Samedi 11 août 2007 à 11:12



- Vous êtes seule ?
- Non, je suis entourée de tous mes admirateurs. Ça se voit, non ?
- Autant pour moi. Je peux vous offrir quelque chose ?
- J'ai déjà commandé. Et ne soyez pas si entreprenant. Ce n'est pas en m'offrant une tasse en carton de café à l'eau de vaisselle que vous ne rentrerez pas seul ce soir.
- ... Où avais-je la tête ?
- Votre tête, je ne sais pas, mais vos pieds ne me laissent guère plus de trois centimètres cube d'espace disponible sous la table. Pourriez-vous donc avoir l'obligeance de leur demander, à eu et par extension à vos jambes, de daigner ne plus piétiner mon espace vital ?
- Oups… désolé. Je vous ennuie ? Je veux dire, ça vous ennuie que je me sois assis à votre table ?
- Hum…
- Je m'en vais si vous voulez.
- Maintenant que vous y êtes, j'imagine que vous pouvez y rester.
- Merci. Vous m'excusez un instant, je vais commander.
- Prenez votre temps.
- C'est dingue, on dirait qu'il n'y a pas un seul serveur dans cette salle !
- Parce qu'il essuie les tables ?
- Bon, j'y vais.
- …
- Me revoici. C'est indiscret de demander ce qu'une jolie jeune fille comme vous fait dehors, seule, à cette heure tardive ?
- Oui.
- Ah…
- Et vous ?
- Moi ?
- Qui d'autre ? Je vous retourne la question : qu'est-ce que vous faites dehors, seul, à cette heure de la nuit ?
- Vous ne me qualifiez pas de beau jeune homme ?
- Ne m'obligez pas à devenir blessante, je vous prie.
- Et pourquoi je répondrais à votre question alors que vous n'avez pas répondu à la mienne ?
- Vous voyez.
- Pardon ?
- Allez-y, parlez de vous, vous en mourrez d'envie.
- Moi, mais pas du tout…
- Menteur.
- Comme vous, j'imagine.
- Quoi ?
- Ce que je fais dehors. Je passe le temps.
- Réponse brillante. Je n'aurai pas fait mieux.
- Vous ne l'avez pas fait du tout, surtout. Et puis vous savez l'heure qu'il est ?
- Non, et ça m'est bien égal.
- Une heure indécente pou la cohérence.
- Vous draguez souvent les jeunes filles seules dans les cafés ?
- Non, c'est la première fois.
- Menteur.
- Et alors, ça vous dérange ?
- Pas plus que ça.
- Et c'est quoi, ce que vous lisez ?
- Vous n'arrivez pas à lire à l'envers ?
- Je suis curieux de savoir comment se prononce le nom de l'auteur.
- A-lou-ki Mou-la-kami. Comme ça s'écrit.
- Enfin, il n'y a ni u ni l dans son nom.
- Comme ça s'écrit.
- Si vous le dites. C'est le passage du quoi ?
- De la nuit.
- C'est bien ?
- Si ce n'était pas le cas, je n'en serai pas à plus de la moitié.
- Je ne sais pas, ça aurait pu être une lecture forcée.
- Comme ?
- Une lecture scolaire.
- J'ai l'air d'être encore lycéenne ?
- Ou étudiante. Ou ça aurait pu être une lecture faite sur le conseil d'une amie très pressante qui ne vous aurait pas laissée tranquille avant que vous n'attestiez l'avoir fini.
- Non.
- Pardon ?
- Non, ce n'est pas ça.
- Ça parle de quoi ?
- C'est pas un livre à histoire.
- Ah ?
 - C'est un roman d'atmosphère. À la
Lost in Translation, vous voyez ?
- Ah oui ! Je me rappelle de ce film. Un Coppola ?
- Oui. Un Sofia Coppola. Avec Scarlett Johansson.
- Ah oui c'est ça. Je l'ai vu dans l'avion, il y a… trois ou quatre mois.
- Vous avez aimé ?
- Bof… J'aurai préféré un truc avec plus d'action, vous voyez, celui-là n'était pas passionnant. Un peu plat, je trouve.
- Je vois.
- On est un peu dans la même situation que le film, là, non ? Vous, moi, un homme et une femme seuls dans un grand café ouvert toute la nuit, ils ne se connaissent pas et ils apprennent à le faire autour d'un verre.
- Si vous le dites.
- Vous n'êtes pas d'accord ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Je bois une tasse de caf, pas un verre de gin.
- Ah… C'est quoi l'atmosphère de votre livre ?
- Pardon ?
- Vous m'avez dit que c'était un livre d'atmosphère, non ? Alors, laquelle ?
- Il vous tient à cœur, dites-moi.
- C'est mon seul lien avec vous. Vous avez un meilleur sujet de conversation en stock ?
- Les anges.
- Quoi ?
- Vous ne connaissez pas l'expression « un ange passe » ?
- Oh…
- Une ambiance nocturne ?
- Pardon ?
- Mon livre. C'est une ambiance nocturne, vous voyez ?
- Euh…
- Une ambiance très aérienne, évanescente. Les gens parlent mais pourraient aussi bien se taire, ce qu'ils disent n'est pas vraiment important mais en même temps les mots ont un poids énorme, ils parlent pour remplir le vide, leurs propos sont superficiels parce qu'ils ne se connaissent pas, puis ils deviennent de plus en plus proches, comme ça, ils se découvrent, leurs paroles prennent une tournure plus personnelle, une intimité se construit entre eux… Ils finissent par tomber amoureux l'un de l'autre, comme ça, comme deux solitudes qui se rencontrent dans une grande ville anonyme, comme Tokyo. Ça ressemble vraiment à Lost in Translation, en fait.
- Ça me donne vraiment envie de le lire, votre bouquin. Et de revoir le film. Vous me le prêterez, votre livre ?
- C'est une excuse pour se revoir ?
- Peut-être.
- Alors on verra.
- …
- J'aime bien lire ce livre dans des nuits comme celles-ci.
- Vous l'avez déjà lu ?
- Une demi-douzaine de fois, au moins. J'aime bien le lire d'une traite lorsque je passe la nuit dehors.
- Ça vous arrive souvent ?
- Je ne sais pas.
- Vous avez des problèmes d'argent ou je ne sais quoi pour ne pas rentrer chez vous ?
- Vous, vous n'avez pas de problème d'argent et pourtant vous n'êtes pas encore rentré.
- C'est vrai…
- Et qu'est ce que vous faites pendant tout ce temps ?
- Vous voyez bien. Je reste dans des bars ouverts une partie de la nuit, parfois 24h/24, mais il n'y en a pas beaucoup. Je lis. J'écris. Je bois du café. Je fume une cigarette. Je m'occupe, quoi.
- Vous fumez ?
- Je viens de vous le dire.
- Donc ça ne vous dérange pas si je…
- Allez-y.
- Et après ?
- Après quoi ?
- Lorsque le bar ferme, vous faites quoi ?
- Je me promène. Je traîne dans les rues.
- C'est pas dangereux ?
- Si, sans doute.


À suivre...

Par N.Freed0m le Dimanche 12 août 2007 à 16:45
Ca faisait longtemps miss, longtemps qu'j'avais pas lu tes textes. Je dois t'avouer, je passais souvent sur ton autre blog, mais la vue de lonnnngs textes me rendait un peu réticente, j'essayais toujours de remettre ça a plus tard. Non pas que tes textes ne m'intéressent pas, bien au contraire, mais voila. 'Fin bon j'ai pas d'excuse
T'écris toujours aussi bien, surtout dans l'art des dialogues et puis dans l'art de se mettre dans la peau des femmes intouchables, fatales, sexy rien que par leur attitude, leur manière d'être et de répliquer.
J'vais p'tetre un peu loin, mais c'est bien souvent comme ça que je vois tes personnages féminins.
J'adore en tout cas !
Bonne continuation sur cowblog, j'ai abandonné le mien : incorrigible insatisfaite
Et puis je perds mon temps, j'sais plus trop sur quoi écrire, j'y arrive plus =/
Racontage de vie qui sert a rien, en tout cas, dialogue sublime =)

Bisouus
 

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