Elle tirait les cartes au bord d’un feu de bois et de quiétude. La pièce était jonchée de babioles pittoresques et hétéroclites, comme les trophées extirpés de mille voyages, comme le signe d’une vie spirituelle bouillonnante. La propriétaire de cette ruine bancale ne pouvait être qu’exceptionnelle ; de ces êtres à part, intensément humains, qu’on brûle de rencontrer dans l’espoir d’être touchés par leur grâce incandescente ; sans jamais songer à ce qu’on pourrait leur apporter en retour. Comme si leur bonté, leur amour palpable et leur sagesse les arrachaient à ces calculs tellement humains, faits de désirs, d’attentes, de passions.
Les pièces de sa maison étaient peuplés d’objets inutiles et chargé d’une âme, arrangées façon baroque et gitane, comme saturées au hasard et pourtant cette bicoque à la façade salamandrée respirait d’énergie.
Elle tirait les cartes, éclairée à la lueur seule du feu et d’une lampe à l’ancienne, il faisait nuit depuis si longtemps que j’avais perdu le compte des heures. Elle répugnait à se servir de l’électricité, lui préférant la chaleur sensuelle de la flamme.
Elle tirait les cartes et tout était si calme, une harmonie de cristal résonnait dans les pièces silencieuses et pourtant il était temps de partir, son corps vibrait d’une injonction silencieuse et pourtant je ne pouvais m‘arracher à ce fauteuil élimé et douillet, à la moiteur de l’atmosphère qui régnait dans cette demeure, elle en était la reine de Sabbat.
La porte s’ouvrit comme une invitation et je pris congé, happé par les nimbes ténébreuses du corridor.