Combien de fois je t'ai dit de prendre la fuite.
Mais tu restes là, les bras ballants. Tu m'entraves.
Je t'ai déjà dit de t'échapper mais c'est non, toujours non.
Alors tu restes là. Dans mes pattes.
Je arche sur tes doigts, consciencieusement, et tu m'opposes ton inertie tranquille.
Et c'est non, toujours non.
Il y a quelque chose qui cloche avec toi, il y a quelque chose qui cloche avec moi, tu ne crois pas ?
Champs de cadavres, ils ont rendu les armes. Je sonde les gisants encore chauds, tu trottines sur mes pas.
On se nourrit comme on peut.
J'ôte les heaumes, je cherche les visages de mes amants, mais qu'est-ce que ça change, Hein ? Qu'est-ce que ça change ?
De la chair encore tiède. Rien de plus.
Là bas, à l'horizon, des soldats crèvent sous eux des chevaux. Quelle cruauté.
J'aimerai leur faire un signe, leur offrir mes services, ils doivent en avoir besoin, mais ils sont si loin, et tu es toujours dans mes pattes, et c'est non, toujours non.
Je suis une chasseuse, et toi tu me lances des regards de détresse. Pourrais-je avoir pitié de mes proies ? Moi ? Pourrais-je être douée d'humanité ?
Mais pour qui me prends-tu au juste ?
Un coup de dents au creux de ta gorge, pour te rappeler à l'ordre.
Tu portes hébété ta main à ton cou, les doigts pourpres.
Comme une envie stérile de m'en réjouir.
Mes longues enjambées fluides me portent jusqu'aux fantassins, un sourire aguicheur bardé de crocs suffit à les adoucir, ils lèvent leurs casques en mon honneur.
Qui sera le prochain à sentir le fil de mes canines contre sa jugulaire ?
Ne t'attends pas à me voir être rongée par les scrupules.
Je ne m'intéresse guère plus à eux qu'à toi.
Il y a quelque chose qui cloche avec toi, il y a quelque chose qui cloche avec moi.
Mais c'est bientôt fini, n'est-ce pas ?
Prière de n'y voir aucun message. Et prière de ne pas croire que je suis une dépressive latente. Certes, je suis pessimiste, certes mes textes sont noir d'encre. Mais il m'arrive de rire. Et je n'ai pas à me plaindre. Loin de là.
C'est juste que j'écris surtout lorsque je ne vais pas. Alors forcément.