Je suis tombée amoureuse d'elle à l'instant très précis où elle a porté le bol à ses lèvres.
C'était un bol de thé, du thé en sachet pour tout vous dire, le genre de boisson infecte au goût aseptisé comme on n'en boit qu'à la cantine ou à la machine à laver… Pardon, à café.
Elle émergeait tout juste des songes, les yeux encore un peu voilés et les gestes nébuleux, vaguement automatiques.
On sentait qu'elle n'avait pas la tête à ce qu'elle faisait, qu'elle était bien loin de nous, de cette réalité étriquée.
Nous, nous avions le regard passablement épouvanté, vitrifié, par les partiels qui se profilaient, et puis…
Elle, le monde réel ne l'avait pas encore rattrapée.
Sans doute ne s'affolait-elle pas pour si peu.
Son regard à elle était lointain, teinté de toutes les couleurs de ses rêveries, elle était si inaccessible à nous, pauvres mortels, les yeux plongés dans le liquide ambré.
Elle se noyait dans ses pensées, et elle semblait si triste…
Je ne l'ai jamais tant aimé qu'en cet instant, avec tous ces kilomètres entre nous et pourtant j'aurai presque pu la toucher et…
Puis elle finit son bol brûlant d'un trait et elle réintégra son enveloppe charnelle, redevenant cette demoiselle avenante et enjouée qu'elle avait toujours été.
Mais jamais je ne pus oublier la jeune fille mélancolique au bol de thé, qui m'avait fait effleurer un instant les grandes maîtres du thé du temps jadis…
Vendredi 21 septembre 2007 à 23:05
Commentaires
Par L-Emasculee-Conception le Samedi 22 septembre 2007 à 18:21
quel joli texte, plein de mélancolie et de mystère, a l'instar de cette jeune fille décrite la.
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