Jamais le professeur n'est aussi infect que juste avant la rentrée. Au paroxysme du stress (il faut dire qu'il n'a pas commencé à préparer ses cours), il a mangé du lion. Autant vous dire que les fourmis ne font pas le poids.
Inquiet de ses avantages comme jamais, il demande à plusieurs reprises si les tarifs en magasin sont les mêmes que dans le catalogue (non non, c'est plus cher SANS les frais de port) ou si les remises annoncées ont bien été appliquées (parce que les fourmis sont des êtres pervers qui délibérément ne font pas la réduction de 5% dans le seul but de faire souffrir tout le monde).
La rentrée semble également affecter leur capacité d'attention. Ils prennent un malin plaisir à ne pas répondre aux questions.
"- Vous faites les offres ?
- Quelles offres ?
- Les offres sur la collection Parcours.
- De quelles offres parlez-vous ?
- Les offres sur le manuel et le fichier pédagogique.
- Mais je ne vois pas de quelles offres vous parlez..."
ou encore
"- Vous avez les livres du professeur ?
- Dans quelle matière ?
- 4ème."
Parfois, ça vire carrément au Kamoulox.
"- On a pas reçu les anabrevet en spécimen, on peut les avoir ici ?
- Non, mais je peux vous les vendre à un tarif forfaitaire de 5 euros... Ah, attendez, je ne suis pas sûre qu'ils soient déjà paru, c'est pour ça qu'on ne les a pas envoyé.
- Vous pouvez faire en sorte qu'on m'en envoie un ?
- Je suis désolée Madame, mais ici c'est un magasin, on ne peut pas gérer l'envoi de spécimens...
- C'est pour ça que vous ne l'offrez pas ?
- On a jamais fait de spécimens sur les anabrevets au magasin Madame...
- Ah ce n'est plus un espace enseignant, les prof ne viennent plus ici ?"
Les fourmis s'interrogent encore sur le rapport avec la choucroute.
Plus que jamais, le professeur est bavard. Comme le dit si bien un personnage de Tru Blood : "Je ne sais pas pourquoi les gens se sentent obligés de me raconter leurs problèmes. Peut-être que je suis trop souriante, peut-être que je porte trop de rose.". Peut-être que les fourmis devraient être infectes, pour se dépolluer les oreilles. C'est une constante chez les enseignants : ils semblent croire que s'ils expliquent les détails de leurs petits problèmes, le service n'en sera que meilleur.
Typique :
"- Cette dame vient chercher des guides pédagogiques pour une amie enseignante...
- C'est ma tante..."
Ca change tout !
Tel le prédateur, à l'approche de la rentrée, le professeur prend ses aises. Sûr de son pouvoir en tant que roi des animaux, il se met en travers du passage sans vergogne. Voir les gens faire un détour à cause d'eux ou sentir des secousses dans leur chaise parce que des vendeurs voire d'autres clients sont obligés de se faufiler derrière leur imposante personne ne leur donne pas l'idée de se rapprocher un peu de la table. On apprécie l'exquise civilité du professeur, toujours attentif à autrui.
La rentrée semble avoir un effet sur le métabolisme (carrément) du professeur : il passe en mode berserk dès qu'il est question de gratuité.
"- Je veux tout gratuit.
- On peut pas.
- Bon alors celui-là donnez-le moi.
- Désolée, ce n'est pas possible.
- Mais si, vous me le donnez maintenant et je reviens la semaine prochaine avec la liste qui prouvera que vous pouvez me le donner [saurez-vous trouver ce qui cloche dans cette phrase ?]
- Non, ça ne marche pas comme ça désolée...
- Je le veux gratuit tout de suite ! Je veux parler à votre supérieur !" (la fourmi n'est pas une proie digne du lion).
Pour le professeur, il n'y a que deux types de personnes dans les librairies : ceux qui font les politiques de vente et ceux qui les appliquent (catégorie exclusivement réservée aux fourmis). Je suis sûre que le PDG sera ravi de vous consacrer une demi-heure pour discuter de son idée complètement étrange de faire payer les clients).
En mode berserk, il se sent invincible, il se sent tout permis : "j'exige la gratuité totale" (par opposition à la gratuité partielle "un acheté, un offert" ?).
Parfois, ils tentent la négociation, cherchant par exemple à acheter un élément d’un pack. Bémol : on va pas dépecer un exemplaire pour lui ni déplumer la démonstration pour ses beaux yeux, d’autant que le prix pour cet élément seul n’existe. Dilemme du prof qui cogite une demi-heure et insiste (à plusieures reprises) auprès des fourmis pour qu’elles lui vendent l’élément seul (et elles lui expliquent dix fois pourquoi c’est pas possible), parce qu’il est TELLEMENT BIEN, et TELLEMENT PRATIQUE… Dois-je préciser qu’il aurait pu se le procurer avec le pack complet pour le prix extravagant de… quatre euros ?
Le mode berserk semble donc limiter leurs capacités cognitives. Exemple de question tout à fait opportune : " Vous travaillez ici ?". Pas du tout, je vous avouerai que j'aime sortir des livres des cartons et les balader sous le bras sans savoir où les ranger, je trouve ça très seyant.
Parallèlement, leurs hormones sont au maximum. Les vieilles dames n'hésitent pas à faire des remarques d'une finesse et d'un à-propos renversant : "vous avez un joli décolleté" (pourquoi pas "vous avez des cuisses très fines" ou "une chute de reins très racée") et les hommes dans la fleur de l'âge font des compliments spontanés et sincères comme "vous êtes une princesse".
Leurs hormones sont tellement au max qu’une simple sortie chez le libraire devient un terrain de chasse. Prenons l’exemple d’une jeune prof qui vient chercher ses manuels scolaires (pour sa dignité, nous ne citerons pas son nom mais le cœur y est). Après avoir fait ses emplettes et s’être fait expliquer comment aller chez un autre libraire, elle est sur le départ, quand soudain, un prof jeune et séduisant débarque dans la boutique. Tout de suite, elle semble un peu moins pressée, elle s’accoude innocemment au comptoir genre « ce que vous explique la fourmi m’intéresse infiniment ». Les explications finies, le jeune prof tombe entre les pattes de la mante : « Vous êtes un nouveau prof vous aussi ? Vous êtes prof de quoi ? ». Quand elle apprend qu’il enseigne la même matière qu’elle, elle roule des yeux en lui demandant « quel niveau ? » avec ce ton un peu pressant qu’on prend pour signifier l’excitation qui nous gagne devant les coïncidences incroyables, genre « MAIS SI CA SE TROUVE, ON A LES MÊMES NIVEAUX !!! Mon Dieu ce serait tellement fou et improbable ! ». Malheureusement ce n’est pas le cas mais le ton devient plus frénétique encore quand elle demande dans quel collège il a été affecté, l’idée qu’ils sont peut-être dans le même manque de la faire défaillir. Là encore, c’est raté, mais ils ressortent du magasin ensemble. C’est beau l’amour.
Ils peuvent aussi sortir des âneries, comme « je n’ai pas mon adresse mail sur moi » preuve de leur grande familiarité avec la Toile. Et quand on leur demande leur adresse postale, ils sortent un bout de brique issu de leur mur ?
Ils adoptent même parfois un costume berserk signalant cet état particulier, en abordant des signes distinctifs de mauvais goût, comme un palmier de cheveux au sommet du crâne ou un costume africain jaune poussin surmonté de symboles religieux. Notre préféré, une créature toute droit sortie des enfers : une professeur pas toute jeune (en témoignent les rides sur sa peau), bronzée au fond de teint (donc dans les tons oranges), un des sourcils est surmonté d'un piercing, soulignant avec finesse son maquillage : un fard blanc sur l'ensemble de la paupière supérieure, surmontée par une tâche noire entre le prolongement du sourcil et le coin externe de l'oeil (judicieux rappel de sa robe et de ses boucles d'oreilles blanches à pois noirs).
Le professeur berserk est prêt à tenir n’importe qui responsable de ses déconvenues : par exemple, il n’hésite pas à incendier la fourmi parce que lorsque le prof a appellé, « ON » lui a prétendu que le guide pédagogique était disponible ou que le magasin était ouvert le lundi 16 août. Quand on lui explique que ce n’est pas le magasin qui reçoit les appels, il se déconfit, faute de trouver une victime à houspiller. C’est fou quand même, ce central téléphonique farceur qui donne de mauvaises infos. Au fond, même les maisons d’édition ont le sens de l’humour.
Par ailleurs, le professeur berserk perd toute notion du temps. Par exemple, ils arrivent en fin de journée (le plus tard possible), et quand on leur dit "on va fermer" ou mieux "on ferme", ils n'entendent pas "vite ! vite ! J’attrape les manuels dont j'ai besoin et je caracole à la caisse !" mais "cool ! Je peux me poser et passer trois plombes à me promener dans les rayons et à poser des questions !". En plus, ce ne sont jamais des clients qu'il suffit d'encaisser, ils exigent toujuours un procédé long et douloureux qui implique de répondre à des questions sur les différentes collections, l'absence de carte d'enseignant ou la mise en place d'un échange de livres.
Et comme tout vient à point à qui sait attendre, rentrée + fin de journée donnent le même résultat que dans les jeux vidéos : le boss final, c'est-à-dire le professeur tellement barré qu'il en est flippant, le cauchemar de la fourmi.
Le type qui arrive en caisse 10 minutes après la fermeture, une pile de guides pédagogiques sous le bras.
La fourmi lui demande :
"- Vous êtes enseignant ?
- Non."
Vaguement ennuyée, la fourmi lui explique qu'elle ne peut pas vendre ces livres aux non-enseignants. Il rétorque "Alors je suis enseignant", crédibilité au maximum.
La fourmi demande donc à voir la carte de l'enseignant, minimum vital pour prouver ses allégations. L'homme finit par obtempérer (en quelques sortes), brandissant de loin sa carte pendant quelques secondes avant de l'escamoter, en ajoutant quelque chose comme "hop ! Voilà, vous l'avez vuuuu !". Quel humour.
La fourmi prend alors la peine de lui faire remarquer avec patience "il faut que je vois votre nom pour pouvoir vous inscrire".
Pour gagner son combat contre la fourmi (c'est-à-dire la faire craquer à force de bizarreries et de propension à être agaçant), il passe du mode "école du rire" au mode "enfant de cinq ans" dans sa période "pourquoi ?".
Il demande donc :
"- Pourquoi il faut s'inscrire ?
- Pour qu'on puisse vous vendre les livres du prof.
- Pourquoi ?
- Pour vous appliquer des tarifs préférentiels.
- Pourquoi ?
- Pour que vous payiez moins cher.
- Pourquoi ?
- C'est pour l'information du magasin.
- Pourquoi ?..."
Vous avez dit contrariant ?
Après cinq minutes d'explications en boucle, l'information finit par atteindre le cerveau. Il laisse avec une répugnance visible sa carte entre les pattes de la fourmi. Le pire, c’est qu’il était déjà venu, il aurait suffit qu’il dise son nom…
Voyant que cette tactique a échoué, il se rabat sur une autre technique de combat : il agresse la fourmi.
« - Et si ma femme veut acheter des guides pédagogiques ?
- Elle doit venir en votre nom, avec votre carte par exemple.
- Mais si je vais chez Gibert ?
- Nous ne sommes pas responsables de la politique commerciale de Gibert.
- Mais si je veux faire travailler mon enfant ? »
C’est PRECISEMENT la raison pour laquelle on ne les vend qu’aux enseignants…
Et là, head shot de la fourmi : « le guide de l’enseignant, comme son nom l’indique, est destiné aux enseignants. »
Vaincu, il tente un « de toute façon, les exercices de primaire, ça va pas très loin » mais le cœur n’y est pas (d’autant qu’il s’auto-contredit : si c’est si facile à corriger, pas besoin d’un guide de l’enseignant).
Vivement l'année prochaine !
Inquiet de ses avantages comme jamais, il demande à plusieurs reprises si les tarifs en magasin sont les mêmes que dans le catalogue (non non, c'est plus cher SANS les frais de port) ou si les remises annoncées ont bien été appliquées (parce que les fourmis sont des êtres pervers qui délibérément ne font pas la réduction de 5% dans le seul but de faire souffrir tout le monde).
La rentrée semble également affecter leur capacité d'attention. Ils prennent un malin plaisir à ne pas répondre aux questions.
"- Vous faites les offres ?
- Quelles offres ?
- Les offres sur la collection Parcours.
- De quelles offres parlez-vous ?
- Les offres sur le manuel et le fichier pédagogique.
- Mais je ne vois pas de quelles offres vous parlez..."
ou encore
"- Vous avez les livres du professeur ?
- Dans quelle matière ?
- 4ème."
Parfois, ça vire carrément au Kamoulox.
"- On a pas reçu les anabrevet en spécimen, on peut les avoir ici ?
- Non, mais je peux vous les vendre à un tarif forfaitaire de 5 euros... Ah, attendez, je ne suis pas sûre qu'ils soient déjà paru, c'est pour ça qu'on ne les a pas envoyé.
- Vous pouvez faire en sorte qu'on m'en envoie un ?
- Je suis désolée Madame, mais ici c'est un magasin, on ne peut pas gérer l'envoi de spécimens...
- C'est pour ça que vous ne l'offrez pas ?
- On a jamais fait de spécimens sur les anabrevets au magasin Madame...
- Ah ce n'est plus un espace enseignant, les prof ne viennent plus ici ?"
Les fourmis s'interrogent encore sur le rapport avec la choucroute.
Plus que jamais, le professeur est bavard. Comme le dit si bien un personnage de Tru Blood : "Je ne sais pas pourquoi les gens se sentent obligés de me raconter leurs problèmes. Peut-être que je suis trop souriante, peut-être que je porte trop de rose.". Peut-être que les fourmis devraient être infectes, pour se dépolluer les oreilles. C'est une constante chez les enseignants : ils semblent croire que s'ils expliquent les détails de leurs petits problèmes, le service n'en sera que meilleur.
Typique :
"- Cette dame vient chercher des guides pédagogiques pour une amie enseignante...
- C'est ma tante..."
Ca change tout !
Tel le prédateur, à l'approche de la rentrée, le professeur prend ses aises. Sûr de son pouvoir en tant que roi des animaux, il se met en travers du passage sans vergogne. Voir les gens faire un détour à cause d'eux ou sentir des secousses dans leur chaise parce que des vendeurs voire d'autres clients sont obligés de se faufiler derrière leur imposante personne ne leur donne pas l'idée de se rapprocher un peu de la table. On apprécie l'exquise civilité du professeur, toujours attentif à autrui.
La rentrée semble avoir un effet sur le métabolisme (carrément) du professeur : il passe en mode berserk dès qu'il est question de gratuité.
"- Je veux tout gratuit.
- On peut pas.
- Bon alors celui-là donnez-le moi.
- Désolée, ce n'est pas possible.
- Mais si, vous me le donnez maintenant et je reviens la semaine prochaine avec la liste qui prouvera que vous pouvez me le donner [saurez-vous trouver ce qui cloche dans cette phrase ?]
- Non, ça ne marche pas comme ça désolée...
- Je le veux gratuit tout de suite ! Je veux parler à votre supérieur !" (la fourmi n'est pas une proie digne du lion).
Pour le professeur, il n'y a que deux types de personnes dans les librairies : ceux qui font les politiques de vente et ceux qui les appliquent (catégorie exclusivement réservée aux fourmis). Je suis sûre que le PDG sera ravi de vous consacrer une demi-heure pour discuter de son idée complètement étrange de faire payer les clients).
En mode berserk, il se sent invincible, il se sent tout permis : "j'exige la gratuité totale" (par opposition à la gratuité partielle "un acheté, un offert" ?).
Parfois, ils tentent la négociation, cherchant par exemple à acheter un élément d’un pack. Bémol : on va pas dépecer un exemplaire pour lui ni déplumer la démonstration pour ses beaux yeux, d’autant que le prix pour cet élément seul n’existe. Dilemme du prof qui cogite une demi-heure et insiste (à plusieures reprises) auprès des fourmis pour qu’elles lui vendent l’élément seul (et elles lui expliquent dix fois pourquoi c’est pas possible), parce qu’il est TELLEMENT BIEN, et TELLEMENT PRATIQUE… Dois-je préciser qu’il aurait pu se le procurer avec le pack complet pour le prix extravagant de… quatre euros ?
Le mode berserk semble donc limiter leurs capacités cognitives. Exemple de question tout à fait opportune : " Vous travaillez ici ?". Pas du tout, je vous avouerai que j'aime sortir des livres des cartons et les balader sous le bras sans savoir où les ranger, je trouve ça très seyant.
Parallèlement, leurs hormones sont au maximum. Les vieilles dames n'hésitent pas à faire des remarques d'une finesse et d'un à-propos renversant : "vous avez un joli décolleté" (pourquoi pas "vous avez des cuisses très fines" ou "une chute de reins très racée") et les hommes dans la fleur de l'âge font des compliments spontanés et sincères comme "vous êtes une princesse".
Leurs hormones sont tellement au max qu’une simple sortie chez le libraire devient un terrain de chasse. Prenons l’exemple d’une jeune prof qui vient chercher ses manuels scolaires (pour sa dignité, nous ne citerons pas son nom mais le cœur y est). Après avoir fait ses emplettes et s’être fait expliquer comment aller chez un autre libraire, elle est sur le départ, quand soudain, un prof jeune et séduisant débarque dans la boutique. Tout de suite, elle semble un peu moins pressée, elle s’accoude innocemment au comptoir genre « ce que vous explique la fourmi m’intéresse infiniment ». Les explications finies, le jeune prof tombe entre les pattes de la mante : « Vous êtes un nouveau prof vous aussi ? Vous êtes prof de quoi ? ». Quand elle apprend qu’il enseigne la même matière qu’elle, elle roule des yeux en lui demandant « quel niveau ? » avec ce ton un peu pressant qu’on prend pour signifier l’excitation qui nous gagne devant les coïncidences incroyables, genre « MAIS SI CA SE TROUVE, ON A LES MÊMES NIVEAUX !!! Mon Dieu ce serait tellement fou et improbable ! ». Malheureusement ce n’est pas le cas mais le ton devient plus frénétique encore quand elle demande dans quel collège il a été affecté, l’idée qu’ils sont peut-être dans le même manque de la faire défaillir. Là encore, c’est raté, mais ils ressortent du magasin ensemble. C’est beau l’amour.
Ils peuvent aussi sortir des âneries, comme « je n’ai pas mon adresse mail sur moi » preuve de leur grande familiarité avec la Toile. Et quand on leur demande leur adresse postale, ils sortent un bout de brique issu de leur mur ?
Ils adoptent même parfois un costume berserk signalant cet état particulier, en abordant des signes distinctifs de mauvais goût, comme un palmier de cheveux au sommet du crâne ou un costume africain jaune poussin surmonté de symboles religieux. Notre préféré, une créature toute droit sortie des enfers : une professeur pas toute jeune (en témoignent les rides sur sa peau), bronzée au fond de teint (donc dans les tons oranges), un des sourcils est surmonté d'un piercing, soulignant avec finesse son maquillage : un fard blanc sur l'ensemble de la paupière supérieure, surmontée par une tâche noire entre le prolongement du sourcil et le coin externe de l'oeil (judicieux rappel de sa robe et de ses boucles d'oreilles blanches à pois noirs).
Le professeur berserk est prêt à tenir n’importe qui responsable de ses déconvenues : par exemple, il n’hésite pas à incendier la fourmi parce que lorsque le prof a appellé, « ON » lui a prétendu que le guide pédagogique était disponible ou que le magasin était ouvert le lundi 16 août. Quand on lui explique que ce n’est pas le magasin qui reçoit les appels, il se déconfit, faute de trouver une victime à houspiller. C’est fou quand même, ce central téléphonique farceur qui donne de mauvaises infos. Au fond, même les maisons d’édition ont le sens de l’humour.
Par ailleurs, le professeur berserk perd toute notion du temps. Par exemple, ils arrivent en fin de journée (le plus tard possible), et quand on leur dit "on va fermer" ou mieux "on ferme", ils n'entendent pas "vite ! vite ! J’attrape les manuels dont j'ai besoin et je caracole à la caisse !" mais "cool ! Je peux me poser et passer trois plombes à me promener dans les rayons et à poser des questions !". En plus, ce ne sont jamais des clients qu'il suffit d'encaisser, ils exigent toujuours un procédé long et douloureux qui implique de répondre à des questions sur les différentes collections, l'absence de carte d'enseignant ou la mise en place d'un échange de livres.
Et comme tout vient à point à qui sait attendre, rentrée + fin de journée donnent le même résultat que dans les jeux vidéos : le boss final, c'est-à-dire le professeur tellement barré qu'il en est flippant, le cauchemar de la fourmi.
Le type qui arrive en caisse 10 minutes après la fermeture, une pile de guides pédagogiques sous le bras.
La fourmi lui demande :
"- Vous êtes enseignant ?
- Non."
Vaguement ennuyée, la fourmi lui explique qu'elle ne peut pas vendre ces livres aux non-enseignants. Il rétorque "Alors je suis enseignant", crédibilité au maximum.
La fourmi demande donc à voir la carte de l'enseignant, minimum vital pour prouver ses allégations. L'homme finit par obtempérer (en quelques sortes), brandissant de loin sa carte pendant quelques secondes avant de l'escamoter, en ajoutant quelque chose comme "hop ! Voilà, vous l'avez vuuuu !". Quel humour.
La fourmi prend alors la peine de lui faire remarquer avec patience "il faut que je vois votre nom pour pouvoir vous inscrire".
Pour gagner son combat contre la fourmi (c'est-à-dire la faire craquer à force de bizarreries et de propension à être agaçant), il passe du mode "école du rire" au mode "enfant de cinq ans" dans sa période "pourquoi ?".
Il demande donc :
"- Pourquoi il faut s'inscrire ?
- Pour qu'on puisse vous vendre les livres du prof.
- Pourquoi ?
- Pour vous appliquer des tarifs préférentiels.
- Pourquoi ?
- Pour que vous payiez moins cher.
- Pourquoi ?
- C'est pour l'information du magasin.
- Pourquoi ?..."
Vous avez dit contrariant ?
Après cinq minutes d'explications en boucle, l'information finit par atteindre le cerveau. Il laisse avec une répugnance visible sa carte entre les pattes de la fourmi. Le pire, c’est qu’il était déjà venu, il aurait suffit qu’il dise son nom…
Voyant que cette tactique a échoué, il se rabat sur une autre technique de combat : il agresse la fourmi.
« - Et si ma femme veut acheter des guides pédagogiques ?
- Elle doit venir en votre nom, avec votre carte par exemple.
- Mais si je vais chez Gibert ?
- Nous ne sommes pas responsables de la politique commerciale de Gibert.
- Mais si je veux faire travailler mon enfant ? »
C’est PRECISEMENT la raison pour laquelle on ne les vend qu’aux enseignants…
Et là, head shot de la fourmi : « le guide de l’enseignant, comme son nom l’indique, est destiné aux enseignants. »
Vaincu, il tente un « de toute façon, les exercices de primaire, ça va pas très loin » mais le cœur n’y est pas (d’autant qu’il s’auto-contredit : si c’est si facile à corriger, pas besoin d’un guide de l’enseignant).
Vivement l'année prochaine !