Avec elle, tout semblait plus facile. Je n’avais pas à être malade, je n’étais plus cette chose fragile que mes proches s’efforçaient de préserver. Elle ne voulait jamais en parler, elle s’efforçait juste de faire attention, je suppose, en prenant soin de ne jamais fumer en ma présence ou en augmentant le thermostat des radiateurs. Parfois, ça me rendait triste, parce qu’il y avait tout ce pan de ma vie, plein d’aiguilles et de médecins, qu’elle ne semblait ne pas voir, qu’elle refusait de voir. Je crois qu’elle voulait que je me sente normal. Et la plupart du temps, ça marchait. Mais parfois, j’avais l’impression qu’elle ne me voyait pas du tout.
Elle m’avait prévenue qu’elle ne serait jamais tout à moi, qu’il y a avait ce travail qui comptait beaucoup pour elle. Je voulais qu’elle me voit, moi.
Alors un jour, je ne sais pas pourquoi celui-là plutôt qu’un autre, j’ai essayé de mobiliser son attention. Voir si j’étais toujours sa priorité. Si elle m’aimait toujours ou si je n’étais qu’un animal familier un peu encombrant auquel elle s’était accoutumée. J’étais heureux qu’elle me traite comme un homme alors j’ai simulé la faiblesse pour qu’elle me materne, je faisais des caprices et des chatteries.
Elle n’était pas du genre à se faire avoir : elle a marché une fois, deux fois, et puis elle a dit « la prochaine fois, appelle ta mère, moi je ne marche plus ». Bien sûr, je pensais qu’elle continuerait à voler à mon secours. C’est pour ça que les couples sont faits, non ?
Je l’ai réveillée en pleine nuit, haletant, je lui ai demandé un comprimé quelconque qui devait être dans la l’armoire à pharmacie, comme si j’étais trop faible pour ramper jusque-là.
Elle s’est levé et a mis le téléphone dans mes mains, avant de fourrer quelques affaires dans un sac, je l’ai vue sortir de la chambre sans comprendre. Ce n’est qu’en entendant le ronron de son scooter que j’ai compris qu’elle s’en allait mais il était trop tard pour la retenir. Je pensais qu’elle avait juste besoin de manifester son indépendance, un dossier à boucler à son travail et elle reviendrait. Trois semaines plus tard, elle ne répondait toujours pas au téléphone.
Peu après, j’ai eu une crise et j’ai passé quelques jours à l’hôpital, en observation. A mon réveil, elle était là, tout simplement, sur un fauteuil à côté du lit. Elle n’avait jamais voulu m’accompagner.
Devant mon air surpris, elle a levé les sourcils d’un air dépité. « Tu as vraiment cru que je te laisserai tomber ? » m’a-t-elle demandé.
J’aurai dû me rappeler qu’elle déteste qu’on touche à son sommeil, asphyxie ou pas.