Je me suis dis que ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu, alors j'ai passé mes doigts dans mes cheveux, une goutte de parfum et je suis allée lui rendre visite.
Comme d'habitude, il m'a suffit de crocheter la serrure pour entrer, il était assis sur le parquet du salon, il donnait de grands coups dans les cordes de sa guitare avec une régularité inquiétante.
Il avait l'air un peu éteint, comme toujours, et le teint hâve de celui qui a oublié à quoi ressemblait le soleil.
En me préparant une grande tasse de café lyophilisé – mon petit rituel, lorsque je vais chez lui – j'ai commencé à lui parler de tous ces gens que je fréquente et qu'il ne voudrait connaître sous aucun prétexte, de l'agitation brûlante, dehors, et il hochait de la tête, comme s'il écoutait ce que je disais, sans quitter des yeux les lattes du plancher.
Je me suis effeuillée devant lui avec lassitude, debout devant une fenêtre, presque pour qu'il me remarque, mais je le connais depuis assez longtemps pour savoir qu'il me rejoindrait lorsqu'il le jugera bon.
Mes vêtements me cernaient, jetés en petits tas au petit bonheur la chance, lui ne bougeait toujours pas.
Je finis par me diriger vers la chambre, et il posa sa guitare pour me suivre, enfin.
Ce que je préfère, avec lui, c'est après.
Il semble enfin vivant, comme éveillé d'un coup de baguette magique, il me fait rire, parle avec animation, des étoiles au fond des yeux, raconte ses journées, ses coups de fil avec son manager, il arrive à rendre tous ces petits riens uniques et dignes d'intérêt, parfois il va même jusqu'à me dire je t'aime, ça me fait toujours un peu frissonner.
Souvent, je prolongeais ma visite jusqu'au repas, pour savourer ces éclats si rares chez lui.
Je ne le fréquentais que parce que il me plongeait dans un univers tellement différent du mien que j'en avais le vertige.
Il était tous ces choix que j'avais repoussés parce qu'ils me faisaient peur : artiste, existence précaire, vivant en reclus, sans ami véritable ni travail…
Ses lèvres avaient un goût d'exotisme bon marché.
En claquant sa porte, je repartais d'un pas plus léger rejoindre mon univers trop bien orchestré, avec la satisfaction d'avoir apporté un peu de réconfort à une âme perdue, qui n'en voulait sans doute pas.
Mardi 26 février 2008 à 21:17
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