Vendredi 10 août 2007 à 22:27

Agitation urbaine.
Et cette foule qui me cerne et s'empare de moi.
Je me laisse entraîner par le flot, il me guide (où ?) vers une obscure destination. Que m'importe ?
Le soleil s'éveille tout juste de son lit de nuage, la légion des Innombrables, éveillée déjà, fourmille.
Le monde entier semble réuni sur l'asphalte, mue d'une seule volonté, d'une seule conscience. Tous, nous allons nous abrutir au rythme des corvées stupides dont nous nous laissons assigner, avant de retourner, plus tard, à nos existences non moins stupides.

Mais non. Nous n'étions pas seuls.
Tache bleue noyée dans les costumes gris, elle était là.
Elle attendait.
La horde défile sur le macadam, elle était simplement assise sur un banc, un peu en retrait, un peu en marge, les yeux plongés dans le vague. Elle ne semblait pas appartenir à l'instant.
Je veux dire qu'elle n'était pas vraiment là, sur son banc, mais prisonnière d'un espace-temps connu d'elle seule, quelque part dans ses pensées.
Elle était belle, vous savez. Les héroïnes sont toujours belles.

Elle devait guetter l'arrivée de quelqu'un, quelqu'un qui braverait le flot, qui remontrait le trottoir à contre-courant. Il y avait de ça dans ses yeux.

Qui attendait-elle ?
Aucune importance.
Un ami, un frère, un amant peut-être.
Quelqu'un d'important, en tous cas. Pour elle.
Peut-être un seul de ces chiens de bureau comme tous les autres, comme nous tous, semblable à mille autres à nos yeux aveugles, qui sait.
Mais à la regarder, on devinait qu'il s'agissait d'une exception, comme elle, une anomalie colorée au milieu de la foule.

Gris, le monde est gris.
Elle n'en tranchait que davantage.
Elle n'appartenait pas à ce monde. Pas vraiment.

Mais ce qui m'a sans doute le plus marqué, ce n'était ni l'excentricité de ses vêtements, de ses cheveux, de son parfum (une odeur de fruit qui m'a caressé lorsque je me suis trouvé tout près d'elle, si près que j'aurai pu l'effleurer si j'avais osé), ni son immobilité au milieu de ce cœur qui palpite, la ville s'éveille.
Mais c'est son visage qui s'est gravé dans ma mémoire.

Pas pour sa beauté, ou…
Elle attendait. Et son visage transpirait la douleur.
Jamais je n'ai vu pareille expression sur le visage d'un être humain (ou de toute autre créature).
Peur, tristesse, souffrance… Chaque pore de sa peau le criait. Ses yeux me le hurlaient. Etre davantage blessé est impossible.
Comment pouvait-elle le supporter ?
Chacun de ses muscles tétanisés semblaient figés pour l'éternité dans cette position monstrueuse (pour nous, créature de chair & de sang). Elle ne bougeait pas. Pas du tout.

Peut-être que ce qu'elle attendait était simplement retardé, ou bien l'avait-il lâchement abandonné (comment abandonner une si belle femme ?).
Et pourtant, elle restait digne, pas une larme ne perlait de ses yeux.
Et la scène n'en était que pire.

Elle aurait pu attendre ainsi des heures, des jours, des siècles.
Rien n'aurait pu ébranler son attente, et rien qu'à la regarder c'était comme un coup de poignard au coeur.
Aussi les regards la fuyaient.

Je songe seulement à elle et sa simple image puise du fond de mon âme des lacs salés, ils jaillissent du coin de mes paupières.

Qui était-elle ? Personne.
Rien qu'une passante anonyme, comme j'aurai pu en croiser tant d'autres, des yeux bleus délavés et des cheveux blonds cendrés qui cascadent en larges boucles, bien plus longs que la longueur règlementaire et sa petite taille… Et ses courbes…

 Qui était-elle ?

J'interrogeais quelques camarades de macadam, nul ne se souvenait d'elle, comme si elle s'était mystérieusement effacée de leur mémoire… ou que j'avais rêvé.
Le soir, lorsque je fis le même itinéraire absurde à rebours, elle n'était plus là.
Nul ne la revit jamais.

Qui était-elle ?

Par N.Freed0m le Dimanche 12 août 2007 à 16:53
Fiuuu ....
j'me répète j'me répète, j'me répète j'en suis désolée.
Mais tu reprends la thématique de la passante (Amis de Baudelaire bonjour !) d'une telle façon ...
Tu devrais chercher un éditeur, mais réellement. J'ai parcouru d'un clic ton blog avant de commencer a le lire et j'suis tombée sur une lettre (fictive ???) a un éditeur.
Magnifique vraiment !
 

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