Jeudi 12 juillet 2007 à 20:47

Machi

 

Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, hein ?
Parfois, j'ai l'impression que tu fuis. Tu as peur ? Tu as peur de moi ?
Non, c'est moi qui ai peur. J'ai peur que tu partes loin de moi, là où je ne peux plus t'atteindre.
J'aimerais tellement savoir ce que tu penses, Machi.
Je sais que tu ne vas pas bien. Et pour une fois, je te comprends. Moi non plus, ça ne va pas bien, tu sais. Pas bien du tout.
J'ai mal au ventre Machi. Une sale boule qui me tord l'estomac.
J'ai peur Machi. J'ai mal. J'ignore pourquoi.
Viens vite, Machi... Aujourd'hui, c'est moi qui ai besoin de toi.
Tout à l'heure, en cours, je...
Je suis partie, Machi. J'ai encore quitté la salle de classe.
Je refuse d'être un spectacle.
C'est pitoyable, hein ?
Je ne voulais pas, tu sais. J'ai juste le coeur qui déborde, parfois.
Je voulais venir te voir, à la sortie du lycée, te parler, te...
Tu me manques, tu sais.
Et puis, non. Tu as ton association, hein. Comme souvent. Comme toujours.
Alors...
Pourquoi me prend-t-on tout ce qui me reste ?
Machi.
Je suis dans ce café, celui devant lequel on passait si souvent. Avant.
Siroter des litres de café à l'eau de vaisselle en regardant passer les gens.
Putain quelle connerie.
Je t'écris sur cette table labourée des graffitis de tous les clients d'un jour ou d'une vie, tous les morceaux d'existence gravés dans le bois, et moi je ne suis rien, tu m'entends, même avec un couteau je n'aurais rien à mettre, il ne reste plus un centimètre carré d'espace, pourquoi ne me laissez-vous pas de la place parmi vous, pourquoi ne me laissez-vous pas vivre ?
Ça y est, il pleut.
Quel temps admirable. Quelle myriade de couleurs.
Les autres se réfugient sous leurs parapluies ridicules, leurs capuches pitoyables, leurs chapeaux dérisoires, courent vers un porche, le café... Déjà trempés.
Quelle connerie.
Les haut-parleurs crachent leur musique sirupeuse, les rideaux sont framboise à la crème.
J'ai envie de vomir.
Je me bourre d'eau chaude aromatisée à la caféine synthétique pour oublier mon ventre vide, qui se tord, se tord...
Je n'ai pas envie de sortir. Je ne suis pas bien, ici, mais c'est toujours mieux qu'ailleurs.
J'aimerais être seule.
Vous m'étouffez. Vous m'étouffez, tous.
Machi. Je sais que toi aussi tu es perdue dans la foule.
Je vais partir, Machi.
Je vais quitter le café, le lycée, la ville, la région. Peut-être le pays.
Je déménage, Machi.
Je vais être triste et seule ailleurs.
Je vais partir loin de toi ; Machi.
Je ne t'oublie pas.
Comme si tu en avais envie.
Je t'écrirais toujours, bien sûr. Et je sais que ça t'est égal.
J'en ai besoin, tu sais.
Chuis triste, Machi. J'ai tellement peur.
Je sais que tu peux comprendre ça.

 

 

 


Ne m'oublie pas.
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