Dimanche 3 avril 2011 à 2:23

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Lorsque je l’ai rencontrée, c’est comme si une digue s’était brisée en moi. J’avais l’impression qu’un fil rouge nous reliait, depuis cette vie ou une autre. Mais je ne parvenais pas à déchiffrer son visage. J’aurai voulu passer quelques instants seul avec elle pour en avoir le cœur net, mais c’était une fête de famille : il y avait toujours quelqu’un.
J’ai pensé un instant me glisser dans sa chambre lorsque la musique se serait tue et les lumières éteintes (peut-être qu’elle n’attendait que ça, un geste romanesque, hardi et risqué… Moi, j’aurai aimé qu’elle le fasse), ça aurait été si simple, la maison où elle dormait était si proche de la mienne, je savais où était sa chambre... Mais je n’ai pas osé (peur d’être surpris, peur d’être rejeté, peur de ne pas être à la hauteur), de toute façon je suis sûr que ça aurait juste servi à lui faire peur.
Je ne savais comment la revoir, j’en étais à envisager de la réclamer lors d’une crise ou d’un accident quelconque, sur mon lit d’hôpital, le drame aurait compensé l’incongruité, au pire on aurait mis ça sur le compte de la fièvre et de la morphine et tant pis pour moi.
Etrangement, c’est elle qui m’a contactée, quelques mois après notre première rencontre : elle allait à un concert, elle voulait savoir si par le plus grand des hasards j’accepterai de l’héberger. Bien sûr, j’ai accepté. Avant de m’acheter un billet.
J’avais prévu mille scénarii pour qu’elle tombe dans mes bras avant les dernières notes : aucun ne s’est réalisé. Heureusement, il me restait le plan B : il n’y avait qu’un lit une place dans mon petit studio d’étudiant. Pourtant, en la voyant pelotonnée sous la couverture, j’étais sur le point de me dégonfler encore, de lui proposer de dormir par terre. Mais elle a tapoté le bord du matelas, je n’ai pas pu m’empêcher de m’allonger à ses côtés. Si près d’elle, son odeur m’enivrait, ses cheveux balayaient l’oreiller, tendus dans ma direction comme pour m’attirer.
J’ai maladroitement posé ma main sur son côté, ça a été comme un signal. Elle m’a attiré contre elle. Ses baisers me brûlaient. J’ai fini par lui avouer en chuchotant que je n’avais jamais connu une femme au sens biblique (à cause de ma maladie, celle qui pesait sur mes épaules depuis ma naissance, je ne m’étais jamais autorisé à m’attacher à une fille à ce point, et puis j’avais peur de ne pas y arriver, d’être à bout de souffle en quelques instants, moi qui avais du mal à monter une pente sans perdre haleine). Elle a suspendu ses mouvements et m’a jaugé pendant un instant du regard. Je me suis dit que j’avais tout gâché, que tout était fini. Mais elle a soupiré, comme quand on s’apprête à accomplir une lourde tâche, avant de poser ses lèvres sur les miennes à nouveau.
Je ne savais pas ce qu’elle attendait de cette relation, je n’osais pas lui demander. Après tout, j’étais peut-être le seul à me sentir attiré par elle comme si elle était mon double. Alors j’ai commencé à lui parler de ma maladie, comme pour lui dire à quoi s’attendre. Au bout de quelques phrases, elle m’a fait signe de me taire. J’ai eu peur qu’elle me dise que ça lui était égal, que maintenant elle voulait dormir. Elle a dit « On a le temps pour y penser. De toute façon, on se battra ensemble. ».
C’était ma première. Et quand je repense à ses paroles, à ses airs de sirène égarée ce soir-là, ses cheveux moites qui ruisselaient le long du bras sur lequel elle était appuyée, ses jambes qui se perdaient dans les plis de la couette, ses yeux aigue-marine, intenses… Je me dis que ce sera aussi la dernière.
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