Samedi 31 juillet 2010 à 11:49

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6h du mat et dans le lit un homme qui n’est pas le mien. Je ne suis même pas chez moi, je ne sais pas où je suis. Et puis ça me revient, ça revient toujours. Chagrin d’amour. Sur la table de nuit un verre souvenir d’une parodie, c’est étrange comme la soif s’étanche  en montant les marches de l’escalier. Je le vide d’un trait. Comme ça on est deux. A être vides.
J’aime pas les histoires d’amour. Ça finit toujours en boucherie. On prend le temps de se creuser une place dans ses habitudes, dans le cœur de quelqu’un et un jour il n’y a plus de place. Peut-on quitter quelqu’un sans le briser ?

Je vais à la voiture, je ne sais plus très bien les vêtements que je porte, je ne dois pas être maquillée. J’ai enlevé le porte-clefs qu’on m’avait offert, ça laisse un vide sur le trousseau. Il manque quelque chose.

Je roule doucement mais il n’y a personne. Perdre son amour, c’est une plaie à vif. C’est une idée qui vous mord et qui ne vous quitte plus, vous essayez d’imaginer votre vie en négatif, sans tout ce que vous aviez construit. Soudain vous avez envie de faire semblant. Mais vous avez commencé à réfléchir, alors il est trop tard.

Sans m’en rendre compte, j’ai roulé jusque sous ses fenêtres, question d’habitude. Il ne doit pas être levé encore, aucune lumière ne filtre de ses volets. Il faut que je parte, avant qu’il ne reconnaisse ma voiture.
Partir, c’est ôter un masque, on le fiche dans le cœur de l’autre comme une dague en plein cœur ; on se prend quelques éclats. Mais quoi de plus important que son petit plaisir personnel, quoi de mieux que de tout détruire parce que quelque chose s’est brisé ?
Partir ou rester.

Je vais au boulot un peu en avance, de toute façon je n’ai pas faim et je... Il ne faut pas que j’y pense. Il ne faut pas que j’y pense sinon ça va prendre toute la place, ça remplira tout le vide. Trop tard. J’ai le chagrin d’amour. Je m’en veux, parce que je n’ai pas réussi à faire semblant assez fort, parce que je n’ai pas fait notre bonheur.
J’ai FAILLI et encore un cadavre. Que ne pouvais-je avoir deux vies, une pour l’amour et une pour l’harmonie, une pour mon bonheur et une pour le sien. Mais il faut bien choisir qui anéantir. Alors on poignarde l’autre, pour ne plus avoir à souffrir. Quitte à avoir le cœur soufflé dans la déflagration. Alors j’essaye de penser à mon travail. Mais il manque quelque chose.

Impossible de me concentrer. Les chagrins d’amour. On sait ce qu’on perd et pourtant on ne peut se résoudre à le garder. C’est ma faute.
Je devrai peut-être l’appeler, le sauver des flammes. Mais qui viendra me sauver, moi ?


Twilight : j'ai bien ri.

Jeudi 29 juillet 2010 à 21:45

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Une chanson aux accents de logorrhée berce mes premiers pas sur la terre ferme. Je suis en ville étrangère, présence vaguement hostile qui s’appuie aux fenêtres.
On ne devrait jamais voyager près de chez soi car on n’y est jamais conforté à de l’étrange.
Je me demande pourquoi on voyage, au fond. Etre touriste, c’est tellement décevant : on paye cher pour se ruiner dans des enseignes internationales, rassurantes. Parfois on va dans des musées, sans connaître ceux où on pourrait aller tous les jours (être touriste, c'est une imposture). Peut-être que rien ne marque le dépaysement comme le musée : la beauté est toujours un peu exotique.
On cherche des plaisirs nouveaux, barbares et une tasse de café glacé semble avoir un goût différent, comme si on avait distillé l’atmosphère du pays avec les grains moulus.

J’aime l’économie d’objets voulue par le voyage : tout doit être compact, léger, fonctionnel. Soudain on est confronté aux arrêtes d’un corps, on cherche à le comprendre, et parfois il nous saute au visage. Dans la vie de tous les jours, ils se contentent de nous écraser inévitablement, de nous envahir.
Faire un voyage, c’est tenter d’assainir l’air. Mis très vite, on remplit les étagères de babioles ramassées sur le chemin, pour tenter de capter ce goût d’insolite, l’euphorie de cet instant. Mais l’anormal reste derrière soi, comme rivé à l’éternel horizon.

Pour nous faire payer leur soudain abandon, les objets se vengent et il manque toujours quelque chose, cristallisation d’un quotidien parfumé de madeleine.
Et cette impression nous colle à la peau, ce sentiment tenace d’avoir laissé quelque chose de crucial derrière soi, il fait la saveur un peu acide des translations.

Alors, on revient. Juste pour s’assurer que tout va bien.

Jeudi 29 juillet 2010 à 20:09

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Pas de doute, c’est une année à mouches. Elles aiment bien quand il fait chaud et bien sec comme ça : ça assainit les charognes. Une mouche quadrille la pièce. Je ne la vois pas, mais j’entends son bourdonnement incessant.
À côté de moi Antéchrista babille, je n’arrive pas à la regarder en face. Un regard écrasant de lassitude est souvent contraire à la diplomatie. Alors je grimace mon exaspération au vide. La mouche nargue mes tympans.
Antéchrista travestit mes mots en des calembours qui l’amusent, elle imite le parler désarticulé des enfants. Je n’esquisse même pas un sourire mais ça ne l’arrête pas. Ça ne l’arrête jamais.
J’aimerai partir mais la mouche me retient, elle me provoque. Je la cherche du regard pour ne pas avoir à voir Antéchrista. Les mêmes jeux de mots qu’il y a dix ans, les mêmes plaisanteries… sa voix rivalise avec le bruissement des ailes.
Heureusement quelqu’un s’empare de la parole, la mouche me cerne et je la chasse d’un geste impatient. Mais Antéchrista ne peut se taire, elle renchérit et complète les propos de notre interlocuteur, lui coupe la parole et lui souffle son texte. Elle a l’approbation retentissante et tout est sous-titré d'un signal sonore. Antéchrista glousse et hurle quand elle ne comprend pas. La mouche m’effleure, je cherche un instrument contendant pour l’aplatir sur le bois de la table.
Antéchrista me pose des questions stupides pour faire de l’esprit, elle ferait n’importe quoi pour engager la conversation, je hausse les épaules. Elle me parle comme si j’avais encore cinq ans mais je suis en chasse. Je me suis levée, je m’approche de ma proie, la mouche est à ma portée, juste là… Antéchrista s’empare brusquement du collier que je porte, c’est une curieuse, elle l’admire le temps que la mouche s’envole hors de portée. Je me rassoie, j’attends mon heure.
J’entends un vrombissement, j’écrase de toutes mes forces la tapette à mouches sur le crâne d’Antéchrista. Tragique méprise.

Mardi 20 juillet 2010 à 14:42

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Leslie n’y vivait pas, elle préférait la sécurité du Ritz à l’immensité de son hôtel particulier. Pourtant, alors qu’on en explore les dédales, on sentait qu’elle aimait cette maison, comme une partie d’elle-même, elle l’avait meublé avec raffinement. Elle détournait les objets, comme pour dire aux visiteurs « ça m’est égal, ce que vous pensez. Je fais les choses à ma façon. ». Elle posait des éventails sur le sol, clouait des coussins chamarrés au mur : elle avait une alcôve qui ressemblait à une bonbonnière, moelleuse et soyeuse.
Elle concevait les différentes pièces comme des petits univers, ils avaient leur propre unité (l’Afrique, une harmonie rouge et or, …). Passer d’une pièce à l’autre, c’était se dépayser.
Cette maison, c’était un sanctuaire, pas un lieu de vie mais un refuge pour créer ou pour recevoir.
Il y avait cette pièce en particulier, un peu retirée, elle ne laissait personne y accéder seul. Des tentures bleu nuit en velours, des boules de cristal, des bibliothèques en bois sombre, ployant sous les grimoires, un lustre de perles de verre… elle aimait se prendre pour un bohémienne.
Le clou, c’était la salle de bal : un escalier majestueux pour soigner son entrée, du marbre et des feuilles d’or, des miroirs pour accroitre encore la splendeur de l’endroit, des vitrines protégeaient ses plus belles œuvres.
Elle était fascinée par les panthères, leur élégance racée, la fluidité de leurs pas… il y avait des allusions aux félins disséminées discrètement, au creux des tapisseries, en serre-livres…
Elle avait le sens du détail : elle émaillait le décor d’évocations comprises d’elle seule, elle s’amusait à observer ses visiteurs, voir s’ils les déchiffraient. Il y avait par exemple une étagère couverte de bibelots, leurs initiales mises bout à bout formaient son prénom.
C’est un univers saturé de références et de symboles, de faste et d’exotisme, cette maison racontait son histoire.
Leslie était là, tapissée sur les murs.

Jeudi 24 juin 2010 à 22:57

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"J’avais l’impression de commettre une indiscrétion.
Je veux dire, il y a des gens qu’on est tellement habitués à voir de loin qu’on les réduit à quelques propriétés fonctionnelles : blond, bon en classe, proche de Untel. C’est vrai qu’il a l’air gentil, mais pourquoi perdre son temps ? Les types qui ont l’air gentils, c’est pas ce qui manque.

C’est tellement indécent, les technologies modernes. Sous prétexte d’être joignables et modernes, on ouvre tout un pan de sa vie. Mais le pire, c’est que les autres font de même. Et alors, c’est comme le terrier dans Alice : on se fait happer brusquement par quelque chose qui nous dépasse. L’intimité des silhouettes ordinaires abreuve notre avidité obscène.

Et puis on tombe sur des œuvres.
Si seulement c’était mauvais, vraiment mauvais, ce serait facile. On pourrait s’en aller avec la satisfaction du travail accompli, on n’aura pas laissé passer le futur génie du millénaire par négligence.

Devant la beauté, même quelques gouttes, c’est une autre paire de manches. La beauté appelle sinon des mots, au moins une réaction, un signe. Mais la machine est trop austère pour laisser filtrer l’émotion dans son cadre normalisé.
Écrire « bravo, j’aime beaucoup ce que tu fais » est trop impersonnel, trop ténu, et pourtant il n’y a rien à ajouter.

On ne devrait pas connaitre les talents de ceux qu’on croise. Tout à coup, on croit connaitre ce qui se cache derrière un visage, on croit déchiffrer son âme et on voudrait le mettre en annotations impudentes en bas de leurs œuvres, inscrire dans le livre d’or, solennellement, « nous aurions pu être amis ». Mais pourquoi faire ? Il est toujours trop tard. Se réduire à une statistique, inscrire une nouvelle unité au nombre des visiteurs anonymes, témoigner son intérêt dans le silence. Tout commentaire serait déplacé, trop éthéré ou trop adipeux, trop distant ou trop intrusif. Alors mieux vaut s’en aller, sans un mot."

 

Et ça, c'est le commentaire que je n'ai pas laissé sur ce blog. Peut-être qu'il le lira en passant par ici. Ou peut-être pas. Et puis après.

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