C’est ainsi que je suis devenue exactement la mère que je ne voulais pas être, que je craignais d’être. Je leur avais dit, aux médecins. Que je n’étais pas née pour être mère.
Ce gosse, je l’ai détesté, pendant 7 mois, le temps que j’entende parler de lui. Je l’ai détesté de me déchirer le ventre, de me rendre laide et impotente, de me rendre malade, malade.
Après, il est sorti de moi, mes muscles hurlant de douleur et de soulagement. Mais finalement, ça ne faisait que commencer.
Après, il est sorti de moi, mes muscles hurlant de douleur et de soulagement. Mais finalement, ça ne faisait que commencer.
Les premiers mois ont été les pires. Parce que je m’attendais à une révélation en prenant le tas de chairs dans mes bras. Et parce qu’il m’empêchait de dormir. Cette histoire d’instinct maternel. Juste un mensonge pour donner envie aux femmes de reproduire la catastrophe de la vie. Révolution des mœurs, mai 68. Au fond, une femme stérile a raté sa vie. La femme ne peut se réaliser que dans la maternité. Personne n’a envie d’admettre que les parents peuvent ne pas aimer leurs enfants. Les hommes, passe encore, ils n’ont qu’un rôle assez ponctuel dans la conception. Mais une mère…
Je me suis sentie flouée, tandis que je lui préparais des biberons à 3 heures du matin. Et je me sentais vaguement coupable, aussi. De ne pas y prendre plus de plaisir. Et je me suis rappelée que je n’avais pas demandé à être enceinte. Je me suis rappelée qu’on m’avait refusé l’ablation des ovaires, on avait voulu faire de moi une mère, à tous prix, bonne ou mauvaise, soi-disant pour ma propre réalisation, mon propre bonheur. Dites plutôt que dans vos tripes il y a cette vieille volonté fordiste de croissance démographique pour gagner la bataille (laquelle ?). Dites plutôt que vous êtes choqués par cette opiniâtreté à aller à l’encontre des instincts, de la perpétuation de l’espèce.
Je me suis sentie flouée, tandis que je lui préparais des biberons à 3 heures du matin. Et je me sentais vaguement coupable, aussi. De ne pas y prendre plus de plaisir. Et je me suis rappelée que je n’avais pas demandé à être enceinte. Je me suis rappelée qu’on m’avait refusé l’ablation des ovaires, on avait voulu faire de moi une mère, à tous prix, bonne ou mauvaise, soi-disant pour ma propre réalisation, mon propre bonheur. Dites plutôt que dans vos tripes il y a cette vieille volonté fordiste de croissance démographique pour gagner la bataille (laquelle ?). Dites plutôt que vous êtes choqués par cette opiniâtreté à aller à l’encontre des instincts, de la perpétuation de l’espèce.
Et j’ai regrette tellement de saper ce gosse, inexorablement, d’investir pour qu’il hante les cabinets de psy plus tard. J’essaie de décharger autant que je peux le poids de mon indifférence sur le père, il est tellement patient, tellement aimant, moi je n’ai pas la place, je n’ai pas de place pour cet enfant, même mon corps en est sorti déformé, tordu.
Je suis le genre de mères qui doit définir un rappel sur son téléphone pour penser à aller chercher son fils à l’école. Je suis le genre de mères qui ne regarde même pas le bulletin de notes. Je lis parfois des histoires à mon rejeton, mal, pour qu’il demande à son père. Je suis le genre de mère qui lance son assiette à son gamin sans le regarder. Lorsqu’il faut l’emmener au zoo ou au cinéma, je me défile au bout de dix minutes, la cigarette aux lèvres. Je ne rêve que de fuite.