L'appartement est vide, Fée est à la faculté, l'autre ne vient pas, il ne viendra plus, les saltimbanques vont répandre leur gaieté dans la ville voisine et je suis seule.
Quand à la fille du banc, comment savoir ? Peut-on seulement saisir son visage, son image ?
Enfin, je suis seule. Terriblement seule.
Pour changer, je fais jaillir une étincelle de mon briquet, j'allume une cigarette, et, le cendrier tenu stupidement de ma main libre, je déambule dans les pièces vides en me donnant des irs fiers de propriétaire.
Comme s'il y avait tant à visiter.
Comme s'il y avait quelque chose à montrer.
Quelqu'un à qui le montrer.
Ces chambres vides et silencieuses ont un goût de mort.
J'augmente le volume de la chaîne hi-fi pour mieux noyer la pesanteur de l'air.
La solitude est toujours comme un hérisson soyeux.
Une fois que le moindre placard de l'appartement est copieusement enfumé par mes soins, j'investis la cuisine, la machine à café crachote quelques bulles d'une mousse blanche et onctueuse, je fais réchauffer un fond de crème dans une casserole trop vaste : j'adore.
J'aime prendre mon temps.
Je déballe mon service à thé, en porcelaine s'il vous plaît, pièce par pièce, au grand complet, j'en rangerais la moitié sans y avoir touché, et laverais l'autre en maugréant de ce recours agaçant à tout ce qui est inutile pour boire une simple tasse de caféine liquide, les mains pleines de mousse (de liquide vaisselle, cette fois).
En dépit du lave-vaisselle.
Tant pis.
Je ne sais pas si je dois être triste ou non, mon café refroidit dans sa tasse, je vais encore oublier de le boire, froid c'est infect. Tant pis.
Personne ne sait, personne ne doit savoir, ils sauront tout, puisqu'il ne vient plus, ils sauront tous.
Je m'installe derrière l'écran scintillant, les mots coulent de mes doigts, j'ai la peau qui pleure et un sourire rivé entre les lèvres.
L'habitude.
Mais ne vous inquiétez pas.
Ce n'est pas comme si c'était triste.
Ce n'est pas comme si c'était grave.
Ce n'est pas comme si c'était Fée.
Je repose la tasse, elle est vide, voilà longtemps que ma cigarette est morte, que le temps passe vite, j'allume une ultime cigarette, encore, mon portable vibre : pensée de Fée, et quelque part, au loin, dans l'univers immatériel des syphildes et autres ondines, elle reçoit un message d'amour, j'aimerais éteindre ma cigarette, j'étouffe, je tousse, j'ai la tête qui tourne, je ne suis pas triste j'ai juste un gouffre au coeur, je devrais aérer, l'atmosphère est vraiment trop oppressante. N'est-ce pas.
J'inspire une bouffée d'air sale à la fenêtre.
Ça va aller. Ça va toujours.
Pour changer, je range méticuleusement mon service à thé, le lave précautionneusement, avec l'amour que je n'ai plus le droit de vomir, chaque ustensile et je m'échappe dehors, imaginez que ma cigarette persiste dans son incandescence, j'achève la dernière bouffée et je l'écrase sur le trottoir. Rageusement.
je me traîne entre les rues, je piétine l'asphalte, je me nourris de vent et je me dis que je suis à ce point immatérielle qu'il pourrait disperser mes molécules sur la place publique.
Et puis non.
Mes pas me portent devant l'université de Fée, encore quelques heures à l'attendre.
Vendredi 13 juillet 2007 à 0:22
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Et l'amour qui fait mal, par son absence. Encore.