Vendredi 13 juillet 2007 à 13:20

Fée sort sans cesse, entre ses cours et les saltimbanques, c'est à peine si je la croise, bien que nous vivions ensemble.
Moi, je ne sors plus : trop de travail.
Enfin… Il faut bien se trouver des excuses…
Ma plume griffe le papier, trois fois que je raye stupidement la même phrase.
Il faudrait vraiment que je trouve une occupation.
Je deviens un fantôme : je me couche tard, déjeune à peine éveillée, erre tout l'après-midi, d'une pièce à l'autre, cigarette sur cigarette, en me répétant comme en mantra qu'il serait fort souhaitable que j'écrive quelques mots, et quelques douze ou treize heures plus tard, lorsque le soleil a disparu depuis fort longtemps, lorsque j'ai achevé mon orgie, composée du contenu –sucré- du réfrigérateur et de programmes télévisés stupides à l'envi, alors je finis par pondre quelques lignes fades et truffées de fautes, que Fée se fera un plaisir de déchiffrer en petit-déjeunant (à une heure raisonnable, elle), et elle laissera un petit mot gentil, un petit mot d'encouragement, en post-it sur un coin de l'écran, en se disant que sa colocataire commence à perdre les pédales.

Incroyable : un message sur mon répondeur.
Personne ne m'appelle jamais…
Un saltimbanque : j'aime à croire que le timbre de sa voix est quelque peu anxieux. Quelque peu inquiet pour moi.
Laissez-moi au moins croire ça.
Il veut savoir si je peux les rejoindre.
Hélas… j'ai tant de gens à rejoindre et je n'ai envie de voir personne.
Ce qui me prends ?
Le spleen.
Je n'ai qu'un désir : me laisser aller à l'absurdité de mon existence enfermée et seule dans l'appartement 707. M'y ennuyer à mourir en refusant farouchement d'en sortir.

Je crois que je vais fumer une cigarette, et ça ira mieux.
Enfer : mon paquet crie famine, il n'y reste que quelques débris de tabac au fond.
C'était prévisible : des jours que je ne suis pas sortie en acheter, et avec Fée qui essaye d'arrêter…
Je voulais me désister auprès de mon rendez-vous du jour, mais puisque je sors de toute façon en quête de nicotine…
Puisque je vais devoir m'habiller et tenter de faire bonne figure, sous une coiffure bâclée et maquillée comme une voiture volée, puisqu'on me contraint à franchir le seuil de l'appartement, puisque je serais bien obligée de sentir l'air glacial gifler mon visage sans pouvoir fermer la fenêtre… je peux bien aller à cette… sortie patinoire (je déteste patiner, c'est onéreux, je suis presque à sec, j'ai envie de voir les saltimbanques, j'ai envie de Fée, mais qu'est-ce qui m'arrive, moi, qu'est-ce qui m'arrive ?).

Fumer. Tout de suite. Ne peux pas attendre.
Une demi cigarette dans le cendrier.
Je déteste voir Fée gâcher de la si bonne marchandise (arrêt ou pas), mais cette fois-ci je l'en remercie secrètement.
Je tente de rallumer le mégot. J'aspire une longue bouffée salvatrice. Je la recrache.
Infecte.

Et j'enfile quelques vêtements à la hâte, ils étaient jetés épars sur le sol de ma chambre, dépareillés, déjà portés, peut-être, le reflet du miroir me confirme que mon allure tient plus de la sorcière hirsute que de l'être humain normalement constitué, et à vrai dire, je crois que ça ne tient pas seulement à l'apparence.


Je serais en retard. Tant pis.

Par allforyou le Samedi 21 juillet 2007 à 23:24
Je n'ai pas envie de me répéter, mais c'est bien raconté, tellement fluide, joli, coloré et nuancé, c'est un vrai plaisir. Il faut que j'en garde pour les jours suivant, ou alors que tu écrives plus souvent ;-)
 

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