé, il leurs tournait autour comme on tourne autour d’une proie.
Il devenait dangereux, inquiétant… il s’approchait de leurs bouches d’un peu trop près, il se penchait vers elles pour les acculer à la fuite… elles étaient envoutées, elles étaient désorientées… elles finissaient par se glisser aux toilettes pour se remaquiller, pour déposer une goutte de parfum au creux de leurs gorges, pour ne plus avoir à soutenir son regard, reprendre leurs esprits…
Si elles laissaient leurs portefeuilles ou un objet de valeur, il disparaissait avec. Sinon, il retentait sa chance.
Mais les femmes sont naïves, il avait rarement à prendre un second rendez-vous.

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