Vendredi 22 mai 2009 à 11:26

http://melancholic.cowblog.fr/images/1179348983187.jpg

J’ai tellement peur. Je sens l’haleine rauque du tueur sur ma nuque à vif chaque fois que je traverse la rue principale, je sens que c’est à moi qu’il en veut, je ne peux faire confiance à personne. Les villageois s’éteignent les uns après les autres, tout le monde a peur et personne n’ose partir. Est-ce que vous connaissez cette sensation, quoi que vous fassiez, où que vous soyez, quelque soit la personne à qui vous parlez ; rien ne peut vous distraire, vous sentez cette peur irrépressible qui bat dans vos veines, ce sentiment de danger imminent, cette menace évanescente, elle vous ordonne de fuir et vous n’avez nulle part. Personne n’ose s’en aller malgré l’angoisse ambiante, je suppose qu’ils ne savent pas trop pour quoi eux-mêmes. Je sens qu’au fond tous ces cadavres c’est juste pour se distraire, pour tenter de se maitriser, car c’est après moi qu’il en veut. J’ai tellement peur et pourtant je n’ai nulle part où aller, vraiment nulle part. Ma tante s’est installée ici avec moi il y a quelques mois : sa maison a été incendiée, il fallait attendre, on s’est dit pourquoi pas ici ? Le village était beau, au sommet d’une colline, des grands herbages. Sans être coupé du monde, on sentait une barrière entre nous et le monde, un isolement rassurant. Si nous avions su… On aurait été bien, c’est sûr, elle et moi dans ce décor bucolique de carte postale.
Les meurtres ont commencés après notre arrivée. Bien sûr, nous étions les premières suspectes mais après quelques jours en prison et les meurtres qui se perpétuaient, on a bien été obligé de nous relâcher. Heureusement qu’il y a la famille du pasteur et ses deux filles, elles sont tellement jolies, et puis il y a Vincent, je sens l’amour immense et plein de respect qu’il me porte, il me regarde avec admiration et je me blottis contre lui tandis qu’il me caresse les cheveux avec douceur, nous n’avons plu vraiment besoin de parler. C’est presque étrange, d’ailleurs. Jamais je n’aurais cru vivre une telle histoire, d’une telle intensité, en si peu de temps et étant donné les circonstances…
Un cri perçant, une cloche, c’est le signal. Un de moins sur la liste des suspects… Madame Mac Neals sort en courant de chez elle, ses sanglots se muent en cri, nul besoin de mot. Tout le monde a compris. Une victime de plus.
Parfois, je sens la présence du tueur chez nous, il reste au rez-de-chaussée, il est discret on l’entend à peine, il essaye de ne rien déplacer mais je sens toujours que quelque chose est changé le lendemain matin, pour l’instant il a toujours résisté à la tentation de monter à l’étage, pour tuer ma tante… Ou me tuer moi. D’autres n’ont pas eu cette chance… Et j’ai tellement peur…
Je me rends à pas lourds à l’église, je sais que le pasteur y sera, sa fille ainée sera en train de jouer sans conviction avec l’orgue, la cadette courra vers moi à travers l’allée centrale et son père criera qu’on ne court pas dans une église, sa femme m’accueillera avec son doux sourire, ils seront tous deux, le mari et la femme, comme prostrés devant l’autel, quelque chose dans leur maintien se brisera un peu plus, comme si chaque meurtre pesait un peu plus sur leurs épaules, comme s’ils en étaient responsables.
Il fera sombre dans l’église, quelques bougies insuffisantes dispersées sur les bancs, le pasteur refusera d’allumer la lumière, une façon de recueillir j’imagine.
Devant l’église il y a toujours le cadavre de ce pauvre Jimmy, les vers commencent tout juste à rendre leur office, personne n’a eu le courage de débarrasser ce cadavre, un de plus.
Vincent surgit soudain, nous échangeons un sourire lasse, il me serre contre lui. Nous sommes sur le porche de l’église. Il s’efface avec galanterie pour me laisser entrer mais ses gestes sont plein de plomb, ces morts empoisonnent jusqu’à l’air que nous inspirons. J’ai peur.
Nous entrons dans l’église, le pasteur devant l’autel nous fait un signe de main plein de tristesse. Pourquoi l’allée centrale est si grande dans l’église d’un si petit village ? Il me semble que je ne cesserais jamais de marcher, cernée par les bancs, dans la pénombre je sens que le tueur pourrait surgir à tout moment d’un côté ou de l’autre.
Le pasteur, sa femme, Vincent et moi discutant plans d’action, je sens la présence du tueur au fond de l’église, je sens qu’il pourrait surprendre nos projets, je supplie le pasteur de daigner allumer la lumière. Les ténèbres m’assaillent, tout peut arriver dans le noir, je sens que le tueur se cache dans les ombres.
Le pasteur cède, il n’y a personne et pourtant je sens son spectre assis sur un banc, dans le fond. Vincent me tient la main et je m’y accroche à en mourir.
Nous finissons par sortir, main dans la main, Jimmy nous jette un œil torve. Un cadavre est un spectacle insoutenable.
Vincent m’entraîne un peu à l’écart, derrière un bouquet d’arbres une clairière à l’abri des regards, il me met à terre et nous roulons dans l’herbe en nous embrassant, un moment d’innocence volée.
Lorsqu’il s’arrête de me faire tanguer pour reprendre son souffle, je prends une grande inspiration et en me lovant contre lui je lui chuchote « Vincent, je sais que c’est toi le tueur.Je sais que tous nos plans d’action sont inutiles, je sais qu’on arrivera jamais à te coincer. Je sais que c’est toi qui a assassiné tous ces gens, et Jimmy et Mr Mac Neals tout à l’heure. Je sais aussi que tu as aimé à la passion chacune de tes victimes, je sais que c’est par amour que tu tues. Et je sais, je sais qu’un jour tu ne pourras plus te retenir et qu’alors tu me tueras. Je voulais juste que tu le saches. » et alors j’ai levé les yeux sur lui. Il n’a rien dit. Il m’a jeté un regard grave et triste. Et il m’a serrée contre lui, comme on se noie.

Jeudi 21 mai 2009 à 10:53

http://melancholic.cowblog.fr/images/dab3c15c872727ba1dcbfb1b21610e16134e3239m.jpg

Je suis tellement triste que cela se finisse comme ça. Mais rien ne finit rien, jamais. Les comètes ne peuvent s’éteindre qu’en brûlant de toute leur âme. Bien sûr que c’était bien mais tu dois me laisser partir. Les images défilent dans ma tête, éclats de souvenirs oubliés. Je sais que tu ne comprendras pas mais je ne veux pas gâcher ces derniers instants par le fiel noir et poisseux des mots qu’on regrettera. Il y a un croissant et quelques miettes sur la table du salon. J’ai brûlé pour toi jusqu’à la dernière goutte mais tu dois me laisser, tu l’as senti n’est-ce pas ? Tu vas me manquer. Désolée, je ne devrais pas dire ça. Sinon tu vas croire que je regrette déjà mais c’est tout le contraire. Tu es le vent noir qui a fait frissonner mes ailes. Pourquoi ne parle-t-on jamais de la douleur de celui qui s’en va ? C’est un morceau de moi que j’arrache, je suis libre.
Je voudrais claquer la porte, laisser les clefs à l’intérieur et tout cela serait enfin fini mais c’est la morsure e tes yeux, tu me retiens plus fort que mille ouragans qui déferlent sur mon cœur, pour toi j’ai fait de ma vie un désastre éblouissant. Tout ça pour quoi ? un peu de bonheur ? Mais il n’y a rien qui nous incite au bonheur ici-bas, je vois les nappes de haine sinueuses qui envahissent les trottoirs comme du macadam, du fluide de macchabés, tu n’as pas le droit de me retenir… Je suis tellement triste.
Tu vois, même lorsque je te dis adieu, je ne sais pas quoi te dire. Sans doute adieu est un mot qui se passe de chuchotements. Adieu devrait se suffire à lui-même sinon tout s’effondre sur des larmes. Je m’en vais avant de te détruire. Je suis sûre que tu peux comprendre.

Mercredi 20 mai 2009 à 16:44

Tu étais si beau, tu étais comme un Dieu et aujourd’hui regardes-toi. Je suis la prêtresse sacrée qui panse les blessures, je suis ton éternelle ombre. J’ai attaché mes pas aux tiens alors même que tu n’étais que givre et chair à canon & tu me tournes le dos, alors même que tu n’as plus que moi. N’ais crainte que je ne te trahisse. Tu seras mort avant de sentir le poignard couler le long de ton épine dorsale. Le poison est une arme de femme, ondulante et sensuelle comme l’étreinte d’un aspic.
Tu étais Dieu et tu n’as pas pris garde à elles, elle t’a jeté un charme et tu dansais aux ondes de sa flûte. Brûlure.
Je t’ai ôté du bûcher car je suis la princesse, sache que je suis née pour te rencontrer.
Je me suis consumée de toi et regarde ce que tu as fait de moi. Je suis la putain que tu as aimée à la passion et à présent je lave tes pieds meurtris d’idole usée.
Il y a encore en toi cette étincelle de magie qui me dit qu’un jour tu brûleras en Olympe. J’espère que tu penseras encore à moi, parfois.

Samedi 16 mai 2009 à 21:23

http://melancholic.cowblog.fr/images/LaCrise.jpg

Dehors c’est la crise, les graphiques s’effondrent, les gens hurlent, se font licencier ou ruiner. Ça ne change rien pour moi. Le monde extérieur ne m’atteint pas. De toute façon, tout est transitoire, à la crise succédera un redressement, à la croissance succédera la récession, ce n’est qu’une question de patience.
Les gouvernements débattent sur les moyens de sauver les meubles, histoire d’être les sauveurs de leurs nations respectives afin d’être réélus, comme si leur intervention allait changer la face du monde. Les choses finiront bien par se réguler seules, c’est bien comme ça que ça se passe, non ? C’était juste de l’argent virtuel qui a disparu. Dommage que les conséquences soient réelles.
Alors les gens manifestent, font la grève pour que Dieu maintienne leur pouvoir d’achat. C’est sûr qu’interrompre le processus productif est le meilleur moyen de relancer l’économie. Préserver leur pouvoir d’achat, avec quel argent ? En faisant jouer la place à billets ? En augmentant artificiellement les salaires, augmentation qui sera répercutée sur les prix, engageant une spirale inflationniste stérile : pourquoi faire ? Qu’est-ce qu’ils espèrent au juste ?
Pour moi cette crise est l’illustration de l’artificialité croissante de l’économie, de nos vies.
Alors les gens veulent des solutions, ils manifestent pour qu’on les sauve. Plus les techniques progressent plus tout va si vite, on traverse la moitié du globe en quelques heures, les informations circulent de câble en câble à la vitesse de la lumière, toujours plus vite, le monde nous obéit en un seul clic, on s’habitue à l’instantané, à assoir son autorité par la pression d’un seul bouton, on ne fait plus le moindre effort, tout va si vite, tout est si simple et si confortable. Les paysans attendaient l’été pour moissonner leurs champs. Nous, nous sommes dans l’air de l’immédiateté.
Les choses doivent être rapides, les résultats se traduire en chiffres juste après. On juge une politique sur ses effets immédiats, le chef politique ne cherche pas à construire l’avenir à longs termes mais celui de sa campagne électorale.
vivre à court terme, c’est sentir les bénéfices immédiatement, repousser les coûts à plus tard. Investir sur l’avenir, c’est ressentir directement les coûts pour un avantage différé. Alors pourquoi attendre ? Alors nous commandons une tartelette à la fraise alors qu’on s’était promis de faire un régime, on craque pour ce superbe sac alors qu’on s’était promis de faire des économies, et demain je me mets au sport, j’arrête de fumer et je me mets à travailler sérieusement pour mes partiels. Et je manifeste pour qu’on maintienne, je ne sais comment, mon pouvoir d’achat. Humains, trop humains.
Parce que c’est sûr, si nos techniques sont toujours plus performantes, si nous appréhendons toujours avec plus d’acuité le monde qui nous entoure grâce aux progrès des sciences, avons-nous progressés en tant qu’humains ?
La planète se désagrège, les puissances industrialisées laissent les populations du Sud crever de faim et les gouvernements corrompus empocher les aides destinées à leurs peuples et s’acheter de superbes châteaux en Espagne, des enfants crèvent de coudre des ballons qui seront revendu à prix d’or à cause du logo orné dessus et tout le monde s’en fout.
On court après le profit immédiat, notre vie est réglée comme une horloge dénudée, des rendez-vous, un planning plein à ras-bord et le tic-tac rythme nos vies, avons-nous progressé en tant qu’êtres humains ? Gardons-nous l’essentiel en ligne de mire, ne nous sommes-nous pas perdu dans le faste et le confort un peu facile de nos sociétés de consommation, où tout est à portée de porte-monnaie ? Ou au contraire…

Samedi 16 mai 2009 à 16:02

 
http://melancholic.cowblog.fr/images/thewrongwayhomebyPrettyAsAPicture.jpg

Tapage diurne. Encore des gens qui expriment leur mécontentement à coups de banderoles et de chants de guerre, eux seuls savent pourquoi. Ou peut-être pas.
Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez nous ? On élit un leader, il semble le seul capable de redresser un peu le marasme et dès qu’il tente une réforme on lui saute à la gorge. Comme si on avait tellement peur du changement qu’on préfère les gravas d’aujourd’hui aux travaux de terrassements.
C’est tellement stupide. Comment évoluer si on ne prend pas de risque ? Bien sûr que la situation pourrait être pire, mais vu l’état des lieux, ça vaut le coup d’essayer.
Prenons l’école, par exemple.
La gloire de la République et le flambeau de la nation des Lumières et des droits de l’Homme. En crise.
Et le baccalauréat passe encore pour un diplôme de valeur, n’importe qui peut l’avoir avec un peu de doigté et en écoutant vaguement les cours. Nul besoin de réel travail.
Vous gobez béatement la pilule de la démocratisation scolaire mais c’est une énorme plaisanterie. Un enfant issu des classes populaires n’a tout simplement pas les ressources dans son milieu familial pour être bon. Il n’y a pas égalité des chances.
Bien sûr qu’il faut donner leurs chances aux enfants naturellement intelligents, naturellement doués, bien sûr qu’ils doivent avoir droit à l’école, sans quoi l’ascenseur social serait définitivement en panne.  Mais la façon dont l’école est conçue fait que la réussite des enfants des classes populaires est compromise d’emblée. Alors c’est stupide de faire miroiter l’espoir d’une méritocratie idyllique. Le collège unique est une illusion totale.
Tout le monde n’est pas fait pour des études livresques. Tout le monde n’est pas fait pour faire les mêmes études.
C’est quand même un scandale, certains passent leur vie à s’ennuyer sur les bancs de l’école faute d’être stimulés, d’autres passent de classe en classe parce que personne n’a le courage de les faire redoubler ou de les réorienter parce que c’est trop tard. À force de vouloir démocratiser les études on les aligne sur les plus faibles et il y en a quand même qui restent à la traîne. Tout le monde le sait alors pourquoi personne ne fait rien ?
C’est tellement ridicule, pourquoi personne ne veut admettre qu’on ne peut classer les gens sur une seule et même échelle de hiérarchie où tout le monde pourrait se mouvoir gracieusement à l’aune seule du travail qu’il produit ?
Tout ça parce qu’on fond on a peur d’une hiérarchisation des talents.
Après, bien sûr, il y a le problème de la détection de ces talents. Comment mettre en place des tests efficaces qui ne se transforment pas en batterie d’examens où est exigée une performance, que l’on prépare pour booster ses résultats, qui soit le reflet d’une réalité intemporelle et non d’une conjecture (fatigue, stress…) ? Comment ne pas faire d’un simple test d’orientation une gigantesque entreprise de catégorisation, à la façon du Meilleur des mondes (Huxley), du Destin de Linus Hoppe (Bondoux) ou encore du Vent du feu (Nicholson) ?...
Mais la situation actuelle est un scandale de gâchis et de frustrations. Il ne peut y avoir une école unique pour tous.
Je n’étais pas bien à l’école, j’ai passé ma vie à attendre, pleine de lassitude, j’ai fini par devenir transparente faute de stimulation, jusqu’à ce que je devienne aussi bête que les autres, jusqu’à finir parfaitement mutilée. Et maintenant, c’est trop tard.
Tout le monde voit bien que la situation est loin d’être optimale. Alors pourquoi personne ne veut rien faire ? Pourquoi se battre pour des cendres ?

<< I'm Darkness | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | I'm Sin >>

Créer un podcast