Cher Nobu
Tu me connais. Je n'aime pas parler de ça. Trop personnel, tout ça.
Là, au moins, il y a le papier entre nous.
Ne t'inquiète pas, moi ça va. Enfin…
Je veux dire, ce n'est pas comme si c'était grave. C'est juste moi, mes idées…
À quoi t'attendais-tu ? Je suis une femme. Je doute.
Mais j'ai peur, j'ai tellement peur…
C'est bête hein ?
J'ai peur comme si tu ne m'aimais pas.
Et pourtant tu m'aimes, n'est-ce pas ? Dis-le moi une fois encore.
Je ne sais pas pourquoi je suis affectée comme ça, pourquoi je ne parviens pas à me contenter de toutes les preuves d'affection que tu me portes déjà, pourquoi j'en veux toujours d'avantage.
Est-ce que je ne me suis jamais sentie digne de l'affection que tu me portes, que j'ai le sentiment que l'imposture est révélée ? Croyais-je que je pouvais me jeter à corps perdu dans ce lien entre nous, que tu serais toujours là pour me rattraper ?
Je ne saurais le dire.
Et pourtant j'en suis là, à exiger sans cesse d'avantage, toujours déçue et jamais rassasiée.
Et je m'en veux de t'imposer ça, te forcer ne ferait que précipiter la chute, un élan contraint n'est jamais vraiment sincère, que sert-il de te demander de faire attention à moi, moi qui voudrait que cela vienne de toi, mais je suis piégée au cœur de mes contradictions, je pleure et j'enrage de la futilité de mes angoisses.
Car tout cela est tellement futile, n'est-ce pas ?
Et je m'abhorre de t'inquiéter pour si peu, de te dévorer de cette façon, d'imiter l'Autre, cette ombre de ton passé, et je m'en veux, je m'en veux de te demander tant, toi qui donnes déjà tellement.
Alors j'use de mes artifices, de mes ruses, ces astuces de femme pour parvenir à mes fins, je suis froide pour ne plus te peser mais cela ne fonctionne même pas, tout au plus tu t'inquiètes un peu plus, peut-être, mais tu as confiance en moi. N'est-ce pas ?
Je crois que c'est là l'origine de mon désarroi pathétique.
Depuis que tu m'as confié ce détail, couronnement d'une angoisse enracinée depuis près de deux mois, quelque chose s'est brisé.
Ne regrette pas, ce qui est fait est fait. Ce n'était que la cerise blette sur le gâteau rance.
Mais bien que ce ne fût qu'un égarement passager, c'est comme le gage de ce que je redoutais.
Demain, dans deux semaines ou dans six semaines, ce « lien » se rompra.
Et on ne pourra rien y faire.
Parfois, dans des instants d'égarements, je songe qu'il faudrait mieux que je mette un terme à notre relation, dès à présent, qu'on en finisse, que cela ne me blesserait presque pas.
Et puis quoi encore.
Tu me crois folle, n'est-ce pas ? Comme tu as raison.
Tu as peur ? Je comprends.
Maintenant, tu sais la vérité : je suis une détraquée obsessionnelle, une maniaque professionnelle, je suis accro à toi comme d'autres sont accros à l'héroïne. J'ai peur de te perdre, j'ai peur de te peser, j'ai peur d'être un poids pour toi.
Pardon de passer par ce moyen détourné mais jamais je n'aurais pu te le dire en face.
Je n'aime pas dire la vérité, je n'aime pas me dévoiler, c'est une faiblesse.
Je suis une future menteuse professionnelle.
Peut-être que tout n'est pas vrai, peut-être que certaines choses sont exagérées, agrandies, déformées.
Je ne veux pas te faire peur.
La seule chose qui me console, c'est que si tu doutais encore de moi, te voilà rassuré, je crois.
Donnes-moi un autre baiser.
Etouffe-moi une fois encore.
Répète-moi que tu m'aimes jusqu'à ce que je sois ivre de tes caresses.
Et si tu ne veux pas, tant pis.
Ne t'inquiète pas : ça passera. Ça passe toujours.
H.