Samedi 9 février 2008 à 12:08

J'ai pris mon sac, mes clefs et je suis partie comme ça, en coup de vent, sans même un regard pour le miroir - je ne sais que trop ce qu'il a à m'offrir – en claquant la porte. J'aime ce bruit gratuit et exaspérant.
Les voisins vont encore protester, mais qu'est-ce que ça peut faire, hein ? Qu'est ce que ça peut faire.

J'ai rendez-vous avec une vieille amie, cinq ans que je ne l'ai pas vue, aucune envie de combler ce vide.
Je ne sais pas ce qu'elle me veut, je ne sais pas pourquoi elle m'a donné rendez-vous, et je ne sais même pas pourquoi j'y vais, à la fin, pourquoi je perds mon temps ?
Comme si j'avais mieux à faire.

Je ne suis même pas sûre de la reconnaître.
Moi, je te reconnaîtrais, m'a-t-elle dit.
Mais bien sûr.

Je lutte contre le flot des rues bondées, j'ai l'impression de ne pas y avoir ma place. De n'avoir ma place nulle part.
Personne ne m'attend lorsque je rentrerai, personne, peut-être même que personne ne m'attend au café où elle m'a donné rendez-vous.
Pour ne pas avoir à regarder le visage des passants, je fixe le macadam, les affiches publicitaires de toutes ces filles parfaites auxquelles je ne ressemblerais jamais, le temps « splendide », à ce qu'il paraît. J'aime mieux la tempête. Je veux m'en aller.

Me voici devant dans le fameux café, personne ne régit à mon entrée, je me réfugies à l'intérieur, tout au fond, pour fuir le grand soleil écoeurant qui carbonise la terrasse.

J'allume une cigarette pour me donner une contenance, et soudain elle surgit dans mon horizon.
Elle a changé et elle n'a pas changé, de grandes lunettes de soleil rétro dévorent son visage émacié.
On dirait une brindille, à présent, je ne me rappelais pas qu'elle fut si mince, et si nous avions encore été amies, j'aurais sans doute été désolée pour elle. Mais j'ai déjà bien assez à faire avec mes propres démons.

Elle se laisse gracieusement choir sur le siège qui me fait face et m'adresse un large sourire, en ôtant ses lunettes.

« Salut » commence-t-elle. « Les autres ne devraient pas tarder. »
Les autres ? Quels autres ? Je pensais que nous serions seules. Je n'ai pas la force d'affronter plusieurs âmes à la fois. Pardon, j'ai dit “affronter” ? Je pensais “fréquenter”.
« Tu as organisé une réunion des anciens élèves, quelque chose comme ça ? » je finis par hasarder, pour combler le silence.
« Mais non, pas dut tout » me répond-elle, avec un sourire vaguement condescendant.

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