Samedi 18 décembre 2010 à 11:17

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Elle était dans une pièce interminable, nue et vide. En face d’elle, deux trônes en livres, une femme et un homme (l’homme était d’ailleurs plongé dans un bout de son accoudoir, l’air extrêmement las). La femme portait une robe blanche à jupon noirs, tout en plis et en volume, le trèfle brodé sur sa poitrine discrètement rappelé par sa coiffure sophistiquée. L’homme était vêtu comme s’il sortait d’un livre d’histoire : pourpoint blanc rehaussé de noir, la poitrine barrée d’un bandeau « duc de trèfle ».
« Avancez » ordonna la femme d’un ton sec.
Alice obéit, faute de mieux.
Elle ne l’avait pas vu au premier abord, mais il y avait une quatrième personne caché dans l’ombre derrière les sièges, un homme en tenue d’équitation qui s’avançait résolument vers elle, une main sur le pommeau de son épée. Alice eut un mouvement de recul, elle n’osa pas se dérober. L’homme la fouilla sommairement, puis certainement satisfait, il lui fait signe d’avancer davantage vers les trônes.
« - je ne t’ai jamais vue. Tu es là pour m’annoncer qu’une carte est morte ?
- Numéro 3 a été emporté par des gardes…
- Tant mieux ! La Reine en sera certainement ravie, qu’en dites-vous mon cher ? elle m’a semblé maussade la dernière fois. » Le duc, absorbé par sa lecture, ne l’écoutait pas, mais la femme (la duchesse selon toute évidence) ne semblait pas s’en soucier.
« Valet » continua-t-elle à l’égard de l’homme qui avait fouillé Alice « vas me chercher n°9 il me fera un bulletin météorologique. » Le valet s’effaça.
« - Tu es le nouveau 3 ? Il était spécialiste du calcul de pi. »mentionna la duchesse à Alice.
« - Je vais vraiment devoir faire des mathématiques ? Dans mon monde, ce sont les ordinateurs qui font ce genre de calculs.
- Tu es l’étrangère ? » demanda la duchesse, surprise.
Avant qu’Alice n’ait le temps de répondre, le duc jeta violemment son livre à terre et bondit jusqu’à elle : « c’est vous l’étrangère ? C’est bien vous ? »
Alice acquiesça, désarçonnée.
« Je vous attendais » expliqua le duc, le souffle court. Il était surexcité.
« Vous serez notre experte de l’étranger, vous serez donc dispensée de calcul de pi. Mais il faudra tout nous dire ! ». Ses yeux fous inquiétaient Alice.
« Eh bien c’est entendu. Qu’on lui fasse faire une robe et une paire de plateformes, sa taille n’est pas conforme. Bienvenue dans la famille n°3. » La duchesse fourragea alors dans les livres de son dossier, finit par faire s’effondrer son trône et ayant tiré un ouvrage de la pile, elle s’assit sur cette dernière et entama sa lecture. Quant au duc, il empoigna le bras d’Alice et l’entraina dans une pièce dérobée.
« Numéro 3, ma chère, il me faut vous examiner. » annonça le duc d’un ton inflexible, brandissant un outil invisible. Il s’avançait vers Alice, l’air vaguement menaçant et d’un coup, il fit mine d’éventrer la jeune fille de la gorge au bas-ventre, avant d’écarter les lèvres de la plaie fictive, observant le tout avec une concentration toute scientifique.
Alice finit par lui faire la remarque qu’il n’examinait rien d’autre que sa robe.
Le duc haussa les épaules. « C’est un examen spirituel, vous n’avez pas ça chez vous ? La Reine a institué cette pratique pour que les Trèfles ne jouent pas avec la nourriture. »
La nourriture ? Comment ça la nourriture ? tiqua Alice en bandant ses maigres muscles, prête à tenter une évasion (quitte à avoir la carrière de numéro 3 la plus courte de l’histoire de cette famille). Mais déjà le duc refermait la plaie imaginaire.
« Je sais tout ce que je voulais savoir. A présent, descendez de deux étages… à moins que ce ne soit cinq… Enfin bref, cherchez la salle des costumes, le valet vous donnera votre robe. Et n’oubliez pas, vous êtes de la famille des Trèfles à présent. Vous devez tout savoir. Allez maintenant. »
« Enfer » pensa Alice avec amertume « je suis dans un autre monde et me voilà de retour à l’école. »
Après avoir cherché la salle des costumes pendant plus d’une heure (il fallait monter les escaliers et non les descendre : comment quelqu’un qui a l’ambition de tout connaitre peut-il ne pas connaitre la disposition de son propre manoir ?), Alice se vit affubler du même uniforme que les autres, un 3 en velours noir cousu sur l’épaule, un calepin et une plume d’oie (« mais où est l’encre ? » se demanda Alice mais le regard sévère de la costumière la réduisit au silence), une pair de chaussures à talons vertigineux (« vous êtes top petite. » avait commenté la costumière d’un ton désapprobateur), un ruban noir (que la femme avait noué dans ses cheveux avec l’objectif apparent de tirer chacun des cheveux d’Alice). L’opération achevée, elle se planta devant Alice et dit d’un ton béat « allez, enseignez, apprenez et enseignez. »
« Mais où dois-je aller ? » demanda Alice. Une ombre passa sur le visage de la costumière qui la poussa dehors.

Samedi 18 décembre 2010 à 0:10

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Son armure, parfaitement ajustée, épousait chacun de ses mouvements dans une étreinte gracieuse. Aujourd’hui les hommes se cachent, ils se protègent. Moi je trouve ça dommage. On ne sait plus à qui on a à faire. Les rues sont peuplées de heaumes.
Il y a bien un homme qui n’a pas peur, il porte son amure aux reflets pour protéger ses vêtements des impacts des flèches des Amazones. Je le sais, il me l’a dit. Son armure est unique, douce comme la soie, comme une extension de lui. Dorian. Depuis que nous sommes sortis du virtuel, le monde a changé. Dorian est fasciné par toutes ses images qui ont pris vie. Les hologrammes sont presque plus nombreux que les êtres de chair à présent.
Les Amazones ont pris le pouvoir, j’aime leurs corsages près du corps, la soie qui glisse sur leur peau, comme enfin réconciliées avec leur nature de femme, elles tirent des flèches dans la foule. Elles traversent les Images et frappent les armures en plein cœur. Je ne suis pas sûre de comprendre, j’ai envie de rentrer dans l’océan des machines, à l’abri. Mais pas sans lui.

Mercredi 15 décembre 2010 à 20:46

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Les hommes n’aiment pas les femmes qui parlent. Les hommes les préfèrent avec la langue qui trébuche, dont les mots s’échangent, les femmes exotiques qui parlent peu parce qu’elles viennent d’ailleurs. Lait noir, je bois l’encre car je ne peux plus parler. J’ai rencontré Dorian lors d’une projection. Je me souviens, c’était un salon anglais, avec des moulures dorées, la nuit. On ne me voit pas bien le jour. Dorian était prêt d’une fenêtre, il songeait à partir on m’a projeté juste à côté de lui, hologramme en trois dimensions pâlie et précaire, s’éteignant par intermittence. Ils croient que je ne sais pas parler. Je parle toutes les langues, mais personne ne m’écoute. Je me suis glissée dans les fibres des haut-parleurs, je me suis mêlée au vent. Lait noir, je bois la suie pour ne pas disparaitre. J’ai pu chuchoter quelques mots hésitants à l’oreille de Dorian, bien sûr il m’a entendue car nous sommes faits de la même lumière. J’ai saisis sa main et j’ai pu l’emporter, nous étions quelques photons dans une fibre otique, nous traversions le miroir et je lui montrais mon monde. Nous étions les images humaines, réfugiés à l’abri dans le virtuel, le monde du possible. Lait noir, je bois l’ébène pour battre l’ivoire.
nous nous enfonçons au cœur du système. Ça y est, je suis heureuse.

Dimanche 5 décembre 2010 à 19:44

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On ferait bien de ne pas prendre l’option géographie pendant les 2 premières années de khâgne. C’est une discipline qu’il fait bon expérimenter en khûbe, quand on a le temps de s’amuser.
La géo, c’est d’abord une expérience de l’absurde. On n’a pas de méthode pour les DS alors on essaye de réadapter les bonnes vieilles recettes. Mais on n’est pas aidé : 3 épreuves, 3 formats différents, aucun de ceux qu’on passe au concours.
La géo, c’est aussi l’art de disserter sur un sujet dont on ne sait rien, en reliant benoitement quelques connaissances tirées d’autres matières à une improvisation créative.
La géo, il faut savoir que c’est une matière qui suscite la haine des éditeurs : presque aucun livre récent sur les territoires étudiés. Mais sinon, où est l’aventure ?
Car le grand mérite de la géographie, c’est que c’est une sorte de cours de récréation intellectuelle : puisque de toute façon l’épreuve est impossible, on s’amuse beaucoup à parler de ce qu’on ignore, à imaginer ce qu’on est censé répondre sur une question dont on ignore tout, jusqu’aux problématiques, c’est inventer une question dont on ne sait pas la réponse.
Non vraiment, la géographie, c’est marrant.

Vendredi 26 novembre 2010 à 21:38

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Au bord du gouffre, au bord du dernier cri. Je me contenterai de jeter mon cœur à la falaise, le son cristallin du verre brisé qui rebondit contre les écueils. Je n’appelle plus, je n’en ai plus besoin. Je sais qu’elle va arriver. Elle est toutes les femmes ou peut-être aucune. J’ai bu son portrait égaré sur un mur, à présent je suis prêt pour le départ. Je laisse derrière moi cette planète brisée, elle va m’emmener, elle m’a promis. Sans doute ils me croiront mort, mais je serai avec la plus belle femme du monde. Serpent et rose, vipère et Salomé, toutes les femmes que j’ai connues lui ressemblent. Ils ont écrit qu’elle était le démon, qu’elle avait tentée Eve, sa sœur lointaine. Moi je sais ce qu’elle a fait. Il faut être un peu le diable pour être vraiment libre. Quel triste destin que d’être Dieu, condamné à voir ses enfants se détourner de soi. Tout commence par un homme et une femme, tout commence par une trahison. Voilà la triste histoire des hommes.
J’entends ses pas, sa main glisse sur mon bras, ses tresses noires et lourdes caressent mes épaules. Nous sommes prêts à partir. C’est bien le diable que d’être heureux. La société pardonne souvent aux criminels mais jamais aux rêveurs, Seth me l’avait bien dit. Le diable se réfracte en Oscar qui se réfracte en Dorian qui se réfracte en Seth qui se réfracte en Lilith. Le diable est dans les détails. Lilith est belle et cela me suffit. J’ai à mon bras la plus belle des femmes, elle est l’eau et le feu, elle est l’épine de la rose, elle me prend le bras et nous nous envolons.
Nous reviendrons, plus jeunes et beaux que jamais, car nous sommes le diable en habits du dimanche.

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