Vendredi 14 mars 2008 à 20:41

Elle attendait son amant, perchée sur un de ces tabourets trop hauts de comptoir, en fumant. Evidemment.
Je me suis dit qu'elle me manquait, que j'avais besoin d'elle, et je me suis approchée d'elle sans bruit, pour prendre place à ses côtés. Elle était trop obnubilée par son petit drame personnel pour s'en apercevoir.

Irrépressiblement attiré par la peau satinée de sa nuque, que sa robe échancrée laissait nue, je n'ai pu m'empêcher de l'effleurer doucement, du bout des doigts, peut-être en souvenir du bon vieux temps, peut-être comme remboursement de sa dette, celle de m'avoir ravi ses baisers et l'odeur de son épiderme sans préavis, peut-être qu'elle est belle. Peut-être que je ne peux voir quelque chose d'aussi pur et d'aussi naïf sans vouloir me l'approprier, comme pour compenser tout ce que je n'ai plus, peut-être que je n'ai pas l'habitude de ne pas obtenir ce que je désire, peut-être que je ne peux voir quelque chose d'aussi naïf et d'innocent sans avoir envie de la souiller. De la tordre. De la réduire en miettes.
Je ne suis pas quelqu'un de bien. Je ne suis pas quelqu'un de gentil. Mais ça vous le saviez déjà.

Elle s'est tournée vers moi en frissonnant, un peu surprise, et ses traits se sont tordus lorsqu'elle m'a identifié.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » m'a-t-elle demandé d'un ton âcre, croyant sans doute qu'en étant suffisamment désagréable avec moi, elle finirait par me faire décamper.
Mauvaise réponse, ma jolie.
Rien ne me distrait plus que la chasse.
Elle m'a soufflé la fumée de sa cigarette dans la figure, comme si cela allait me décourager. Comme si je n'étais pas prêt à endurer bien plus pour elle. Même malgré elle.
Et puis... Des défaites, des rejets, j'en ai essuyé. Mais j'ai toujours fini par gagner.

Elle tentait de prendre l'air dégagé de celle qui s'est trouvée là presque par hasard, qui est ici comme elle pourrait être n'importe où ailleurs, qui n'attend rien, ni personne (comme si son amant ne m'avait pas évoqué ce rendez-vous).
Mais avez-vous jamais vu la reine sans sa cour ?
Où qu'elle aille, et même sans prévenir qui que ce soit, il lui suffisait généralement  d'un quart d'heure pour être assaillie par une abeille, puis une de ses amies, lesquelles prévenaient leurs amies et bientôt elle se trouvait ensevelie sous un essaim bourdonnant et encombrent dont elle n'avait que faire. Sauf occasion particulière. Sauf lorsqu'elle retrouve son amant.
Mais prenez garde, ma reine. C'est une petite ville, un petit monde que le nôtre. Les nouvelles vont vite et rien ne reste caché bien longtemps.
De toute façon, elle se compromettait suffisamment elle-même, jetant fréquemment des regards anxieux en direction de la porte, comme si elle craignait que son amant ne nous surprenne. Comme si le fait de croiser le meilleur ami de son amant au détour d'un bar dans notre petit univers étriqué était si compromettant.
Elle transpirait la culpabilité, voilà ce qui était compromettant.

Lassé de son petit manège et croyant deviner la silhouette de mon meilleur ami derrière les vitres dépolies du troquet, je l'ai saisi fermement par la nuque et ai scellé ses lèvres contre les miennes.
Elle s'est débattue pour la forme puis, lorsque j'ai daigné relâcher mon étreinte, m'a jeté un regard alarmé en ramassant sa pochette monogrammée et sa dignité en lambeaux, et a sorti une cigarette.
« Mais tu es fou ! » a-t-elle sifflé entre ses dents, surveillant toujours l'entré du coin de l'œil. « N. arrive d'un instant à l'autre. »

J'ai cillé, savourant sa déconvenue. Quel soulagement de constater que moi aussi, j'avais le pouvoir de la déstabiliser.
Elle cherchait à comprendre, me toisant de ses magnifiques pupilles de chat écarquillées, et moi je la contemplais, passablement goguenard, et j'ai fini par lui répondre, en lui dérobant sa cigarette pour la porter à mes lèvres et posant ma main libre sur sa joue douce et rosée abricot « et alors ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Qu'est-ce que ça peut bien faire ? C'est moi qui t'ai embrassé, de force. À l'insu de ton plein gré. C'est un jeu, comme le reste, ça n'a aucune importance, aucun enjeu. N'est-ce pas ? Ce n'est pas comme si tu avais quelque chose à te reprocher, n'est-ce pas ? » ai-je déclaré avec l'œil empli d'une ironie amusée.

Estimant que j'en avais assez fait pour la soirée, j'ai décidé de lui porter le coup de grâce avant de céder ma place à son amant bien-aimé.
Ma main toujours sur sa joue et mon pouce suivant délicatement les lignes de sa mâchoire, j'ai approché ma bouche de son oreille et j'ai chuchoté « N'oublie pas ce que c'était, toi et moi. Combien c'était simple et combien tu te sentais aimée à ta juste valeur, enfin. N'oublie pas tout ce que j'ai à t'offrir. » et je me suis éclipsée, en lui rendant sa cigarette, ne confiant qu'au vent ce que j'avais difficilement retenu derrière mes dents « N'oublie pas que tu es à moi. »

Par KTL le Vendredi 14 mars 2008 à 20:52
Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule cinglée à adorer la relation trouble entre Blair et Chuck - et je suis contente de pouvoir lire dessus quelque chose d'ausi bien écrit, et d'aussi, disons, Chuckien.
Bonne continuation.
 

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