Jeudi 12 juillet 2007 à 23:10

Machi

 

Comment vas-tu ?
J'ai eu Kakeru au téléphone, et incroyable mais vrai, il m'a tout de suite parlé de toi (après avoir quelque peu tergiversé, ça tombe sous sens... Rappelons que c'était Kakeru...).
Toutes mes félicitations. Je suis sûre que tu seras heureuse.
Parce que tu le mérites.

Moi ? Oh... Je survis. Je traîne mes talons usés dans les larges allées de cette ville inconnue et familière. Je passe des heures à fumer dans des cafés miteux en pensant à toi, à nous, à la distance qui nous sépare et que tu me manques mais que ce n'est pas grave, je pense à tout, tout. Parfois je range des cartons poussiéreux au fond d'une arrière-boutique sans lumière, aussi, j'étouffe. Il faut bien vivre.

Mais ça va, tu sais. Je ne suis plus seule.
Oh, ne crois pas qu'il m'ait remarquée.
Ça fait longtemps que j'ai semé sa silhouette parmi les méandres de la foule.
Ce n'est pas grave.
Même pendue à ses lèvres, mes doigts crispés sur ses épaules, les ongles plantés dans sa peau... il aurait égaré mon nom.
Mais ça m'est égal.
J'ai rencontré quelqu'un.
Ne crois pas que je sois retombée amoureuse, Machi.
Pas déjà.
Ce que je ne ressens n'a rien à voir avec l'amour.
Ce que je ressens est bien supérieur à l'amour.
C'est un coup de foudre. Un coup de foudre en amitié.
Ça peut sembler soudain, mais je crois que cela fait longtemps qu'il avait pris racine dans mon coeur. Depuis toujours. Depuis toujours, je l'ai attendu.
Elle s'appelle... Oh, peu importe son nom.
Sache juste qu'elle est ma fée. Oui, ma fée.
Elle me ressemble tant que parfois ça m'effraye.
Nous parlons le même langage, j'ignore comment elle le connaît (nous n'en avons jamais parlé, nous n'en avons pas le temps, nous avons trop à partager. Juste pour le plaisir de se découvrir d'insignifiants points communs.), peut-être que ce sont juste nos coeurs qui parlent.
Elle n'est pas comme toi, Machi.
Elle est intarissable, claire, franche, limpide. Révoltée.
Elle a gardé quelque chose des années passées sans être puérile. Ni naïve.
Je crois que c'est une vieille enfant, de ces gosses qui comprennent mieux les adultes qu'ils ne se comprennent eux-mêmes, qui pigent tout tout de suite et qui énervent les vieux parce qu'ils n'ont pas l'air fragile. Pas comme les autres.
Parce qu'on ne peut pas les bousculer sans s'excuser.
Elle n'accepte pas le monde des grands, ses contraintes, ses absurdités, et je la comprends.
Parce que nous sommes pareilles.
Parfois, je me dis que j'ai eu de la chance de la rencontrer. De ne pas la rater.
Et je plains tous ceux qui ne nous comprendrons jamais.
Parce qu'ils ne seront jamais complets, c'est sûr.
Comme j'aurais pu être bancale, sans elle.
Je ne la vois pas assez souvent. Aucune importance.
Parce qu'elle volette sans cesse au coin de mes yeux. Parce que je n'ai pas besoin de sa présence pour être près d'elle.
Parce que bientôt on s'installera ensemble et rien ne nous séparera jamais.
Parce qu'elle est une fraction de moi et que je porte quelques grains de ses atomes dans mon coeur.
Il y a des amis qui viennent à toi par hasard, par nécessité, et d'autres qu'on choisi par amour.
Plus je le lui dis, plus je l'aime.
Et je crois que c'est réciproque.
Les élus. Le sacre.
Parfois j'ai besoin d'elle, de sa voix, de ce qu'elle cache derrière ses longs cheveux noirs, sous ses ailes magnifiques et grandioses, je décroche mon téléphone, nous parlons des heures, tu verrais ça, Machi, toi si réservée, si taciturne, des heures, peu importe ce que nous disons, on a rien à se dire, on a tout à échanger.
Tu es ma meilleure amie, Machi (même si ce n'est pas réciproque), la plus ancienne, la plus éloignée.
Tu sais.
Beaucoup d'amour, un peu d'amitié.
Elle, elle est encore au-dessus de ça.
Parce que rien que de l'amour. Rien que du bonheur.
Parce qu'elle et moi, on est du même type.

Je ne suis plus seule, Machi.
J'ai une amie. Une autre.
Une amie de banc, une compagne de solitude, et elle m'a volé un fragment de moi, si tu savais, et parfois je me sens à ce point morcelé que je me demande comment je peux encore tenir debout.
Nous ne parlons pas beaucoup, elle et moi. Peut-être qu'il y a quelque chose de toi au fond de ses yeux.
Notre amitié n'est pas fondé sur cet espèce de brouhaha perpétuel que certains croient indispensables, faire du bruit et prendre de la place pour combler le vide (ne les confonds pas avec ma fée).
On se comprend, je crois.
Parfois, on échange quelques mots, et on se regarde, longuement.
Parce que ce sont les mêmes phrases qui naissent de nos lèvres. Parce qu'on ne sait plus très bien qui a parlé. Parfois.
Parce que parfois, on ne sait plus très bien où s'arrête l'une et où commence l'autre.
On se comprend, ou peut-être qu'on se complète. Un peu.
Je l'ai croisé, un peu par hasard, un peu par accident, dans un square, sur un vieux banc tout sale à la peinture écaillée, et je me suis assise à ses côtés, comme ça, pour rien, et on se retrouve, parfois (souvent ?), lorsque nos coeurs s'appellent, par coïncidence, peut-être, peut-être qu'il y un petit harpon dans nos coeurs qui nous tire l'une vers l'autre.
Premières cigarettes, achetées le coeur battant, conscientes de braver un interdit (mais qu'est-ce qui est encore interdit ?), un après-midi d'ennui, peut-être, un après-midi à tousser et à finir le paquet. Convulsivement. Sans rien dire.
Ce que j'ai mal à la tête.
Et tu sais ? Elle aussi court après une chimère.
Je fuis. Elle s'accroche.
Nous sommes stupides.
Merci.

Ne crois pas qu'il y ait de hiérarchie entre elles, entre vous.
On ne préfère pas son bras droit au gauche. On ne préfère pas un débris de coeur à l'autre.

Je t'aime, Machi.
Et le pire, c'est que j'oublie de te le répéter, de te soûler avec, parce que l'amour est un sentiment parfois pénible, au point de vouloir s'y noyer. Se noyer.
Je sais que tu comprends. Je sais que tu l'aimes.
À ta manière.
Et rien que ça, c'est tellement beau.
Je t'aime. Je ne te le dirais jamais assez. On n'aime jamais assez quelqu'un.
Parce que l'amour, c'est immense.

Je ne serais plus seule, Machi.
Pas tout de suite.
Un garçon, cette fois.
Et ce n'est pas un ami.
Nous ne parlons pas avec les mêmes mots et il me dit qu'il m'aime.
Est-ce un tort ?
Il est gentil, adorable, il aime me serrer dans ses bras, et parfois, je l'embrasse.

Mon coeur a trouvé un port où s'ancrer.
Un grand. Un beau. Il est immense.
Une chaîne m'accroche au rivage. Et chaque maillon est une personne magnifique.
Tu es un maillon de cette chaîne, Machi.
Et tu es magnifique. N'en doute jamais.

Jeudi 12 juillet 2007 à 20:50


Machi


J'ai le coeur au bord du suicide.
Je n'irais pas te rejoindre, tu sais.
Tu le savais n'est-ce pas... Tu me connais.
Je le suis. C'est un fantôme. Certes. Une ombre. Une illusion.
Et j'aimerais te dire que je rêve.
Beautiful Nightmare.
Je me transforme, Machi. Même toi, tu ne me reconnecterais pas.
Mes ongles noircissent, mes yeux se cernent.
J'ai laissé les couleurs sur ton île, Machi.
Nous ne partageons plus le même État.
Je suis dans un tas de métal. Il me porte. Europe.
Et je j'ignore la date de mon retour. Est-ce que je reviens.
Et tout à coup, c'est comme si ce qu'il était se révélait à moi. Nous ne sommes qu'un. Nous nous rapprochons dans mon imagination malade.
Je ne comprends plus.
Désespérée. Je sais.
Je suis la groupie d'un homme ordinaire.
Ordinaire, oui. Je l'aime. C'est suffisant.
Tellement naïve...
J'ai honte, tu sais.
Un couteau planté dans la poitrine.

Si seulement... quel espoir stérile.
J'abandonne, Machi. Je me dégoûte.
Chaque jour, mon assiette est plus vide et j'en suis fière. Stupide satisfaction.
Bientôt, je serais libre. Je poserais le pied sur cette terre où personne ne me connaît, où je ne connais que lui, ne sachant que dire, ne sachant que faire.
Inutile créature.
Bientôt, je serais libre de m'enchaîner à quelqu'un qui n'en vaut pas la peine.
Je sais.
Je sais qu'il ne m'accordera jamais un regard.
Dommage que le hublot de l'avion soit si petit. J'aimerais me fondre dans les nuages.

Jeudi 12 juillet 2007 à 20:49

Tu sais que tu me manques ?
Comme j'aimerais fuguer, m'enfuir, te rejoindre. Je veux être libre, Machi.
Tu es inaccessible.
Toutes ces chaînes qui m'entravent... Qui nous entravent.
Tu me manques. Machi.
J'aimerais me remémorer nos souvenirs communs, mais je crois que je n'en ai plus. Que je n'en ai jamais eu.
Même près de moi, tu étais loin, hein ?
Comme j'aimerais que tu m'invites dans ton univers. Mais toujours je me heurte aux barreaux de ta pudeur.
Tu es comme ça, Machi. Je ne suis pas celle dont tu as besoin. Je devrais l'accepter.
J'imagine.
Mais merde, Machi ! Qu'est-ce que tu es ?
Quel gâchis d'avoir passé autant de temps à tes côtés pour m'apercevoir que tu es en fait une parfaite inconnue. Étrangère. Comme ces mots font mal, ils me blessent.
Et savoir que toi, tu... Que ça ne t'atteint pas, que rien ne te touche, que tu es dessus de ça, au dessus de moi...
Je me plonge dans ma mémoire mais même tes traits y sont flous.
Putain Machi. Si tu savais...
Je n'en peux plus. Vraiment. Et je sais que tu comprends.
L'encre tache mes doigts. C'est peut-être mes larmes qui coulent.
Oui, peut-être.
Machi. J'ai pris une décision.
J'en ai assez d'ici, de tout.
J'ai un rêve, Machi.
Et je rentre le rejoindre.
Je rentre chez nous.
Je rentre chez toi.
Rien ne nous séparera jamais.

Jeudi 12 juillet 2007 à 20:48

Machi

 

Le paysage défile par la vitre.
Je suis dans le train.
Confortablement enfoncée dans mon siège, écouteurs aux oreilles, je m'enferme dans une bulle de musique et de solitude.
Je ne te dirais pas où je vais, ni qui je vais rejoindre, encore moins ce que je vais devenir.
Peut-être parce que je l'ignore. Qui sait.
Je suis presque bien, ici. Pour une fois.
Je n'ai besoin de rien... rien n'a besoin de moi...
La fenêtre me happe, je m'échappe.
J'ai envie d'un thé. Sans sucre. J'ai presque faim.
Non, je n'ai pas faim. Je n'ai pas besoin d'avoir faim. Je n'en ai pas le droit.
La faim m'est étrangère. Totalement étrangère.
De toute façon...
Et toi, Machi ? Est-ce que tu vas mieux ? Je le sens. Je le sais. Racontes-moi.
Kakéru m'a demandé de ne pas partir. Pour toi.
Comme si ça changeait quelque chose.
Il m'a parlé de la présidente de l'association, une certaine Yun-Yun (drôle de prénom).
Tu t'entends bien avec elle ? Est-ce vrai qu'elle s'habille comme un homme pour raisons familiales ?
Si je te pose toutes ces questions, c'est que je ne sais pas s'il m'a dit la vérité.
Je n'arrive jamais à discerner les moments où il plaisante de ceux où il est sérieux.
Vas savoir pourquoi.
Je dois te laisser, Machi. Le train s'arrête.
Peut-être que je suis arrivée à destination.

 



Peut-être.

Jeudi 12 juillet 2007 à 20:47

Machi

 

Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, hein ?
Parfois, j'ai l'impression que tu fuis. Tu as peur ? Tu as peur de moi ?
Non, c'est moi qui ai peur. J'ai peur que tu partes loin de moi, là où je ne peux plus t'atteindre.
J'aimerais tellement savoir ce que tu penses, Machi.
Je sais que tu ne vas pas bien. Et pour une fois, je te comprends. Moi non plus, ça ne va pas bien, tu sais. Pas bien du tout.
J'ai mal au ventre Machi. Une sale boule qui me tord l'estomac.
J'ai peur Machi. J'ai mal. J'ignore pourquoi.
Viens vite, Machi... Aujourd'hui, c'est moi qui ai besoin de toi.
Tout à l'heure, en cours, je...
Je suis partie, Machi. J'ai encore quitté la salle de classe.
Je refuse d'être un spectacle.
C'est pitoyable, hein ?
Je ne voulais pas, tu sais. J'ai juste le coeur qui déborde, parfois.
Je voulais venir te voir, à la sortie du lycée, te parler, te...
Tu me manques, tu sais.
Et puis, non. Tu as ton association, hein. Comme souvent. Comme toujours.
Alors...
Pourquoi me prend-t-on tout ce qui me reste ?
Machi.
Je suis dans ce café, celui devant lequel on passait si souvent. Avant.
Siroter des litres de café à l'eau de vaisselle en regardant passer les gens.
Putain quelle connerie.
Je t'écris sur cette table labourée des graffitis de tous les clients d'un jour ou d'une vie, tous les morceaux d'existence gravés dans le bois, et moi je ne suis rien, tu m'entends, même avec un couteau je n'aurais rien à mettre, il ne reste plus un centimètre carré d'espace, pourquoi ne me laissez-vous pas de la place parmi vous, pourquoi ne me laissez-vous pas vivre ?
Ça y est, il pleut.
Quel temps admirable. Quelle myriade de couleurs.
Les autres se réfugient sous leurs parapluies ridicules, leurs capuches pitoyables, leurs chapeaux dérisoires, courent vers un porche, le café... Déjà trempés.
Quelle connerie.
Les haut-parleurs crachent leur musique sirupeuse, les rideaux sont framboise à la crème.
J'ai envie de vomir.
Je me bourre d'eau chaude aromatisée à la caféine synthétique pour oublier mon ventre vide, qui se tord, se tord...
Je n'ai pas envie de sortir. Je ne suis pas bien, ici, mais c'est toujours mieux qu'ailleurs.
J'aimerais être seule.
Vous m'étouffez. Vous m'étouffez, tous.
Machi. Je sais que toi aussi tu es perdue dans la foule.
Je vais partir, Machi.
Je vais quitter le café, le lycée, la ville, la région. Peut-être le pays.
Je déménage, Machi.
Je vais être triste et seule ailleurs.
Je vais partir loin de toi ; Machi.
Je ne t'oublie pas.
Comme si tu en avais envie.
Je t'écrirais toujours, bien sûr. Et je sais que ça t'est égal.
J'en ai besoin, tu sais.
Chuis triste, Machi. J'ai tellement peur.
Je sais que tu peux comprendre ça.

 

 

 


Ne m'oublie pas.

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