Tout était changé.
Car, enfin, j'avais une raison de m'extirper de la quiétude des draps au réveil, ce ne serait ce que lui dire bonjour, échanger avec elle quelques mots…
Je me souviens que toute la faculté avait les yeux rivés sur nous, et que pour la première fois, le regard des autres ne m'inspirait qu'une indifférence sans borne.
Vous devez savoir que, comme tant d'autres, je m‘étais inscrite à la faculté plus pour rassurer mes parents que par réelle vocation.
Je n'avais aucun but, aucune passion, aucune envie.
Je me traînais comme une méduse échouée sur le sable est ballottée par le ressac, avance et recule selon le flux ou le reflux, sans jamais chercher à regagner les grands fonds. C'était pathétique.
Veronika… Elle m'a apporté sa joie de vivre. Son rire contagieux, sa passion pour le cinéma & son sens de l'équité.
Elle m'a fait rencontrer des gens passionnants, qui ont l'assurance d'être eux-mêmes.
Elle m'a apporté le goût du café crème, celui qu'on déguste dans un petit café ancien au détour d'une ruelle, et l'odeur des livres anciens qu'on feuillette, sans jamais les lire vraiment, avec vénération.
Elle m'a insufflé le courage de prendre la parole en public, d'arrêter ces cours qui ne m'apportaient rien pour réfléchir à ce que je voulais vraiment.
Elle m'a traînée de réunions d'Amnesty International en colloques WWF, jusqu'à ce que je découvre à quel point l'injustice me révoltait et que je m'inscrive dans un cursus de droit.
Je me souviens encore, que lorsque j'ai annoncé cette décision à Veronika, elle avait accueilli la nouvelle avec un petit sourire, et surtout, surtout, je me rappelle avoir été blessée par sa réaction, puisque cette réorientation était synonyme de séparation (notre faculté n'offrant pas cette filière), et que cela ne semblait pas l'inquiéter outre mesure.