Vendredi 30 mai 2008 à 21:20

S. a les mains qui tremblent un peu alors qu'elle verse l'acide sulfurique dans le becher.
Elle tente de ne pas regarder son reflet dans la surface vitrée : elle a remarqué que se mirer la déconcentrait toujours un peu.

Elle a encore un peu de terre sous les ongles, elle sait que c'est le prix à payer.

Elle observe avec délectation la matière organique se dissoudre sous l'action de l'acide concentré. Elle en a peut-être un peu trop mis.
S. a toujours aimé détruire.

Elle s'abîme à la contemplation de la réaction chimique, il lui semble que l'acide et elle ont une relation privilégiée, intime, comme un lien que rien ne pourrait ronger.

Elle a hâte d'obtenir son baccalauréat et de fuir ce lycée putride.
Elle s'y sent mal à l'aise, elle pense trop au cadavre qui se tasse dans la cave.

Elle n'aime pas songer à cela, ça la distrait, alors elle tente de fixer son attention sur son expérience mais il est trop tard : ses yeux tombent sur son image réfléchie dans la fiole, elle voit la silhouette qui s'y découpe, ses yeux de dément, écarquillés, ses cheveux hirsutes, pareils à des tentacules, poisseux de sang, le visage et les épaules maculés d'hémoglobine.
Elle souhaite que l'examinateur mette ses yeux fous sur le compte de la tension.

Depuis le meurtre, cette image immonde la poursuit.
C'est bien la seule chose que S. regrette dans toute cette affaire.
La terre sous les ongles et le reflet démoniaque.
Elle ne sait pas si les autres peuvent le voir, elle ne tient pas particulièrement à faire l'expérience.
Mais bon, puisque c'est la seule séquelle de cet incident, S. s'en accommode.
Elle pense abandonner ses hôtes gênants avec le cadavre, lorsqu'elle claquera le portail du lycée honni.

Ses mains s'entrechoquent et S. fixe ses pensées sur le leitmotiv qu'elle s'est forgé depuis le crime : c'était presque un accident et de toute façon D. l'avait bien cherché. Il n'y a rien à regretter.
Elle a disparu dans l'indifférence générale.
Et pour tout vous dire, elle était laide.

Rassérénée, S. prend une inspiration et reprend le fil de son expérience.

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