Elles étaient belles, bien sûr, d’une beauté un peu symétrique et inquiétante. Leurs gestes pesaient de leurs longs après-midi de travail, passées à s’entraîner. Elles en venaient à se compléter. Et elles m’ont entrainée, presque malgré moi, dans leur couple-miroir. Elles aimaient à faire ça : se disputer une autre femme, la jeter en pâture entre leurs deux corps, la mettre en pièces. Elles aimaient former un trio bancal, instable par cette monstruosité, le chiffre trois, l’équilibre dans l’instabilité.
Elles me prenaient à partie, j’étais une arme et un bouclier. Elles me dressaient entre elles, se jetant des corps comme des balles, elles m’entrainaient loin l’une de l’autre. Elles ne se séparaient jamais de moi, pendant cette parenthèse fuligineuse de mon existence, et pourtant j’étais condamnée à être exclue de leur alliance, de leur couple. Lorsqu’elles étaient ensemble, je n’étais plus. Elles avaient des rires, des signes, que je ne parvenais pas à déchiffrer ; elles ne m’expliquaient pas, moins par défi ou par jeu que par distraction. Je n’étais pas destinée à parler leur langage.
Alors après leurs longs ébats à la barre, l’après-midi durant, leurs corps tendus vers le ciel, l’une ou l’autre me capturaient, et nous parlions jusqu’à l’aube, au rythme des cigarettes et de l’absinthe, détruisant consciencieusement le corps qu’elles sculptaient le jour durant.