Mercredi 14 janvier 2009 à 19:13

 
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Il est venu me trouver alors que je guettais une proie, immobile au creux d’un arbre. Il me semblait que j’étais plus vieille que le monde, il me semblait que je n’avais jamais rien été d’autre que cette machine à tuer.
Il s’est mis à me parler en cette langue commune que je croyais avoir oublié. Il me dit qu’il me cherchait, qu’il m’avait toujours cherchée, et que j’étais là à présent.
Si mes reflexes n’avaient pas été aussi aiguisés, il est certain que j’aurai chu du mon perchoir.

Il me scrutait tandis que je montrais les crocs.
« Quel est ton nom ? »
Je ne savais plus. Que signifie un nom lorsqu’on est seule ?
« Ils m’appellent Phobos. Veux-tu être Callisto ? Ce nom en vaut bien un autre. Viens avec moi. Tu n’es plus seule. »
Il tendait la main, je ne savais comment réagir, je ne savais plus parler.
Il a trouvé les mots pour parler à mon humanité endormie, il m’a convaincue. Il a prit un temps infini pour que je retrouve ce que j’avais perdu.
Voilà mon histoire.

Il n’est pas comme moi, il a été transformé par un Wampyr puis abandonné. Il ne lui en tient pas rigueur. C’est quelqu’un de bon. Il est plus humain que bien des mortels.
Nous sommes comme vous, nous avons besoin de quelqu’un pour affronter l’éternité. Et il m’a trouvée.
Nous ne sommes pas comme vous.
Je passe des décennies sans voir son visage. Il ne me manque pas.
Je sais quand il a besoin d’être seul, il sait quand me retrouver.
Le monde est trop petit pour nous deux.
Vous ne comprenez pas ? Je m’y attendais.

Je ne vous conterai pas une aventure avec un mortel, une relation condamnée d’avance, Tristan et Iseult condamnés à la mort… C’est d’un commun.
Certaines choses ne peuvent être dites. Les Wampyrs ne sont pas très adroits avec la tristesse.

Je vous aime, mortels. Je vous méprise pour cette raison, j’aime cette fragilité en vous. Je vous envie car vous êtes condamnés à affronter la mort. Moi, j’avais trop peur. J’ai trop peur pour l’éternité. Je refuse de m’éteindre. Je refuse de disparaître.

Mardi 13 janvier 2009 à 21:29

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Je suis venue au monde il y a bien des années de cela. Ma vie humaine a été fade et sans éclat, à vrai dire je m'en souviens à peine. Je crois que c'est ainsi, pour ceux de ma race. Les premiers temps, on se raccroche à ses bribes d'humanité, comme si cela avait du sens, comme si c'était précieux, pour mieux nier l'évidence. Et puis on se résigne. On admet. Et on devient une bête.
Je me souviens nettement mieux de ma mort, comme vous l'appelez vous autres mortels. Ma transformation.
C'était une agression, ou quelque chose comme ça, une attaque sordide aux motifs dont tout le monde se moque puisque les responsables sont morts depuis bien longtemps (j'y ai personnellement veillé). Ils eurent la malheureuse (pour eux) idée d'attenter à ma vie. J'aurai pu les laisser faire. Ce n'est pas comme si ma vie avait jamais eu une valeur. Mais j’avais trop peur de mourir.
Alors que l’adrénaline brûlait mes veines, le souffle commençait à me manquer, et cela s’éveilla. J’ai mordu la main qui me bâillonnait et presque malgré moi me suis mise à laper le sang qui perlait de la plaie, son cœur battait de plus en plus fort, il était comme paralysé, et le sang coulait et coulait, je sentais mes forces s’accroitre imperceptiblement. Le temps semblait s’écouler plus lentement, et mes perceptions se métamorphosèrent à jamais.

Gorgée, repue de son hémoglobine, je parviens à faire mordre la poussière à ses complices (à moins qu’ils ne fussent que deux ? tout est si flou…), qui n’ont sans doute pas réalisé ce qui leur arrivait. Et moi non plus.


Mon espèce était encore peu répandue. Je ne comprenais pas, ne pouvais comprendre, ce qui m’arrivait. Lorsque j’ai voulu rejoindre les humains on m’a déclarée possédée et on a tenté de me traîner sur les braises. Je n’ai laissé dans mon sillage que des cadavres.

Cependant, j’ai commencé à appréhender ce que je suis, peu à peu. Cela me prit des mois, des années, le temps n’avait plus de valeur, j’ai manqué plus d’une fois de perdre la raison. Et puis la vérité s’imposa. J’étais différente. Je le serai sans doute à jamais.

Ceux qui furent mes semblables étaient désormais mon gibier, mes proies, ma nourriture.

je décidais de partir à la recherche de ceux que vous appelez des Wampyrs. J’étais en quête de repères, à défaut de réponses. Je voyais bien que je ne vieillissais plus, je voyais bien que je pouvais courir des heures sans relâche pourvu qu’il y eu du sang en moi, parfois je ne dormais pendant des jours et des nuits.

Les Wampyrs se reconnaissent entre eux. Ils entendent leurs cœur respectifs battre lentement, ne tenant qu’à l’adrénaline de leurs victimes.

J’ai cherché longtemps. Les miens étaient décevants, guère plus que des animaux, empoisonnés par la soif du sang.

J’ai préféré rester seule.
Je me laissais aller à mes instincts de prédateur, inexorablement, devenant peu à peu cet animal que j’avais méprisé chez les Wampyrs que j’avais croisé. Il était si simple d’être un fauve pour ne plus avoir à penser. Penser devenait douloureux, un monologue éternel, à défaut d’altérité, mon esprit se figeait, à l’instar de mon corps.

Je n’imaginai pas que je puis me forger un compagnon. Je ne savais pas pourquoi j’étais dans cet état, je ne m’imaginai autrement que seule. Je laissais mes victimes pour mortes, sans chercher à « jouer » avec. Sans tenter d’expériences. D’autres l’ont fait pour moi.


Il est venu me trouver alors que je guettais une proie, immobile au creux d’un arbre. Il me semblait que j’étais plus vieille que le monde, il me semblait que je n’avais jamais rien été d’autre que cette machine à tuer.
Il s’est mis à me parler en cette langue commune que je croyais avoir oublié. Il me dit qu’il me cherchait, qu’il m’avait toujours cherchée, et que j’étais là à présent.
Si mes reflexes n’avaient pas été aussi aiguisés, il est certain que j’aurai chu du mon perchoir.

Vendredi 9 janvier 2009 à 19:12

Je serrais dans mes bras ce pauvre fou, cette vieille épave, comme on cajole un enfant.
Il tremblait dans le berceau, lui que les siècles avaient rongés. Nous n’étions rien que deux solitudes qui se perdent l’une dans l’autre, inlassablement. Nous n’étions rien d’autres que ces deux corps intacts, aux âmes démantelées par le temps, nous n’avions plus d’humain que l’apparence, le sang a dévoré cela en nous.
Nous étions las, tellement las d’avoir été artistes, saltimbanques, conteurs, oiseaux de proie, banquiers, Grands Inquisiteurs, prodiges, anonymes, morts ou vivants…
Nous ne sommes plus rien, nous ne cherchons plus la société des hommes car il n’y a rien à en attendre.
Vous n’êtes que de la viande qui bouge, n’oubliez jamais ça.

Les miens lorsqu’ils croisent votre route, essayent de paraître sous leur meilleur jour, ou vous dévorent. Je suis lasse de cette mascarade.
Vous n’êtes rien pour moi, vous n’êtes rien pour personne.

J’ai aimé, autrefois, je me suis façonnée un compagnon. Mais au fond, qu’on vive un jour ou un siècle, on est si seul. Je n’ai trouvé le repos qu’après avoir aspiré son sang jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une goutte. Pas une seule.

Et j’ai ce gamin entre les bras, le monde est trop petit pour nous deux, on se perd, on s’abandonne pendant des siècles et puis on se croise, comme deux fragments d’une même âme se retrouvent… Mais j’ai perdu mon amant, le seul véritable compagnon que m’ait jamais donné l’éternité, le temps et le chant du sang l’a brisé.
Je ne peux me résoudre à le tuer, à capturer son âme en moi, et pourtant c’est sans doute la seule chose à faire.
J’ai l’impression de le trahir, mais quelle alternative me reste-t-il ?
Je n’ai pas besoin de lui demander, je sais exactement ce qu’il lui est arrivé.
On ne survit pas au meurtre de son amour.

Lui et moi sillonnons le monde à la recherche de distractions, parfois nous nous mêlons aux humains, nous nous attachons, nous restons quelques temps avant de nous fondre dans les ombres (ils ne doivent pas savoir, ils ne doivent pas comprendre).
Il s’est juste laissé approché d’un peu trop prêt, il s’est juste laissé submergé par le chant d’un cœur qui bat et un jour, alors même qu’il aimait, il a planté les crocs dans sa gorge, la malheureuse gît au creux d’un fossé.
Au revoir mon bel amour, adieu ma déchirure, celui qui m’a permis d’affronter l’éternité, je vais à présent m’endormir et Dieu sait lorsque je rouvrirai les yeux.
Mais je mens. Jamais je n’aurai été ainsi si je n’avais pas craint de mourir, si je n’avais pas été prête à tout plutôt que la mort.

 

Mercredi 7 janvier 2009 à 14:15

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Elle s’affalait sur le fauteuil, une jambe sur l’accoudoir. Très vulgaire. Et très inconnu pour quelqu’un occupant actuellement mon fauteuil dans ma maison. Elle m’adressa un sourire acéré tandis que je la toisais.
- Marta m’a laissée entrer. M’a-t-elle dévoilé, en désignant mon épouse qui s’affairait dans la cuisine d’un signe de tête.
- Au fait Marta, je dîne dehors ce soir ! Me fais rien, merci.
Elle s’adressait à mon épouse avec la plus grande familiarité, or je ne l’avais jamais vue ni ne pensais ne jamais en avoir entendu parler, en vingt ans de mariage. Cette jeune fille était vraisemblablement un OVNI.
Je me glissais dans la cuisine et demandais à ma femme tout bas qui était cette étrange jeune fille qui me fixait de ses prunelles de braises teintées d’amusement.
- Mais si chéri, tu sais bien, c’est l’amie de la fille de… Tu l’as rencontrée au mariage de.. Et ma femme m’adressa un grand discours sans queue ni tête.
Sentant un regard posé sur moi, je me retournai et vis l’étrangère me regardant d’un air moqueur.
- ça n’a aucun sens, ce qu’elle raconte, n’est-ce pas ?
Elle passa la langue sur ses dents.
Ma femme continuait à arguer en moulinant dans le vide, bien que je lui tourne le dos et parle avec l’intruse. Surprenant mon regard en biais, la jeune fille précisa
- Elle n’est pas prête de s’interrompre. Elle éprouve un besoin irrépressible de vous raconter son baratin incohérent, que vous l’écoutiez ou non. Mais pas de panique, le dîner sera prêt à temps.
- Qui êtes-vous ?
C’était une entrée en matière comme les autres.
- Vous n’avez qu’à m’appeler Lucy, répondit-elle en me tendant sa main pleine d’ongles taillés comme des griffes.
Il y avait quelque chose dans son sourire que je ne cernais pas.
- Vous fumez ? me demanda-t-elle en me tendant un paquet à demi-entamé.
- Non merci, j’ai arrêté. Trop mauvais pour la santé.
- Eh bien moi, ça me maintient en vie ! rétorqua-t-elle avant d’éclater d’un rire exhalant un nuage de fumée.
Marta, d’ordinaire si à cheval sur le fait que PAS DE CANCER DANS SA MAISON, ne sourcilla pas.
Comme si elle devinait mes pensées, la dérangeante ajouta :
- Vous n’avez pas à vous en faire pour ça. Je l’ai ensorcelée. Ce qui eut l’air de la faire rire de plus belle.
- Vous avez le droit de comprendre ce qui vous arrive alors je vais vous expliquer. Passons dans le salon, Marta ne devrait pas tarder à se taire.
J’ai à passer quelques jours en ville, et je me trouve donc dans l’obligation de trouver un endroit pour dormir. Je n’aime pas les hôtels et je n’aime pas tuer les habitants pour loger chez eux, je trouve ça indécent. J’ai donc ensorcelée votre femme pour qu’elle croie que nous sommes de vieilles connaissances. Ne vous inquiétez pas, ça n’a aucun effet secondaire. Et bien que vous ne me croyiez pas, inutile d’essaye de tout raconter à votre femme. La plupart des sortilèges de ce genre sont compliqués, plein de détails à faire ingurgiter à la victime pour que ça ait l’air cohérent… Du coup, il suffit de faire prendre conscience à la victime qu’elle a été enchantée et le sortilège se dissipe. Moi, le mien ne tient pas debout, mais l’entendement est son point fort. Plus vous répéterez à votre femme qu’elle a été enchantée par un méchant vampire, plus elle croira que vous avez perdu la raison. Plutôt cocasse non ? Bien sûr vous ne vous souviendrez de rien lorsque je partirai, d’ailleurs vous n’en aurez pas envie, croyez-moi. Pas de séquelles, pas de cadavres dans le jardin. Comme si je n’avais jamais été là.
Vous vous demandez pourquoi votre femme et pas vous aussi ? Voyez-vous, je n’ai jamais aimé les interdits. Alors lorsqu’on me dit de ne pas jouer avec la nourriture…
Et encore ce sourire plein de crocs.
- Bien sûr votre cerveau refuse d’y croire. Vous vous rendrez compte que c’est la seule explication rationnelle, si j’ose dire. Bon, je sors dîner. J’ai une faim de chauve-souris.
En un coup de vent, elle n’était plus là. La maison sentait bon la soupe. Elle avait laissé quelques gouttes de sang sur MON fauteuil.

Samedi 3 janvier 2009 à 13:06

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Je sais ce qu’elle ressent, je sais qu’elle veut partir, courir toujours droit devant elle jusqu’à se laisser emporter par la neige. Je le sais cependant que je plante mes dents dans son cou.
Ma vengeance, ma tendre vengeance, qui se prélassait en attendant son heure jaillit enfin de mes mâchoires.
Je sens sa vie, son sang couler dans ma gorge. Je lui avais dit que je serai prête à tout pour elle, je ne suis pas une parjure, contrairement à elle, je sens l’acide de sa trahison se rependre dans mes veines brûlantes.
Celui qui a dit que la vengeance est un plat qui se mange froid ne doit pas être familier des vampires, il est tellement plus agréable de sentir la proie s’éteindre entre ses bras, comme une liaison tragique.
Je lui avais dit que rien ne nous séparerait jamais, nous aurions pu être unies par la vie nous voilà unies par la mort : la sienne et celle de mes cellules.
Ceux qui croient les vampires éternels n’ont pas dû comprendre que ce n’est qu’un sursis, un moyen de tenir artificiellement ses cellules en l’état jusqu’à devenir poussière pour de bon.
Gorgée de son sang de traitresse je suis invincible.
J’entends son cœur qui bat encore un peu, j’espère qu’elle souffre le martyr.
Je ne suis pas capable de pitié, je ne suis pas miséricordieuse. Je ne suis qu’un monstre comme les autres.
Tandis qu’elle meurt je lui chuchote à l’oreille les mots qui font mal, je sais que malgré les années elle ne l’a pas oublié, et moi non plus.
Je sais que je peux la faire mourir de douleur, je sais qu’à cet instant précis elle est totalement désespérée.
Alors je la laisse étendue dans la neige, à mourir de froid et de bien d’autres tourments. J’entends son âme s’envoler et je rie doucement en courant à travers la tempête.

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