Machi…
J'ai fait un rêve… un drôle de rêve.
Je sais que ça te semble sans doute étrange, que je m'adresse à toi brusquement, pour te parler… de ce genre de détails. Je t'en parle parce que Fée s'inquiéterait trop.
Je suis sûre que toi, tu pourras garder ton sang-froid.
J'ai rêvé qu'on m'autoriserait à cesser de vivre. Et puis je me suis réveillée.
Alors je me suis levée, sans conviction, j'ai enfilé quelques nippes que j'ai piochées au hasard dans le placard.
Je suis submergée… Concours d'entrée (je n'en peux plus de rester seule), auditions de théâtre (mon partenaire a besoin de moi), et tout ces petits jobs que je dois cumuler…
Je dois aider Fée, tu comprends. Je n'en peux plus de faire mine de ne pas voir les factures qui s'accumulent sur le bureau.
Si seulement… tout n'arrivait pas en même temps.
Mais c'est pas grave. Ça va aller.
C'est juste que… Non ça ne va pas. Pourquoi ça devrait toujours aller ?
Je suis épuisée malgré mes heures à errer dans les limbes du sommeil, je suis irritable, nerveuse, le moral dans les négatifs.
Fée et quelques autres ont quelqu'un. Je suis seule.
Je veux juste me blottir contre quelqu'un et qu'il n'y ait d'autre bruit que les battements de son cœur –boum boum, boum boum…-
Non, ne me touche pas. J'aime pas. Arrête. ARRÊTE !
Haptophobie. Un mot barbare pour quelque chose très simple.
J'aurais pu être anorexique. Faire une tentative de suicide.
J'limite les dégâts.
Et les autres de s'inquiéter, et est-ce que ça va ?
Oui ça va. Non ça ne va pas. Oui c'est venu comme ça. Non je ne sais pas d'où je vous dis. Non je n'ai pas été violée.
Le message est clair : lâchez-moi.
Et je veux mourir. C'est une constatation froide, clinique. Je ne suis pas dépressive. Je ne suis pas accablée.
Simplement fatiguée. Fatiguée à en mourir.
Ne t'inquiète pas. Je veux vivre. J'ai des projets d'avenir, plein de choses à faire, des amis et une Fée. Des sourires.
Je veux mourir. Presque. Cesser de courir, de craindre les échéances, de me retourner des heures dans mon lit, culpabiliser lorsque j'échange quelques mots avec Fée qui ne concernent pas tout ce qui s'effondre autour de moi. Cesser d'étouffer.
Je veux juste qu'on me donne des vacances. Arrêter de vivre, pendant quelques temps.
M'assoire, les genoux regroupés contre ma poitrine, dans une salle blanc hôpital. Sphérique. Aucun bruit que ma respiration, que mon coeur qui cogne, aucune autre couleur que ma peau pour me crever les yeux, aucun autre goût dans ma bouche que la saveur ferreuse de mon sang.
Une perfusion me maintient en vie parce que le moindre mouvement me déchire. Parce que la nourriture ne me fait pas envie.
Je ne vois personne, je suis un poussin dans ma coquille d'oeuf immaculée.
J'ai le droit d'arrêter de m'inquiéter, de sentir le stress inonder mes veines d'adrénaline, d'aimer et d'être déçue, d'espérer et de souffrir, de sentir et de ressentir.
Je ne sens plus rien, je suis immatérielle.
Peut-être que je ne pense à rien, peut-être que les pensées se déchaînent et que je mets de l'ordre en moi.
Personne ne me cherche. Rien ne me harcèle.
Enfin j'ai le droit d'être libre.
Peut-être que c'était ça, mon rêve.
Peut-être que je veux juste qu'on me laisse tranquille.
Il y a des choses qui sont graves, et d'autres non.
Il y a des jours où il ne se passe rien, et des semaines où tout vous tombe dessus.
J'ai peur Machi. Trop de choses qui arrivent.
Et puis j'ai un ami, il…
Ça y est j'ai le bourdon. Mais ça va déjà mieux.
Merci.
P.s. Les échéances s'éloignent à tire d'ailes de pages de calendrier. Tout va bien. Tout s'est bien passé. Tout est fini.
Presque. Parce qu'il…
Je t'envoie un baiser du bout des doigts. Comme ça on ne se touchera pas.