Dimanche 27 février 2011 à 21:46

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J’étais parmi eux comme par erreur. Les réunions de famille, ça n’a jamais été mon fort, alors celles des autres… Bien sûr il y avait mon amie avec moi, mais je suis comme ça : en présence des adultes, je me ferme comme une huitre, priant pour que personne ne me parle, pour qu’on m’oublie. Et puis je n’aime pas les échanges de riens rituels entre gens qui se connaissent trop peu ou trop bien.
Je n’avais pas ma place au milieu de leurs souvenirs, de leurs convenances, de la vie de leurs enfants. Bien sûr je ne pouvais pas fuir : trop impoli.
Heureusement il y avait un cousin d’à peu près mon âge dans le lot, un jeune homme aux manières un peu brusques dont le visage juvénile m’avait tout de suite séduit. Bien sûr il y avait quelqu’un qui m’attendait quelque part. Mais je suis comme ça, je n’ai jamais su être sage.

Il n’a eu aucun mérite. J’étais une proie déjà conquise, un fruit mûr prêt à tomber dans sa main. Je suis comme ça, j’ai besoin de me distraire. Bien sûr, ce n’a pas été facile de capturer son attention. Malin, il n’avait qu’une envie : fuir. J’enviais sa désinvolture, son assurance lorsqu’il se levait de table au milieu du repas pour retrouver des amis. Comme j’aurai aimé être libre comme lui, transformer par mon insolence les reproches en indulgence. Mais j’étais une invitée. J’étais piégée. Dieu merci, la politesse l’a incité à nous inviter à une soirée avec ses amis. J’étais gênée : je n’avais aucun vêtement pour séduire (mais quelle femme a parfois quelque chose à se mettre ?), ni même d’eye liner. On ne prend pas dans ses bagages une minijupe pour rendre visite à une vieille tante, ne serait-ce qu’à cause du risque d’infarctus. Essayez un peu de séduire avec un jogging et un T-shirt grisâtre, vous verrez de quoi je parle. Rien de pire que la famille : même quand on se persuade qu’il n’y a rien à en tirer, elle vous prépare une mauvaise surprise aux petits oignons. J’ai réussi à emprunter à mon amie quelque chose de suffisamment habillé pour ressembler à autre chose qu’une paysanne. J’avais l’air d’une paysanne avec un chemisier potable.

Bien sûr, j’avais placé beaucoup d’espoirs dans cette soirée mais rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé. Et pourtant, j’en passe un temps à imaginer. J’avais compté sur l’alcool pour me permettre de franchir les barrières que le sens du devoir et la crainte du remord plaçaient sur ma route lorsque je m’entichais d’un nouveau visage. Et puis il y avait cette chanson obscène qui me trottait dans la tête, comme une excuse : You’ve got a pussy. I have a dick. So what’s the problem. Let’s do it quick. Mais évidemment, je suis restée gauche, recroquevillée, à l’abri derrière mon amie, me contentant de sourire légèrement à l’adresse du fameux cousin pour donner le change. Je suis comme ça, la trahison n’est pas mon fort. Bien sûr, je n’attendais rien, il n’avait pas semblé me voir et dans un sens ça me soulageait. Mais après nous avoir ramené, alors que les autres rentraient à l’intérieur de la maison, il m’a retenue par le poignet. Bien sûr, je me suis tournée vers lui, interrogative, pleine d’espoir. Il a fait mine de presser ses lèvres sur les miennes, je ne sais pas, comme ça, il faut bien s’occuper, je me suis laissée faire une seconde, pour donner le change et j’ai dit dans un souffle « j’ai un copain » pour ne pas être une traitresse, pour ne pas être responsable de ce qui allait se passer après. Peut-être qu’après il s’est glissé dans mon lit d’invitée, peut-être qu’il est rentré après tout je n’étais pas quelqu’un qui comptait. Peut-être qu’on a passé des heures à s’embrasser, peut-être qu’on a été raisonnables, peut-être qu’on a eu plein rendez-vous secrets. Je ne me souviens plus, j’étais fatiguée.

Mais je suis bête. Il me connaissait à peine, j’étais déjà prise. Bien sûr qu’il ne s’est rien passé. Je suis comme ça, la réalité n’est pas mon fort.
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