Andréas. Hantes-tu mes pensées par désœuvrement ou par regret ?
L’asphalte résonne encore du son de tes pas et pourtant il n’y a rien à attendre. Je me retiens de dévorer les pages de l’annuaire en quête de ton nom, décrocher le téléphone et chuchoter ton nom dans le récepteur. Je suis sûre que tu ne t’inquiètes pas, tu sais que je suis lâche.
Je repense à ton sourire, à jamais spécial à mes yeux, à ce salut léger dont tu m’as gratifiée lors d’un rencontre de hasard.
Ce pont où tu m’as regardée, pour la dernière fois sans doute, cette entrevue muette, deux êtres qui se croisent, qui se frôlent furtivement, une rencontre manquée, et déjà il faut regagner la rive. Comme d’habitude.
Tu es parti, tu as enflammé la passerelle comme tu as marqué ma peau au fer rouge, comme tu as gravé ton nom dans mes veines.
Alors je voudrais décrocher le téléphone et hurler « tu crois vraiment que nous n’étions qu’une rencontre de hasard ? Tu crois vraiment que ça n’en valait pas la peine ? » et tu me trouverais bête de me rapprocher à cette espèce de destinée que j’ai imaginé, tu reposerais le combiné en souriant, tu te dirais que j’étais quand même une drôle de fille, et ta femme te demanderait ce qu’il y a de si drôle alors tu la prendrais dans tes bras.
Alors je piste ton ombre à travers la ville déserte, les rues murmurent ton nom mais elles ne me renvoient que l’écho de ton absence. Et ce pont, la nuit où pendant quelques instants j’ai oublié le monde et mon cœur a battu au rythme des syllabes An-dré-as. Un bref sourire, un signe de tête. J’ai continué à avancer et le monde a repris ses droits, éclatant à mes sens : ton regard m’a transpercée.
La prochaine fois qu’il te viendra à l’idée d’allumer un brasier, assures-toi que je sois au centre. J’aurais tant voulu être avec toi. Au moins une fois.