Vendredi 21 mars 2008 à 23:00

Cher Nobu

 

 

 

Tu me connais. Je n'aime pas parler de ça. Trop personnel, tout ça.
 Là, au moins, il y a le papier entre nous.

Ne t'inquiète pas, moi ça va. Enfin…
Je veux dire, ce n'est pas comme si c'était grave. C'est juste moi, mes idées…
À quoi t'attendais-tu ? Je suis une femme. Je doute.

Mais j'ai peur, j'ai tellement peur…
C'est bête hein ?
J'ai peur comme si tu ne m'aimais pas.
Et pourtant tu m'aimes, n'est-ce pas ? Dis-le moi une fois encore.

Je ne sais pas pourquoi je suis affectée comme ça, pourquoi je ne parviens pas à me contenter de toutes les preuves d'affection que tu me portes déjà, pourquoi j'en veux toujours d'avantage.

Est-ce que je ne me suis jamais sentie digne de l'affection que tu me portes, que j'ai le sentiment que l'imposture est révélée ? Croyais-je que je pouvais me jeter à corps perdu dans ce lien entre nous, que tu serais toujours là pour me rattraper ?
Je ne saurais le dire.

Et pourtant j'en suis là, à exiger sans cesse d'avantage, toujours déçue et jamais rassasiée.
Et je m'en veux de t'imposer ça, te forcer ne ferait que précipiter la chute, un élan contraint n'est jamais vraiment sincère, que sert-il de te demander de faire attention à moi, moi  qui voudrait que cela vienne de toi, mais je suis piégée au cœur de mes contradictions, je pleure et j'enrage de la futilité de mes angoisses.
Car tout cela est tellement futile, n'est-ce pas ?
Et je m'abhorre de t'inquiéter pour si peu, de te dévorer de cette façon, d'imiter l'Autre, cette ombre de ton passé, et je m'en veux, je m'en veux de te demander tant, toi qui donnes déjà tellement.

Alors j'use de mes artifices, de mes ruses, ces astuces de femme pour parvenir à mes fins, je suis froide pour ne plus te peser mais cela ne fonctionne même pas, tout au plus tu t'inquiètes un peu plus, peut-être, mais tu as confiance en moi. N'est-ce pas ?

Je crois que c'est là l'origine de mon désarroi pathétique.
Depuis que tu m'as confié ce détail, couronnement d'une angoisse enracinée depuis près de deux mois, quelque chose s'est brisé.
Ne regrette pas, ce qui est fait est fait. Ce n'était que la cerise blette sur le gâteau rance.
Mais bien que ce ne fût qu'un égarement passager, c'est comme le gage de ce que je redoutais.
Demain, dans deux semaines ou dans six semaines, ce « lien » se rompra.
Et on ne pourra rien y faire.
Parfois, dans des instants d'égarements, je songe qu'il faudrait mieux que je mette un terme à notre relation, dès à présent, qu'on en finisse, que cela ne me blesserait presque pas.
Et puis quoi encore.

Tu me crois folle, n'est-ce pas ? Comme tu as raison.
Tu as peur ? Je comprends.
Maintenant, tu sais la vérité : je suis une détraquée obsessionnelle, une maniaque professionnelle, je suis accro à toi comme d'autres sont accros à l'héroïne. J'ai peur de te perdre, j'ai peur de te peser, j'ai peur d'être un poids pour toi.

Pardon de passer par ce moyen détourné mais jamais je n'aurais pu te le dire en face.
Je n'aime pas dire la vérité, je n'aime pas me dévoiler, c'est une faiblesse.
Je suis une future menteuse professionnelle.
Peut-être que tout n'est pas vrai, peut-être que certaines choses sont exagérées, agrandies, déformées.
Je ne veux pas te faire peur.
La seule chose qui me console, c'est que si tu doutais encore de moi, te voilà rassuré, je crois.

Donnes-moi un autre baiser.
Etouffe-moi une fois encore.
Répète-moi que tu m'aimes jusqu'à ce que je sois ivre de tes caresses.
Et si tu ne veux pas, tant pis.
Ne t'inquiète pas : ça passera. Ça passe toujours.

 

 

 

H.

 

 

 

Vendredi 21 mars 2008 à 21:42

Bien sûr que tout est comme avant. Et bien sûr qu'il manque Fée, mais même ça j'ai presque réussi à m'y faire.
Tout est propre, comme je l'avais quitté. Elle s'est occupée de notre cocon, patiemment, amoureusement, en attendant que je revienne.

Ça n'était pas l'envie de revenir qui me manquait, c'est juste qu'autre chose accaparait mon attention. Que quelqu'un d'autre accaparait mon affection.
C'est la vérité que vous voulez ? Je n'en pouvais plus de vivre avec Fée sans jamais pouvoir la croiser.

Si je m'en veux d'avoir délaissé l'appart, d'avoir abandonné Fée ?
Qu'est-ce que vous croyez ? Que je peux être heureuse sans elle ?
Mais lorsque je lui en ai parlé, elle a enfilé son grand sourire compréhensif et m'a dit que ça ne faisait rien, que je prenne le temps qu'il fallait, qu'elle se débrouillerait.
Qu'est-ce que vous voulez faire contre ça ?

J'ouvre brusquement la porte de ma chambre, je m'attendais à une atmosphère raréfiée et pesante, mais l'air est frais, elle vient d'aérer, je devine même son odeur sur mes murs. Il ne m'était pas venu à l'idée que peut-être elle venait ici, parfois, y chercher ma présence et un peu de réconfort, quelque bouts de moi que j'aurais égaré dans les placards, sur ma table de nuit ou entre les draps un peu froissés encore par ses insomnies, comme je l'avais fait maintes fois moi-même lorsque je n'en pouvais plus de son absence.

Je m'assois sur le canapé et j'allume une cigarette avec un sourire triste.
J'aurai peut-être du prévenir Fée de ma venue mais tout aurait été gâché, n'est-ce pas ?

Elle ne va pas tarder.
J'aimerais vous dire que je le sens car nous sommes mystérieusement reliées, unies malgré nous par un lien impalpable, elle et moi, mais ce genre de choses n'arrive que dans mes rêves.

J'aimerai vous dire qu'il ne se passe rien, que ma vie  n'est qu'un condensé de lacunes et que je n'ai plus rien à dire à personne, que je migre de villes en villes, d'hôtels miteux en hôtels miteux, pour assurer la promotion de mon dernier livre (récemment paru dans l'anonymat le plus total) lors de soirées où même les organisateurs ne prennent pas la peine d'aller, avec Nobu comme seul soutien devant ce vide effrayant.


Car non, je ne suis pas seule. Encore.

Mon téléphone vibre, c'est lui justement.
J'entends presque la voix de Fée me susurrer « tu irradies, mon yakitori »
Il est beau et maladroit, il m'aime comme on ne m'avait jamais aimée encore.
 
Il est tellement adorable, comment peut-il souffrir une fille comme moi ?
Il me couvre de fleurs, de louanges, de baisers passionnés et d'applaudissements… Je ne mérite pas tout ça.
Ce n'est pas moi qu'il admire ainsi, ça ne peux pas être moi, je ne suis pas digne de tant d'amour, il doit aimer quelque chose entre ce que je ne suis pas et ce qu'il s'imagine que je suis.
Mais est-ce important.
En amour comme ailleurs, les gens sont interchangeables.
Les noms, les visages, les sourires et les tapis, les hôtesses d'accueil, rien n'a vraiment d'importance. Rien n'a vraiment de sens. Les gens sont comme tout le reste : jetables.
Il m'aime comme il pourrait en aimer une autre. N'est-ce pas ?

Mais qu'importe. Puisque je l'aime moi-même de toute mon âme damnée.

Et il endure tranquillement tout ce temps perdu dans les trains, à l'arrière des taxis, dans les bus, il endure la fatigue lorsque je lui dis de m'attendre et que je rentre trop tard, il endure de me voir passer mes soirées à faire des chatteries à d'autres sans lui accorder un regard, car c'est nécessaire, il endure d'être le seul à applaudir à la fin de mes discours.
Et il applaudit, il applaudit, il se brise les phalanges et la voix, et moi je m'effondre en coulisses.
Je ne veux pas qu'il me voie dans cet état. Mais il ne faut pas s'inquiéter. Je vais bien. Evidemment. Comment aller mal lorsqu'il est à mes côtés ?


Je consulte mon répertoire, j'aimerai parler en attendant Fée, mais je n'ai rien à dire à personne.
Le roi des sylphes me manque, je voudrais lui envoyer une pensée mais j'ai toujours peur de l'ennuyer alors je renonce.

Mon portable vibre, peut-être est-ce le roi des sylphes ?
Non. Nobu, une fois encore.
Il a trop peur que je l'oublie, il a trop peur de m'égarer, même nos étreintes ne parviennent à l'apaiser.
Comment pourrais-je ? Il me protége.

Tout me manque, l'appart' 707 et une vie trépidante, Fée et le roi des sylphes, mais pas pour longtemps.
Nobu apporte ma valise tout à l'heure, Fée l'aime bien, demain je verrais le roi, tout ira bien, je mets l'eau à chauffer en attendant Fée, elle ne va plus tarder.

Vendredi 7 décembre 2007 à 23:27

Machi

 

Encore une chronique affligeante de mon existence lacunaire.
D'autres discutent, ils tentent de s'entendre, de se faire entendre de quelques manières que ce soit, c'est insupportable.
Si encore c'était intéressant. Mais ils discutent avec passion de la rupture entre Taylor et Ryan. J'aurais mieux aimée être sourde.

Les yeux rivés sur une pâle copie, j'ai la folie de croire qu'il pense à moi, parfois, le cœur obstinément tourné vers le Prince Charmant.
On se préserve de la manière qui nous est accessible.
Je ne peux pas m'empêcher de penser à cette chanson, tu sais, « Cendrillon, pour ses trente ans… »…
Je fumerai bien une cigarette.

Ici, il ne se passe rien. Désespérément rien.
Les jours se succèdent dans leur atterrante monotonie.
Je peuple mes insomnies de mondes artificiels (musique, livres…).

Et envie de taper du poing sur le mur jusqu'à voir l'hémoglobine couler.
De me pelotonner dans la pénombre, de ne plus rien entendre.
De sombrer, de ne plus avoir à rouvrir les yeux.
Tu vois, Machi. Je suis toujours aussi faible.

Je m'accroche. Avec toute l'ardeur fugace de celle qui oubliera l'heureux élu d'un instant à l'autre (1, 2…).
Je n'aime pas. Aimer appelle la patience. Je veux tout, tout de suite.
J'aimerai te dire que je me réserve pour le Prince Charmant, quelqu'un de ma pointure, j'aimerai te dire que j'ai mortellement été blessée, autrefois, mais au fond c'est faux.
Je me lasse trop vite, c'est tout.
Comme c'est pathétique.

Je suis tellement fatiguée…
Des échéances qui se resserrent autour de moi. Etaux, une fois encore.
Je bâcle tout pour me réfugier dans un oubli vaporeux, et pourtant cela ne me soulage pas.
Ça ira mieux demain.

Je voudrai tellement que quelqu'un me regarde. Une étreinte pour m'oublier. Et je sais qui je voudrais sur ce piédestal.
Si seulement il me faisait un signe…
Si seulement je savais à quoi m'en tenir…
Si seulement il pouvait m'embrasser, parfois.
La perfection n'est pas de ce monde.

En espérant avoir de tes nouvelles sous peu.

Vendredi 23 novembre 2007 à 22:27

J'habite seule cet appartement, et Dieu sait qu'elle me manque.
Les murs blancs hurlent son absence.
Mais. On s'habitue à tout, j'imagine.

Je vis dans un rêve.
Une farandole de rêves, ils dansent dans mes yeux comme autant de bulles colorées. Tout ça, c'est du bubble-gum.
Et parfois, l'une d'elle éclate et me colle à la peau, aux cheveux, au cœur et aux lèvres. Horizon rosâtre poisseux. J'asphyxie.
C'est triste ?

C'est bien, les rêves. Ça évite d'avoir à vivre pour de vrai.

Si vous saviez.

Mes cahiers prennent la poussière, je préfère me gaver d'ersatz indigestes, images mouvantes, mauvais mots, les autres.
On se remplit comme on peut.

C'est un peu vide, c'est sûr.
Mais ce n'est pas comme si c'était grave. Rien ne compte tant que de ne pas avoir à penser.

Après, bien sûr que j'ai encore chuté. J'ai failli.
Quelle importance : ce n'est pas comme si ce n'était pas déjà une de mes sales habitudes.
Toujours ces foutues flèches si adroitement lancées dans le vide.
Aucune inquiétude : ça va passer. Ça passe toujours. Jusqu'au prochain.

La Lune est pleine, je fume une rare cigarette.
Je ne l'aime pas comme vous.
Qui êtes-vous. Pourquoi êtes-vous loin.
Je crois que vous me manquez. Mais puisqu'il faut bien s'en aller.

Samedi 17 novembre 2007 à 20:52

Machi

 

Quel est donc cet étrange sentiment qui enveloppe mon cœur ? Comme si tout s'était apaisé, comme si tout était pardonné.

Je déambule parmi la foule, un sourire inhabituel habille mes lèvres.
Je vais bien, tout simplement.
Rien ne peut m'atteindre dans ma boule de félicité soudaine et éphémère.
J'ai conscience que cette sensation ne durera, que bientôt l'existence reprendra ses droits, les tempêtes me cogneront contre les falaises.
Je savoure.

Etrange, ce livre.
Certains nous déchirent, nous bouleversent, nous exaltent, nous passionnent, nous font rire ou exulter, mais je n'en connais nul autre qui fait naître une telle paix.

Tout se tait, tout est calme.

Comment ai-je pu me sentir si mal, si triste, alors que tout est bien ?
Je suis nulle.
Après, bien sûr que tout n'est pas rose, que mon cœur a une nouvelle cicatrice.
Et puis après ?
Je ne suis pas seule. Et quand bien même je le serai, est-ce si terrible ?

Je suis prête à aimer chaque personne que je rencontre.
Et toi aussi, Machi, je t'aime, si tu savais comme je t'aime.
Je vais bien, ne t'en fais pas.

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