Vendredi 18 décembre 2009 à 20:01

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Dieu des voleurs (les économistes) et des anthropologues, Hermès porte le Panthéon à bouts de bras.
Toujours impeccable de sa personne (pour infiltrer discrètement dans une observation participative les milieux des cadres et des dirigeants du monde après le cours ?), il règne sur la khâgne (du haut de sa double matière).
Adulé, il déborde d’enthousiasme, gratifiant ses fidèles de sourires timides tandis qu’il tente de les convertir à sa cause ; il explique, avec un aplomb désarmant et une hésitation pleine d’espoir d’adhésion, pourquoi il ne veut pas vivre dans une cabane ave Yann Arthus Bertrand.

Il tente à l’occasion une plaisanterie, se réfugiant derrière le label « économique » pour ne pas être incriminé, réclamées avec chaleur par les disciples. Pourtant, la chute les laisse généralement dans des abîmes de perplexité.
Le commentaire d’Hermès (« c’est drôle, non ? ; c’est une bonne blague, vous ne trouvez pas ? »), par contre, soulèvent des vagues d’hilarité.

Hermès est dynamique, il volète à travers la salle du haut de ses sandales ailées, n’hésitant pas à imposer des travaux herculéens aux élèves pour que des allées praticables soient dessinées entre les tables.

Il se penche de temps à autres sur tel ou tel exemplaire des prophéties, soulignant son propos en laissant courir son index sur le parchemin, pointeur écumant les mots qu’il vient de prononcer. On dirait qu’il tente de convaincre personnellement l’élève de la pertinence de son propos. C’est toujours vécu comme une sorte d’agression : l’élève lève les yeux et opine faiblement du bonnet, priant pour que les yeux de Dieu se plantent dans d’autres pupilles.
À vrai dire, il affectionne à terroriser ses fidèles durant ses discours divins, en les fixant durant qu’il dicte la Sainte parole. Sa victime, pétrifiée, ne peut que tenter de prendre l’œil intelligent et réfléchi, comme s’il comprenait ce que Dieu déblatère, se plongeant avec soulagement dans son cours pour ne plus avoir à soutenir le regard divin.

Plein d’humilité, Hermès s’efface derrière un autre Dieu : Bourdieu, qui a édité sa propre Bible (La distinction). Il réussit ainsi à transformer une armée de conservateurs voire fascisants (« la seule chose qui empêche les élèves de S. d’être totalement fascistes, c’est sa dimension socialisante – celle du fascisme. ») en socialo-communards vaguement gauchisants. (pour ne rien vous cacher, dans le recrutement, il a même été accepté un élément dangereusement dissident : il lit le Manifeste du parti communiste en cours de math et fait chanter l’Internationale lors d’une petite sauterie intellectuelle organisée par la Maison).

il est prêt à tout pour susciter l’enthousiasme/l’adhésion de ses disciples : il fait des pages de publicité gratuite (« Ulm c’est génial, vous pouvez tout faire et en plus vous êtes payés »), il se pose en professeur principal, n’hésitant pas à sacrifier des heures de cours pour répondre aux questions existentielles des adeptes concernant les concours, rappelant la nature des épreuves, voire lève à l’aube (8h) des anciens élèves glorieusement intégrés pour qu’ils parlent de leurs carrières scolaires (afin que les préparationnaires découvrent qu’en fait, les khâgneux ont un avenir). Il va même jusqu’à faire le khôloscope (trahissant d’ailleurs ses promesses, se servant généreusement dans le temps des khâgneux pour leur mettre des khôles d’éco une semaine sur deux et non une semaine sur trois. C’est bien un économiste.).
Professeur moderne, il n’hésite pas à donner son n° de portable et son adresse mail aux aspirants, tout cela dans le seul but de convertir des âmes innocentes aux implacables rouages de l’économie.

Mais derrière ce regard avenant et ce sourire incertain se cache en fait un tueur qui n’hésite pas à accabler ses élèves de travail, les cuisinant sans merci et distribuant les plans (et donc les bibliographies) après avoir achevé de dispenser le cours, ce qui est limite cruel.

Les remises de copies ou les passages à l’oral sont toujours de grandes séances d’humiliation. Moins parce qu’il s’attaque à un élève en particulier que parce que soudain le désespoir voile ses pupilles et il doit prendre une grande inspiration, les yeux rivés vers la fenêtre pour contenir son affliction, avant de prendre la parole « j’ai été assez surpris en corrigeant vos copies/dossiers, il y a tout un pan du sujet qui vous a échappé/vous n’avez pas développé tous les aspects… ». Bref, ses élèves se sentent à la fois nuls et décevants.

Autre grand moment de torture : les séances d’exercices. Bien qu’applications bêtes et simplistes du cours, il faut une heure pour traduire les données en termes économiques (ce qui est très frustrant). Mais le pire reste à venir : les exercices n’étant pas corrigés pendant les cours, il faut les finir à la maison, et surtout trouver des résultats, quelque soit le temps qu’on y passe (en général 2 heures minimum en plus du cours).
Après le dessert vient le fils du dessert : la séance de correction des exercices. La foudre tombe de tous côtés, enjoignant les élèves à expliciter le fruit de leurs élucubrations. À voix haute, voire au tableau. La moindre faute entraîne une question insidieuse, Hermès demande des précisions, qui provoquent des spasmes de panique à la victime, qui doit tenter de mettre au point une explication sur ce qu’il n’a pas compris lui-même. Et comme si la peur d’être assigné à la correction n’était pas suffisante, la séance d’exercices est généralement suivie d’une interrogation écrite. Comment faire un deux heures ce qu’on n’est pas parvenu à faire en quatre.

Le plus sadique reste peut-être le dossier. Déjà, c’est quelque chose qu’on est censé préparer en deux heures mais étant donné les conditions, ça prend facilement six heures, à préparer en deux semaines. Je ne sais pas quel est le pire : lorsque c’est pendant les cours ou lorsque c’est à préparer pendant les vacances (c’est-à-dire en pratique la veille du jour J, entre 22h et 4h du matin). C’est long, pénible, et on est jamais sûr d’avoir produit quelque chose de satisfaisant.
La cruauté de cet exercice est double : le dossier doit être préparé très sérieusement non seulement parce qu’il est susceptible d’être noté (la moitié des préparations sont ramassées), mais en plus parce que l’élève risque de s’exposer à un opprobre publique. Hermès choisit en effet un élève pour présenter son dossier à l’oral devant la classe, avant de le cuisiner consciencieusement sur les aspects qui ont échappés au malheureux élève. Et il faut tenir vingt longues minutes d’exposé. La recherche de références dans le dossier et la toux subite et lancinante sont les meilleures amies du khâgneux pour gagner du temps. Mais on n’échappe pas à son destin.
Inutile de vous dire qu’une fois que le professeur s’est désigné une offrande, un soupir de soulagement parcourt la salle.
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