Dimanche 7 octobre 2007 à 15:46

Se perdre puis se retrouver.
Oublier sans douleur, se souvenir sans souffrance. Comme une machine.
Appuyer sur reset lorsqu'on sent qu'on s'attache trop.
Ressentir le besoin de se justifier aux yeux des autres, alors que ça ne regarde personne.
Se croiser. Se séparer. Sans regret. Sans soupir. Sans désir.

On vit parfois une relation comme ça, un amour sans tache, sans attache, un amour sans amour, une relation fonctionnelle, basée sur la lassitude et la peur d'être seul, un amour fait d'occasions, de rencontres et de hasards.
Un amour bien loin des amours traditionnels.
Un amour transcendant, libéré des affres des doutes et du désir charnel, un amour libre, un amour où l'autre n'a même plus besoin d'être là, plus besoin d'être à soi.
Une histoire en pointillés. Parce que la vie nous a rongé jusqu'à l'os, que nos passions nous ont déserté et qu'on les a regardé s'éloigner sans faire un geste. Avec indifférence.

Demetri et moi avions une relation comme celle-là.

Vous voulez peut-être savoir où nous nous sommes rencontrés ?
C'était à un de ces cocktails stupides, comme les entreprises s'obstinent à en organiser, où tout le monde fait mine de s'amuser, en tenant son compagnon par le bras et en riant vertueusement de la blague scabreuse de son supérieur, un verre de whisky à la main et un oeil rivé sur la montre.
J'étais adossée à l'une des tables de la cantine, affublée d'une nappe blanche en papier pour l'occasion, qui faisait office de comptoir (pour le « bar »), en sirotant rêveusement un verre de punch en me demandant combien de secondes je résistais avant de m'évanouir discrètement dans la jungle urbaine. Demetri venait remplir son verre lorsque nos regards se sont croisés.
Tout avait été dit.
Nous n'avez jamais eu la prétention de nous croire originaux, vous savez.

Je ne sais presque rien de lui, finalement.
Nous n'avons pas grand-chose à nous dire.
Ce soir-là, celui où on s'est connu, je veux dire, je crois que nous avons échangé nom et adresse.
Mais je n'en garde aucun souvenir.
Parfois, on se téléphone quelques instants, pour prendre des nouvelles, savoir si l'autre se rend à telle ou telle joyeuseté organisé par le travail, ou…
On ne force jamais le destin, Demetri ne m'a jamais donné rendez-vous nulle part et j'espère qu'il ne le fera jamais. En tous cas, moi, je ne le ferais jamais.
Nous n'en avons jamais parlé.
Je vous ai déjà dit que les mots étaient inutiles…

Lorsqu'il arrive qu'on se croise, en voyage d'affaire, à un séminaire, ou…, on prend congé du reste du monde. Lui et moi.
On s'assoie dans un coin, un verre d'alcool trop fort sur la table basse devant nous, on parle un peu, de nos vies, de rien, on goûte au silence et aux baisers, et puis on s'échappe enfin, loin de l'air saturé de fumé et d'hypocrisie, on déambule dans les rues, longuement, rues après rues, on savoure la morsure de l'air glacé, il me prend par la taille et j'appuie ma tête contre son bras, on est bien, on marche, sans raison et sans but, juste pour sentir nos pas dévorer l'asphalte, l'étrangeté d'une ville endormie et le parfum que je lui ai offert parce que j'en avais reçu un échantillon et que je trouvais qu'il sentais trop bon pour ne plus jamais le respirer, puis notre errance nous rejette au pied d'un hôtel luxueux où on loue une suite, toujours une suite pour faire comme si nous étions un vrai couple, partageant un vrai appartement.
On s'allonge sur le lit double et on échange des silences entrecoupés de syllabes insuffisantes, les yeux vitreux rivés dans ceux de l'autre jusqu'à ce que...

Je me réveille toujours la première. Je prends une douche en priant pour ne pas faire trop de bruit et je lui laisse une note, quelques mots (je crois qu'il ne les lit pas) et la moitié du prix de la chambre, je remonte un peu la couverture pour qu'il n'ait pas froid et puis je sors, je ferme la porte derrière moi sans lui accorder un regard.
Je ne vais jamais travailler, les lendemains, alors je marche, j'esquisse quelques pas, seule, sans rien reconnaître, parfois Demetri me rejoint, d'autres fois non, je vais m'asseoir sur le banc usé d'un par cet je regarde les enfants jouer sur les balançoires jusqu'à la nuit suivante… C'est bien…

Demetri et moi, on a grand rêve : être différent. Mais je crois qu'on ne sait pas très bien par où commencer.
Il me dit qu'un jour il sera réalisateur et qu'il me fera tourner dans un film grandiose qui nous portera tous les deux sur le devant de la scène.
Je lui réponds que sa petite amie serait jalouse.
Alors il soupire en disant que les femmes sont désespérément rationnelles et on éclate de rire tous les deux.
Vous voulez que je vous parle de sa petite amie ? Non, je ne la connais pas. En fait, je ne l'ai jamais vue mais on m'a assuré qu'elle est jolie.
Jolie c'est bien.

Je ne sais pas très bien ce que je veux faire dans la vie.
Je veux dire, j'ai mon travail mais il n'est pas très… je ne suis pas exactement… je ne suis pas sûre qu'il me convienne, en quelque sorte… j'aspire à quelque chose d'un peu plus…
Demetri me soutient, bien sûr, il essaye de me donner des pistes, mais nous savons bien tous les deux que c'est un chemin que je dois faire par moi-même.

Je voyage beaucoup, vous savez.
Bien sûr, sans Demetri.
Parfois, nous nous croisons, mais c'est très rare, bien sûr. Mais parfois je me dis qu'où que je sois, il serait capable de me retrouver, à tout instant.
J'ignore comment il fait, d'où il connaît tout ça de moi. Je crois qu'il lit dans mon âme, mais moi je… aucune importance.
Je voyage parce que ça m'évite de me confronter au quotidien.
Et à l'unique assiette dans le lave-vaisselle, aussi, je crois.
Mais puisqu'il n'y a personne pour me tenir cloîtrée chez moi, autant en profiter, non ?... c'est ce dont j'essaye de me persuader.

Ce que je préfère ? Les grandes agglomérations urbaines. Normalisées et anonymes. Où n'importe qui ressemble à n'importe qui d'autre, une ville comme on pourrait en trouver n'importe où ailleurs, dans une autre région, un autre pays, une autre Terre.
Je n'arrive pas à supporter la campagne. Ça me rappelle trop à quel point je suis seule.

Je rêve d'aller dans une grande ville, Tokyo par exemple, une ville gigantesque, tentaculaire, une ville qui dévorerait tout sur son passage, monter au dernier étage de la plus haute tour, et voler avant le néant.

Mais j'ai encore quelque chose à faire avant…

Par maud96 le Mercredi 23 septembre 2009 à 17:58
L'article que je cherchais, je crois, parmi les 79 pages de ce blog. Celui qui, parmi d'autres, permet de mieux connaître l'auteur d'un blog : non curiosité, mais comprendre d'où parle celle qu'on lit...
 

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