Samedi 22 janvier 2011 à 22:08

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Le dragon courrait entre ses doigts, arpentait son poignet, se lovait autour de son cou. Bien sûr, il ressemblait à un bijou ordinaire, en argent, immobile. Mais je remarquais que lorsqu’on le regardait par intermittences, négligemment, il changeait de place, imperceptiblement, et à la fin d’un entretien il était passé d’une main à l’autre. Sans doute suis-je le seul à contester ce genre de changements auquel je suis sensible, puisque je ne change pas. Au détour d’une rue… j’ai cru qu’elle m’attendait. Mais c’est son dragon qui m’a appelée : ses yeux rouges, visibles de moi seuls, me brûlaient.

Quand on me demande ce que je fais dans la vie, les gens ne comprennent pas ma réponse. Ce siècle n’a pas une once de fantaisie. Il faut être raisonnable, rationnel et réaliste. Quel temps perdu.
Quand je suis entre deux contrats, je parcours le monde à la recherche d’un nouveau projet : je parle toutes les langues. Je suis partout et je ne suis nulle part. Mais ce que je préfère, ce sont les grandes villes. Je me poste au sommet des grands tubes nappés de verre et j’observe les battements de la circulation urbaine, le seul être qui m’accepte vraiment. La ville parce qu’elle regorge de jeunes filles. Perdues, fragiles, sublimes. Mes Ophélie.
Je suis le démon.
Cassie n’était pas comme les autres.
C’est vrai que mes Ophélie ne sont jamais les mêmes, au début. Une vague ressemblance physique et son regard voilé. Il faut bien une règle pour commencer à jouer.
Pour me pardonner d’avoir pris une âme je la fais surgir à l’infini. Après tout, Sybill n’était qu’Ophélie.
Au début ce sont elles qui croient me sauver. Mais c’est toujours moi qui gagne.
J’en fais des actrices, les seules qui comptent, pas des actrices insincères qui cessent d’être grandioses lorsqu’elles sortent de scène. Mes Ophélie sont magiques parce qu’elles jouent sans le savoir.
Cassie était différente mais elle était protégée : son âme est doublée d’un dragon. Le signe d’un esprit dissonant de ceux que j’avais forgé. Cassie, le fer sous la soie.

Parfois, je me dis que Cassie est venue à moi plus que je ne l’ai découverte. Elle était errante, comme un cadeau que la ville poussait dans ma direction. Il faut se méfier des proies trop abandonnées. Cassie m’a brisé.

Dimanche 16 janvier 2011 à 20:59

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Alice les vit arriver de loin, commando vêtu comme l’as de pique, elle se dit que c’était une autre curiosité locale. Ils tombèrent sur les soldats qui encadraient la jeune fille.
Elle eut le temps de voit les soldats et les rebelles se battre à pierre-papier-chiffon tandis que deux femmes voilées l’entraînaient au loin. On lui fit traverser la moitié d’une forêt, on se perdit, jusqu’à atteindre le camp de rebelles, un petit feu de camp entouré de tentes pendues aux arbres.
La première question d’Alice fut « comment faites-vous pour dormir dans des tentes qui n’ont pas de sol ? ». Elle fut superbement ignorée. Elle décida d’en faire l’objet de sa première thèse.
Les femmes retirèrent leur voile et Alice fut abandonnée près du feu. Des rebelles circulaient, Alice eut été bien en peine de dire pourquoi.
Un homme finit par s’immobiliser et demanda à la ronde qui était cette fille. Faute de réponse, il lui soumit la question.
« Je suis Alice » répondit Alice.
« C’est faux ! Tu es Trèfle n°3, tu es l’une des leurs !
- Avant d’être adoptée par les Trèfles, je m’appelais Alice.
- C’est faux ! Alice est plus belle que toi, et elle a plus de poitrine. »
Alice soupira. La discussion risquait d’être longue.
L’homme finit par accepter qu’il y ait deux Alice et que celle qu’il avait sous les yeux venait du monde extérieur.
Il décida alors de la prendre sous sa protection, car il ne perdait jamais une occasion d’arracher une âme innocente du joug de la reine vicieuse et perverse.
« Je suis le Chapelier fou, et je te protégerais jusqu’à ce que je change d’avis, Alice la blonde ! » proclama-t-il avec emphase. Il ajouta ensuite « tu n’as qu’à trouver le chevalier blanc, il s’occupera de toi, moi j’ai mieux à faire. Et change-toi par pitié, tu ressembles à une chouette. »
Sur ce, il l’abandonna. Elle arrêtait les passants pour savoir qui était le chevalier blanc et où trouver des vêtements. On lui répondait « dans la forêt », précision indispensable.
Elle erra donc pendant quelques temps, se faisant vertement houspiller par intermittences.
Quelqu’un finit par indiquer à la jeune femme qu’elle trouverait des vêtements pendus aux arbres et que le chevalier blanc était probablement à l’est.
Alice partit donc en quête d’un arbre-à-fringues. Incroyable coïncidence, elle trouva pendue à une branche une robe en tous points identique à celle que la couturière des Trèfles lui avait ôtée.
À partir de là, elle partit à la recherche du chevalier blanc. Elle remarqua d’abord son armure en ferraille qui rougeoyait au soleil. Ensuite, une combinaison de lin blanc. Puis un lac, au milieu duquel dépassait une tâche noire. Le chevalier blanc, tenue d’homme-grenouille, faisait une brasse.
En voyant la jeune femme sur la berge, il lui fit de grands signes l’invitant à le rejoindre. Alice secoua vigoureusement la tête en réponse, de peur de mouiller sa nouvelle robe. Cela ne perturba pas le chevalier, qui nagea pendant encore pendant trente minutes tandis que la jeune femme l’attendait au bord de l’eau, assise en tailleur.
Il daigna finalement mettre fin à sa baignade, fit quelques mouvements de gymnastiques après avoir enfilé son étrange tunique, puis se tourna vers Alice, enfin disponible.
« - que puis-je faire pour vous, gente Dame ?
- Le Chapelier Fou m’a dit que ce serait vous qui vous occuperiez de moi, je viens de la surface.
- Parfait ! » s’exclama le chevalier.
Il creusa au pied d’un arbre avec le heaume de son casque et tira du sol une éponge de laine de fer : « tu n’as qu’à nettoyer mon armure » indiqua-t-il avec désinvolture.
Sur ces bonnes paroles, il enfila à nouveau sa tenue d’homme-grenouille et plongea avec enthousiasme.
Alice se demanda d’où venait cet acharnement à vouloir lui faire faire des tâches aussi inintéressantes que fastidieuses.
Lorsque le chevalier donna le signal du départ, Alice avait depuis longtemps abandonné son ouvrage.

Dimanche 16 janvier 2011 à 20:57

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Alice ouvrit donc le livre, faute de mieux, elle comprenait les mots mais pas les phrases. Les serveuses, lorsqu’elles passaient à proximité de la table d’Alice, déposaient un nouvel ouvrage (la table en fut bientôt recouverte).
Elle se détourna rapidement ses yeux de l’ouvrage, observant les autres clients. Elle croisa le regard d’un homme (lui d’une robe blanche ornée de cœurs) qui la fixait avec insistance.
Se sentant repéré, il s’approcha d’elle :
«- Pardonnez-moi, Mââââdame, je n’osais pas interrompre vos méditations. La Reine veut vous voir.
- Pourquoi ?
- Suivez-moi. » répondit le serviteur en s’en allant.
Alors qu’ils sortaient du château de carreau, deux soldats de la famille du Pique vinrent les encadrer.
Le voyage se faisait en silence, le serviteur et les gardes marchaient au pas. Alice se tenait en retrait, savourant ce paysage nouveau et grand bien lui prit. Ils marchaient tout droit vers une embuscade.

Mardi 28 décembre 2010 à 12:06

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Des hommes contre des hommes, des soldats contre des soldats, des fantômes contre des fantômes. Et on verra bien qui sera le plus fort. Nos soldats de plomb virevoltent sur l’échiquier. Je mène la danse, gorgé de lait noir, je suis l’ébène, les légions du chaos, ton pire cauchemar. Pare ton cœur du courage de l’acier, invoque Sekhmet, je suis le fer qui ronge les armures.
Je te vois, au cœur du camp de bataille, épée brandie et cheval blanc, tu crois peut-être incarner le bien, tu crois peut-être que la loyauté l’emporte sur la peur. La vérité, c’est que je mène la danse car je cours dans tes veines, c’est le lait noir qui te maintient en vie. Fantôme contre fantôme, le temps s’est arrêté, je réconcilierai les deux destinées, un raz-de-marée d’encre éteindra le monde comme on souffle une bougie. Je mène la danse car mes armées ont été baptisées dans le sang. Soldats contre soldats, ça finit toujours comme ça car le lait noir irrigue chacun de nos pions, je t’entraine sur mon terrain car c’est le seul qui vaille. Alors que tes soldats pleurent le dixième homme à terre, je sais que je tiens la victoire dans le creux de ma paume. Hommes contre hommes, tu peux bien garder les autres, ils ont déjà bu mes larmes. A présent je le sais : j’ai déjà gagné.

Samedi 18 décembre 2010 à 11:18

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Plantée au milieu du corridor, elle ne cessait de s’effacer pour laisser circuler le flot des membres de la famille du Trèfle en se demandant ce qu’elle pourrait faire. Quelqu’un lui saisit le bras et l’entraina à sa suite. C’était Numéro 9.
« - Je t’ai vue depuis le dixième étage, tu ne peux pas rester sans rien faire. Je vais t’expliquer. » lui annonça-t-il en poussant une porte.
C’était un café-librairie. Il fit signe à une serveuse qui leurs apporta deux livres et deux tasses fumantes où des pâtes-lettres flottaient dans le liquide ambré.
« - La première règle dans ce monde, c’est que quand tu veux aller quelque part, tu dois aller dans la direction opposée.
- Mais ça n’a aucun sens !
- Ce sont les lois de la physique, ce n’est pas parce que tu ne comprends pas que ça n’a pas de sens.
- Dans mon monde…
- Peu importe. Ecoute et apprend. Deuxième règle, essaye de plaire à la Reine. Troisième règle, tu es placé sur l’autorité de la famille. Tout ce que tu fais, tu le fais en leur nom. Si tu les déshonores, tu seras livré à la règle et remplacé. Tu comprends ?
- je n’ai jamais demandé à faire partie de la famille…
- Et alors ? Tes vœux n’ont aucune importance. Seule la famille compte. Cinquième règle…
- C’est la quatrième… »
L’homme se sait d’un des deux livres avec lequel il l’a frappa.
« - Comment peux-tu le savoir alors qu’il ne les a pas encore apprises ? Cinquième, donc. Tu n’es pas censé sortir mais si tu le dois, si tu es convoqué par la Reine par exemple, le valet pourra te faire venir des Piques.
- Des Piques ?
- Des soldats de la famille de Pique.
- Combien y a-t-il de familles ?
- Quatre. La notre, la famille des Trèfles, les érudits. La famille des Piques, les guerriers. La famille des Carreaux fournit le personnel du château de cartes. La famille du Cœur, c’est la famille royale, dont tu as déjà rencontré le Roi et la Reine, et des courtisans.
- Je vois. Pourquoi je ne peux pas sortir seule ?
- Mais à cause de la guerre, bien sûr. »
Devant l’expression stupéfaite de la jeune fille, il soupira et après avoir pris une gorgée du breuvage qu’on lui avait apporté (avec une grimace), il reprit
« - La Reine est en guerre contre le peuple.
- Mais pourquoi ? » demanda Alice, en se souvenant des manières de la Reine. Rien qui ne mérite la guerre, mais un assassinat bien organisé…
- Comme tous les prolétaires, ils se sentent exploités… Les paysans ne font jamais la guerre dans ton pays ?
- Non, nous n’avons presque plus de roi et grâce au progrès technique, les paysans n’ont plus de problème pour se nourrir.
- Merveilleux, tu écriras la recette. Ça soulagera la Reine qui est terriblement affectée par ces rixes. Ça lui donne faim.
- Depuis combien de temps dure la guerre ?
- Aucune idée.
- Vous l’ignorez.
- Vous comptez le temps qui passe, vous ? »
Alice se souvient qu’ils n’avaient pas de sommeil puisque ce monde était souterrain. Elle secoua finalement la tête pour éluder la question.
« - Qui est Alice ? » demanda la jeune fille pour éluder la question.
« C’est la femme qui dirige les rebelles. Nous pensons qu’elle veut prendre la place de la Reine. Bois. » dit-elle soudain en pointant du menton la tasse.
Alice s’exécuta. Lorsque la première goutte se posa sur sa langue, elle dut prendre sur elle pour ne pas le recracher.
« - C’est infect ! qu’est-ce que c’est ?
- De l’encre alimentaire, que veux-tu que ce soit ? »
Il la frappa à nouveau avec le livre. « Enseigne, apprends et enseigne. » conclut-il comme un automate, avant de tourner les talons.

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