Vendredi 23 janvier 2009 à 21:33

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C’était, vous savez, deux solitudes qui se rencontrent. Ça a toujours quelque chose d’un peu usé, vous savez. Deux solitudes usées jusqu’à la corde.
Il était beau, du moins sous un certain éclairage. Je veux dire, mon éclairage.
C’était la nuit. C’est toujours la nuit. C’est toujours un peu triste, aussi. Je ne sais pas. Je suppose que c’est toujours comme ça lorsqu’il n’y a personne autour.
Personne, sauf lui. Je suppose que j’étais belle. Vous savez comment c’est. À la lumière des lampadaires, à la lumière de ce vide autour de nous… L’autre paraît tellement beau, comme un miracle qui s’infiltre. C’est bien aussi.
Rien ne s’arrangera jamais, n’est-ce pas ?
C’était lui comme cela n’aurait pu être personne, d’autre, vous voyez ? On s’est croisé. On aurait pu pleurer dans les bras l’un de l’autre, mais on était pas prêt à lâcher prise. On ne peut jamais vraiment. Comme si ça pouvait changer quelque chose, putain.
Depuis, je vais bien. Enfin je crois.

J’aurai tant aimé te rencontrer lorsque j’étais encore en vie.

C’était très calme. C’est calme une ville qui dort.
Il s’appelait Phébus. C’est comme ça, vous savez. C’est toujours un peu triste, mais finalement le vide fait tellement plus peur.
Je ne sais plus. On a parlé, comme ça. Bien sûr que j’avais froid. Mais ça ne changeait pas grand chose. Ce que nous nous sommes dit n’a aucune importance. Sûrement des détails, vous savez. Des choses qu’on échange pour combler le vide, mais ça ne le comble jamais. De ces choses qu’on se dit en pleurant de l’intérieur, parce que ça fait mal, toujours ces détails, ces choses insignifiantes, triviales, et qu’est-ce qu’on pourrait se dire d’autre ? Y a-t-il vraiment quelque chose à dire ?

Je t’aime. Encore et encore.

Tout ce qu’on pouvait faire, c’était se réchauffer l’un contre l’autre. J’ai encore le feu de ses baisers sur ma peau, sur mes lèvres et mon cou, des baisers doux et passionnés, comme ceux d’un homme qui se noie. Il s’était penché très doucement sur moi. Je ne sais plus comment nous étions atterris dans cette chambre, je suppose que c’était inévitable. Ma bouche cherchait la sienne, ma peau brûlait… Rien de plus. Nous ne pouvions pas.

Deux solitudes qui se croisent, qui se manquent. Trop fidèles au passé, aux choses qui ne sont plus, qui ne seront jamais plus… Il ne pouvait pas. Je comprends. Et qu’est-ce que j’aurai pu faire ? Le passé c’est tout ce qu’il me reste.
Au réveil, il n’y avait personne, il n’y aura jamais plus personne. C’était une solitude qui ne m’appartenait pas, qui ne pourrait jamais m’appartenir.
Nous aurions pu nous aimer, si nous avions pris le temps. Finalement tout est contingent.
Deux solitudes qui se croisent et qui ne peuvent se rencontrer. Alors je fais ce que j’ai toujours fait : j’ai couru. J’ai couru à en mourir.
 

Lundi 19 janvier 2009 à 22:22

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Il me scrutait tandis que je montrais les crocs.
« Quel est ton nom ? »
Je ne savais plus. Que signifie un nom lorsqu’on est seule ?
« Ils m’appellent Phobos. Veux-tu être Callisto ? Ce nom en vaut bien un autre. Viens avec moi. Tu n’es plus seule. »
Il tendait la main, je ne savais comment réagir, je ne savais plus parler.
Il a trouvé les mots pour parler à mon humanité endormie, il m’a convaincue. Il a prit un temps infini pour que je retrouve ce que j’avais perdu.
Voilà mon histoire.

Il n’est pas comme moi, il a été transformé par un Wampyr puis abandonné. Il ne lui en tient pas rigueur. C’est quelqu’un de bon. Il est plus humain que bien des mortels.
Nous sommes comme vous, nous avons besoin de quelqu’un pour affronter l’éternité. Et il m’a trouvée.
Nous ne sommes pas comme vous.
Je passe des décennies sans voir son visage. Il ne me manque pas.
Je sais quand il a besoin d’être seul, il sait quand me retrouver.
Le monde est trop petit pour nous deux.
Vous ne comprenez pas ? Je m’y attendais.

Je ne vous conterai pas une aventure avec un mortel, une relation condamnée d’avance, Tristan et Iseult condamnés à la mort… C’est d’un commun.
Certaines choses ne peuvent être dites. Les Wampyrs ne sont pas très adroits avec la tristesse.

Je vous aime, mortels. Je vous méprise pour cette raison, j’aime cette fragilité en vous. Je vous envie car vous êtes condamnés à affronter la mort. Moi, j’avais trop peur. J’ai trop peur pour l’éternité. Je refuse de m’éteindre. Je refuse de disparaître.


Il y avait en ce temps là de plus en plus de Wampyrs de par le monde, dissimulés aux quatre coins du monde. Ils devenaient de plus en plus civilisés, à force de se nourrir de vous, en créant de nouveaux compagnons, par émulation mutuelle. Il s’est formé de petites communautés (elles restent très restreintes pour éviter de dissimuler une ville en une nuit, cela manque de discrétion). Nomades, nous visitions nos frères, nous ne nous attardions pas : nous n’avions besoin de personne.

La question des origines me taraudait. Pour Phobos, cela allait presque de soi : il descendait de celui qui l’avait créé.
Les siècles passaient. Phobos et moi nous éloignions des mois durant.
Je me mêlais aux humains, parfois, mais comment s’attacher : si fragiles…
Je me refusais à me façonner un compagnon. Il y avait Phobos, bien sûr et puis… Je ne voulais imposer ça à personne. Plus encore, j’avais peur d’être confrontée à un échec. Depuis que j’étais un Wampyr, tout semblait aller de soi, la première stupeur passée. Ma rencontre avec Phobos même était inéluctable. J’avais été une humaine insignifiante, j’étais un Wampyr passable. Je ne pouvais risquer d’être un Wampyr raté.

Dimanche 18 janvier 2009 à 21:54

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C’est dans ces moments-là que je sais que je peux conquérir le monde. Je fends la foule, les gens s’écartent sur mon passage… en ont-ils conscience ? Cette machine à sons, humaine, dans mes oreilles. Il y a dans mes yeux cet éclat impitoyable. Je suis déesse parmi les hommes.
Certains m’interpellent, ils me demandent pourquoi mes pupilles ont des éclats grenat. Mon sourire acéré suffit généralement à décourager les plus curieux.
Je reste persuadée que l’un d’eux, noyé dans leur nombre, m’attend.
Je voudrais placarder les murs de son visage et lui hurler que je l’attends, encore et encore, encore et encore, mais certaines choses sont impossibles. Même pour moi. Qui qu’il soit, loup, dragon, humain fragile, je le prends tout entier. Je lui suis destinée, nos destins sont plus inextricablement liés que deux liens noués pour ne former plus qu’un.

Mercredi 14 janvier 2009 à 19:40

 
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Quatre femmes identiques me tendent quatre prospectus identiques d'un geste automatique.
- Vous êtes dans une impasse ? Vous ne savez quelle alternative choisir ? Clonez-vous et vivez vos sept vies sans regret ! Venez nous voir ! Chez ***** sept vies garanties sans tares sournoises !

La nouvelle tocade.
Dans la rue, impossible de savoir si on a à faire à un clone ou à un original. Tout le monde s'en fout. Les jumelles, triplettes... font leur shopping de concert et s'arrachent mutuellement leurs trouvailles. Un café fait fureur, « Mère, fille et clones », on clame à l'émancipation de la femme, la scandale dont il a fait l'objet (mère et fille ont chacune un clone travaillant dans une entreprise au cas où le concept ne marche pas) n'a pas découragé la clientèle. Au salon, les clientes discutent de la nécessité de créer ou non une nouvelle copie, de peur de « gâcher une vie ». 7 vies, 6 clones. Il fallait bien poser une limite.

Une loi est passée récemment d'ailleurs, malgré les lobbies. Maintenant, il ne s'agit plus qu'un original n'ait pas plus de six clones vivants, on ne peut pas en créer plus de six, c'est plus humain. Mais il y en a toujours pour détourner le système, pour aller dans des paradis clonales...

Je soupire et me présente face à la porte vitrée qui s'efface sans bruit pour me laisser entrer. La morsure de l'air climatisé me surprend.

Trois hôtesses d'accueil semblables m'accueillent d'un bonjour monocorde.
Les clones aiment bien exercer la même profession que leurs originaux. Et les originaux garder un œil sur les copies. Ça arrange tout le monde de vivre sept vies identiques. Parce qu'au fond, on est pas trop prêts à prendre des risques. Le cocon quotidien est tellement plus rassurant.

De toute façon, pour une entreprise pareille, c'est une question de crédibilité.

- Je voudrais me faire dupliquer six fois. S'il vous plait.

Intense surprise et bouche en cul de poule synchronisée. Les gens ne sont pas censé gâcher leurs six possibilités d'un coup. Sauf moi.
Je pourrais expliquer. Mais pourquoi perdre un peu plus de temps ?
Je me contente d'ajouter, comme une explication :
- Je veux vivre mes sept vies.
Tranquillisées, elles haussent les épaules et vaquent à leurs occupations, l'une d'elles décroche le téléphone et après quelques instants m'annonce gracieusement que « le docteur ****** (pas compris qui) est disposé à me recevoir, si je veux bien me donner la peine de... » Trop aimable.

Je me méfie des médecins, ces arrivistes qui surfent sur la vague du clonage (thérapeutique, esthétique, loisir...). Les gens manquent de soins parce qu'ils finissent tous par être débouchés par un laboratoire ou une clinique.
Au fond, tout est corrompu. Et ces clones sont les plus pourris.
Je ne sais pas qui je déteste le plus. Clones. Médecins. Tout se vaut.
Je veux comprendre.

Je patiente dans une salle tapissée de reproductions d'Andy Wharold.
Derrière un bureau, le clone de l'hôtesse d'accueil. Je me demande si les employés ont des dérogations.

Le docteur finit par ouvrir la porte, une femme enceinte en sort. Je ne veux pas savoir qui elle veut faire cloner. Et pourquoi.

Le médecin suspend mes réflexions en m'invitant avec insistance à entrer.

Il est immonde. Non qu'il ait pu me paraître autre. Des manières doucereuses. De toute façon je ne suis pas prête à l'apprécier.

- Asseyez-vous je vous en prie. Quelque chose à boire ? Thé, café ?... Non ? Bien, qu'est-ce qui vous amène ? Un clonage, je suppose.
- Oui. Six exemplaires.
- d'un coup ? C'est original. Vous m'excuserez, j'ai besoin de votre carte d'identité, pour vérifier que vous êtes bien « vierge » de toute copie... Le gouvernement est très vigilant là dessus vous comprenez... Des contrôles très pointus... Merci... Bien... Vous semblez en règle... Non pas que j'ai douté de votre bonne foi, bien sûr... Mais il y a des clientes... Des obsessionnelles. Il y a un nom, c'est un syndrome qu'ils ont identifié il y a quelques mois... Je peux vous demander votre projet ? Pour les clones.

Devant mon regard noir.

- C'est la procédure.

Je suppose que je ne peux y échapper. Je répond posément

- Je vais mourir.
- Maladie dégénérative non-génétique, je suppose ?
- Oui. J'imagine qu'il y en aura bien une sur les six qui me survivra.
- J'y compte, nous faisons des clones en bonne santé Mademoiselle. Je me dois tout de même de vous rappeler que votre individualité, votre conscience propre, s'éteindra avec vous. Clones ou pas.

Bizarre ce médecin. Il me prend pour une imbécile ? Je le gratifie d'une seconde œillade meurtrière, il hausse les épaules, l'air de dire « c'est la procédure ».
Avec un peu de chance, il finira bien par tomber raide mort avant la fin de l'entretien. Aucune importance, il y aura sûrement un clone qui sortira du placard pour le rmeplacer.
Peut-être même ai-je à faire à un clone.
Je déteste cette société où on ne sait plus si on s'adresse à des humains ou à des facsimilés !
Je ne nie pas que les clones soient humains. Mais ils ne seront jamais au même niveau que leurs originaux.

- C'est mon travail. J'aurai besoin de détails sur votre maladie, lorsque nous procéderons à la copie. Pour minimiser les risques. Quelles caractéristiques souhaitez-vous donner à vos clones ?
- Pardon ?!?
- Oui, certains clients demandent à ce qu'on maximise ou inhibe certaines particularités des futurs clones. Par exemple, rendre leurs capacités inférieures pour « garder le contrôle ». Ou bien encourager certaines tendances en vue du projet auxquels ils les destinent. Par contre, je vous préviens que nous ne touchons plus à l'apparence. Cela crée trop de problèmes, des rivalités entre les clones et les originaux...
- Je les veux comme moi. Exactement.



Mercredi 14 janvier 2009 à 19:13

 
http://melancholic.cowblog.fr/images/ManetBoulogne.jpg
Il est venu me trouver alors que je guettais une proie, immobile au creux d’un arbre. Il me semblait que j’étais plus vieille que le monde, il me semblait que je n’avais jamais rien été d’autre que cette machine à tuer.
Il s’est mis à me parler en cette langue commune que je croyais avoir oublié. Il me dit qu’il me cherchait, qu’il m’avait toujours cherchée, et que j’étais là à présent.
Si mes reflexes n’avaient pas été aussi aiguisés, il est certain que j’aurai chu du mon perchoir.

Il me scrutait tandis que je montrais les crocs.
« Quel est ton nom ? »
Je ne savais plus. Que signifie un nom lorsqu’on est seule ?
« Ils m’appellent Phobos. Veux-tu être Callisto ? Ce nom en vaut bien un autre. Viens avec moi. Tu n’es plus seule. »
Il tendait la main, je ne savais comment réagir, je ne savais plus parler.
Il a trouvé les mots pour parler à mon humanité endormie, il m’a convaincue. Il a prit un temps infini pour que je retrouve ce que j’avais perdu.
Voilà mon histoire.

Il n’est pas comme moi, il a été transformé par un Wampyr puis abandonné. Il ne lui en tient pas rigueur. C’est quelqu’un de bon. Il est plus humain que bien des mortels.
Nous sommes comme vous, nous avons besoin de quelqu’un pour affronter l’éternité. Et il m’a trouvée.
Nous ne sommes pas comme vous.
Je passe des décennies sans voir son visage. Il ne me manque pas.
Je sais quand il a besoin d’être seul, il sait quand me retrouver.
Le monde est trop petit pour nous deux.
Vous ne comprenez pas ? Je m’y attendais.

Je ne vous conterai pas une aventure avec un mortel, une relation condamnée d’avance, Tristan et Iseult condamnés à la mort… C’est d’un commun.
Certaines choses ne peuvent être dites. Les Wampyrs ne sont pas très adroits avec la tristesse.

Je vous aime, mortels. Je vous méprise pour cette raison, j’aime cette fragilité en vous. Je vous envie car vous êtes condamnés à affronter la mort. Moi, j’avais trop peur. J’ai trop peur pour l’éternité. Je refuse de m’éteindre. Je refuse de disparaître.

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