Samedi 11 avril 2009 à 11:41

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- J’ai eu le temps de m’évanouir trois fois et de faire cinq crises d’hypoglycémie en vous attendant. Je commence ma glace, vous ne m’en voudrez pas ? Oh, et puis, vous pouvez m’en vouloir, ça m’indiffère.
Vous ne prenez pas, n’est-ce pas ? Trop occupé à prendre des notes.
De toute façon, j’ai l’impression que vous n’en avez pas vraiment besoin…
- Mais !...
- Ah oui, c’est vrai. Pardon. Pas d’attaques sur le physique, c’est petit, à ma taille en somme. De plus, je suis une militante activiste anti-filiformisme, et idéal photoshopé. Comme toutes les femmes qui ont un corps de fillette de plus de douze ans, je suppose. Mais vous n’êtes pas là pour écouter les âneries stéréotypées que n’importe quelle minette normalement constituée et pas trop pouffiasse pourrait vous débiter. Parlons de moi, puisqu’il n’y a que ça qui vous intéresse. De moi et de mon glorieux ouvrage, cela va s’en dire. Parfois je me dis que vous autres, journalistes, êtes incapables de faire la différence. À croire que j’ai « Joël » imprimé sur le front et des jambes minces comme des feuilles de papier. J’aimerais bien, remarquez. Mais ne sombrons pas dans le vaseux et laissons-là ce sujet.
Par quoi voulez-vous commencer ?
- Hum…
- Brillante entrée en matière !
- Eh bien… Dans quelle mesure votre roman, Joël, est-il autobiographique ?
- Ça, c’est une question que vous aimez bien, vous les journalistes. Sans doute parce que de nos jours, nous sommes trop égocentristes pour produire quelque chose qui ne soit marqué par notre essence.
C’est une question stupide.
Je ne m’appelle pas Joël, du moins pas à ma connaissance, je ne suis pas un garçon, je n’ai pas de fans qui adulent ma personne alors que je suis ennuyeux à mourir, et je ne fume pas comme un pompier. Je n’ai jamais rencontré personne du nom de Joël, ni Noël, je n’ai pas les cheveux bouclés et les yeux gris, je n’ai pas un look androgyne, et j’oubliais le plus important : je n’ai jamais cherché à fuguer.
Tout de suite, l’autobiographie semble sérieusement compromise.
Après, bien sûr que les artistes… Quand je parle d’artistes, je parle des vrais, pas ces imposteurs qui captent la lumière grâce à des maquilleurs professionnels mais qui n’ont aucun éclat. Vous savez, ces acteurs et autres chanteurs plus préoccupés par paraître qu’à être, alors que c’est la base de la création, soit dit en passant, qui n’ont aucun talent que leur belle gueule, aucune tripe et rien à dire, qui héritent de leur « célébrité » sur un plateau, quoi qu’ils en disent, quoi qu’ils en pensent. Ils n’ont aucune raison de se prétendre artistes, mais ça ne les dérange aucunement. Les vrais emploient le terme avec respect, et ils utilisent leur oeuvre pour faire jaillir leur univers intérieur, forcément riche : c’est pour ça qu’on les nomme « artistes ». Ils ont quelque chose au fond d’eux, issu de ce qu’ils ont vécu, ressenti, imaginé, rêvé, quelque chose de neuf, quelque chose qui vient d’eux puisqu’il n’y a que ça qui soit encore neuf.
- Donc, selon vous, l’art est une autobiographie ?
- Non. Il est juste façonné de sentiments, de sensations… d’humain. Et puis, ce n’est pas comme si l’humain ne prenait qu’une forme.
- Où voulez-vous en venir ?
- L’esprit humain contient l’infini des possibles, vous ne pensez pas ?
Nous sommes capable d’avoir n’importe quel caractère, n’importe quel trait de personnalité.
Seulement, par goût et par éducation, mais aussi selon le cadre dans lequel on se trouve, les rencontres, les gens que l’on côtoie, on choisit de ne révéler que quelques facettes de tout ce que l’on peut être.
Ainsi, pour peu qu’on se « laisse aller », on laisse s’échapper un bout de cet infini, qu’on laisse habituellement dans l’ombre.
Qu’est-ce qu’un schizophrène ? Un fou, direz-vous.
Et s’ils n’étaient fous que parce qu’ils ne parvenaient pas à « choisir » un caractère ?
Et si nous les enviions, parce que nous-même n’avons pas envie de consacrer de l’énergie de faire sortir certains aspects de nous ? Parce que nous refoulons ces aspects contre notre gré, alors qu’eux n’ont pas de notion de bien et de mal, parce qu’ils ne cherchent pas à être parfait ?
Qu’on soit acteur, écrivain, ou même chanteur, c’est le même travail : on fait sortir quelque chose de nous, habituellement dans l’ombre… ou pas, et on observe comme ça réagit. À partir de là, on incarne, et on sort un livre, un film, un disque.
- Donc pour vous, nous sommes tous des schizophrènes refoulés ?
- Peut-être. Peut-être qu’un artiste, c’est quelqu’un qui gère mal sa schizophrène et qui l’évacue par un moyen détourné.
Au revoir.
- Mais… je n’ai pas fini l’interview…
- Ne vous plaignez pas, j’ai été incroyablement gentille. N’en demandez pas d’avantage.
- Mais…
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