Mardi 3 juillet 2007 à 23:50


Et sur la table, il y avait une lettre. Cette lettre.

Cette table, je pourrais presque l'effleurer du bout des doigts, les paupières closes, aujourd'hui encore.
C'était la table de notre petite cuisine commune, elle communiquait avec toutes les chambres.
Personne n'y mangeait jamais.
Instinct de conservation, sans doute : je pense qu'aucun d'entre nous n'était en mesure de mitonner un quelconque plat comestible.
Mais moi, j'aimerai bien m'y asseoir, parfois.
Vous croyez vraiment que Célia l'ignorait ?

La lettre était posée là, sur le bord de la table. Comme par négligence. Comme par distraction.
Mais ceux qui connaissent Célia savent qu'elle n'agissait que très rarement par distraction. Très très rarement.

De qui était la lettre ? Quel était son contenu ? Professionnel ou personnel ? Ami ? Famille ?
Aucun de nous n'a tenté de le savoir, personne n'a ouverte cette missive qui nous narguait (bien qu'on puisse être sûr qu'aucun de nous n'a pu la manquer. D'autant qu'elle est restée quelques jours ainsi, avec ses lettres alambiquées et agressives délimitant le nom de Célia).

Vous savez, ce qu'était cette lettre, son essence, je veux dire (son encore et la facture de son papier, les sentiments qu'elle transpirait et les informations qu'elle cristallisait, son auteur…), ça n'avait aucune importance. Aucune.
Car tout ce qui comptait, c'est que Célia avait reçu une lettre. Et pas nous.

Désolée de vous imposer ça (si vous daigniez cliquer...)

Samedi 30 juin 2007 à 10:00


Tu me manques, tu sais.
Je t'ai cherché et je te cherche encore, à en perdre la vue, tu le sens, n'est-ce pas, tu le sais. Mais jamais mes yeux ne se posent sur ta silhouette et si tu savais comme j'en souffre, j'en souffre à en crever.

Depuis que je sais que tu n'es pas à mes côtés, je compte les jours et les heures et les minutes et bien plus encore qui me séparent de toi. Et cela m'est insupportable. Mais pas autant que de souffrir ton absence.

J'ai tant attendu tu sais, sur ces bancs balayé par un vent glacial et moqueur, qui me sifflait que jamais tu ne viendrais me rejoindre, ces bancs usés perdus au milieu des arbres ou des allées, ces bancs où tu aurais pu t'asseoir, et puis dans ces cafés, ces cafés où tu aurais pu te rendre, prendre un chocolat chaud ou que sais-je, y réchauffer tes doigts avant d'affronter à nouveau les éléments, et toutes ces rues que j'ai traversées, foulées, martelées, dans l'espoir de saisir ton visage… Toutes ces rues…

Tu n'es pas là et pourtant jamais ta présence ne m'a tant bousculée, tu satures chaque mur de ma petite chambre, et tu glisses, liquide comme une ombre, plaqué aux murailles pour suivre mes pas, tu caches chaque objet que je saisis pour les substituer par ton image, tu te loges dans chacune de mes pensée, dans chaque cellule de ma peau, ma vieille peau usée et terne qui n'attend que toi.

Je voudrais tellement que tu désertes mon paysage. Même l'oubli me semble préférable à tes traits, mais je crois bien que tu m'obsèdes.

Je voudrais te découvrir, connaître tes mots, tes gestes, tes habitudes, la courbe de tes mains. La saveur de ton sourire et le goût amer de tes emportements. Entendre tes rêves me chuchoter mille promesses, à moi aussi, et effleurer ton éclat de rire du bout des doigts.
Je voudrais te rencontrer, enfin, apprendre si tu es conforme à mes désirs.
Je voudrais que tu sois prêt de moi, je suis lasse de n'être visitée que par les soupirs des rêves jamais exaucés, le souffle des fantômes abandonnés.

Je crois bien que tu me manques, mon idéal, ma déchirure.

« 
Jacques a dit « cours ! »
Jacques a dit « aime ! »
J'ai beau t'aimer, tu pars quand même

Jacques a dit « marche ! »
Jacques a dit « rêve ! »
Me fait tant marcher que j'en crève

Jacques a dit certes je lui pardonne
Jacques est un rêve pas un homme » Christophe Willem

Vendredi 29 juin 2007 à 15:39


Un jour de plus, vous dites. Un jour de plus à brasser le vide, à emplir le néant abyssal. C'est reposant… et tellement décevant.
La vraie vie est ailleurs. Mais où ?
Même mes rêves me désertent.

Je ne devrais pas cogner à mes murs mon ennui, je ne devrais pas rester seule à me morfondre, mais où aller ? Quel visage pourra étrangler ma solitude ?
Il y a-t-il seulement quelqu'un prêt à dépenser son temps à mes côtés, à faire mine de se divertir en ma compagnie ?
Il faut que je trouve un travail, quelque chose pour occuper les jours vides qui s'étendent à perte de vue. Et vite.

Mercredi 27 juin 2007 à 23:21


- Quel personnage de la réalité ou de la fiction souhaiteriez-vous être ?
- N'importe qui que je ne sois pas. À condition qu'il soit un tant soit peu intéressant.
- Selon, il existe des personnes qui ne sont pas intéressantes ?
- Regardez autour de vous. À commencer par le reflet dans votre glace.
- Pourriez-vous tout de même citer des noms de personnes, dont…
- Vous êtes du genre tenace, je me trompe ?
- Je suis journaliste.
- Travaillez pour un magazine people : ne pas lâcher prise jusqu'à gâcher la vie des autres, ils en font un art.
- Expérience personnelle ?
- Simple lieu commun.
- Vous n'avez pas répondu à ma question.
- Vous êtes d'une sagacité sans pareille.
- On me le dit souvent.
- Je me permets d'en douter. Vous voulez donc que je réponde à votre question ?
- Dans la mesure du possible.
- Quelle est-elle, déjà ?
- Euh…
- Vous m'aidez grandement.
- Je vous demandais s'il y a quelqu'un que vous souhaiteriez être…
- Ah… oui. Je crois que je vais vous répondre franchement. Alors je vous prie de vérifier votre bande, d'affûter votre plume ou je ne sais quoi. Ça n'arrivera pas deux fois.
Bien. Je me souviens qu'une fois, j'avais bavardé pendant une ou peut-être deux heures avec une connaissance, gothique de son état, qui m'avait parlé, entre autres choses, du style gothique lolita tel qu'il est implanté en France. Je pense qu'il ne partage avec son homologue japonais que l'aspect vestimentaire de la chose, rendons justice à nos frères nippons ou plutôt nos sœurs nippones, mais je dois avouer que si je m'intéresse quelque peu au pays du Soleil Levant, notamment ses extravagances vestimentaires, je reconnais ne pas pouvoir en dire autant du mouvement gothique de l'Hexagone.
Bref. Revenons-en à nos gothiques lolitas. D'après l'amie dont je vous parlais, ce sont des jeunes filles qui ont grandit trop vite, si vous me permettez ce lieu commun. Ainsi, à la fois très matures et puériles, il y a en quelque sorte deux personnes qui cohabitent en elles. Elles seraient à la limite de la schizophrénie. Ainsi, d'un jour à l'autre, on peut avoir deux personnes distinctes en face de soi tout en s'adressant au même visage. J'avais trouvé cette description fascinante. Et c'est encore le cas aujourd'hui.
D'ailleurs, la démultiplication des personnalités est quelque chose de fascinant, si je puis dire, bien que je ne connaisse rien sur le sujet, je dois dire, et que cela soit considéré comme de la folie.

- Vous-même, vous considérez-vous comme une
schizophrène?
- Pas à ma connaissance.
- Qu'est-ce qui motive cet intérêt ?
- Qui sait ? L'envie de se démarquer ? La volonté de compenser la solitude par une pluralité interne ?
- Craignez-vous la solitude ?
- Ce que vous pouvez être sotte ! Qui ne craint pas la solitude ? Je n'ai ni frère ni soeur, et en terme de psychologie de cuisine, c'est très révélateur. De plus, j'affectionne la lecture et l'écriture en terme de passe-temps, activités qui s'apparentent rarement à la collectivité. Cause ou conséquence ? Peut-être que je rêve de me suffire à moi-même.
- Pour en revenir aux gothics lolitas, vous considérez-vous comme telle ?
- Grand Dieu, non !  Ce ne serait pas pour me déplaire, j'entends, mais pour cela, encore eut-il fallut que j'aie une enfance à laquelle me rattacher.
- Vous n'avez pas eu d'enfance ??
- Ne soyez pas ridicule. Je veux juste dire que je n'en ai aucun souvenir. En tous cas pas au sens du lieu commun populaire.
- C'est-à-dire ?
- Je ne sais pas, l'innocence, la naïveté… J'ai quelques détails… confus, enfouis dans ma mémoire. Rien de très construit, de très étendu.
J'ai la sensation que ma vie a commencé vers l'entrée au collège, où j'ai été une pré-adolescente très bête, c'est dans leur nature, et que je suis devenu une adolescente un peu moins bête, je l'espère.
Bien sûr, j'ai quelques vestiges de mon primaire, voire même de la grande section de maternelle, soyons fous, mais je n'ai pas réellement le sentiment que c'est moi, si vous voulez. C'est lointain, déjà.
- Donc, on ne pourra pas compter sur vous pour écrire votre autobiographie ?
- Celle-là, je l'ai pensé, mais j'ai eu l'intelligence de la garder pour moi. Ce n'est pas votre cas, on dirait.
- Y a-t-il un autre « profil psychologique » qui pourrait vous toucher ? Ou une personne ?
- Hum… cette même amie m'avait parlé des gothiques romantiques. Très purs, cultivés, intelligents, politiquement engagés, et cherchant à instruire les autres. Des rescapés du siècle des Lumières, en somme. Ou même… quelqu'un comme Simone de Beauvoir. C'est un symbole, et je pense que de nombreuses femmes l'admirent... Cependant je ne suis pas sûre de vouloir être elle. J'aimerais être un peu comme elle. Nuance.
- Pouvez-vous expliciter ?
- Naturellement, avec vous, je suis contrainte de ne faire que ça. C'est votre métier, j'imagine. Enfin. Je ne souhaite avoir la vie de personne. Dans le sens où chacun a son propre chemin, ses propres expériences, pour parvenir à ce qu'il est devenu. Je souhaite tracer ma destinée, pas copier celle de quelqu'un d'autre, pour devenir quelqu'un d'intéressant.
Ce que ça peut sonner cliché ce que je viens de dire.
- Mais non…
- Ne soyez pas ridicule. Combien de fois faudra-t-il vous le répéter ?
- Vous vous jugez intéressante ?
- Non. D'ailleurs je n'ai aucune conversation, c'est affligent.
- Qu'est-ce que pour vous quelqu'un d'intéressant ?
- Il faut tout vous expliquer, vous.
Eh bien… Quelqu'un qui a quelque chose à dire. Des opinions, et des arguments pour les défendre. Cultivé. Qui sait parler de sa vie, de ses expériences, sans tomber dans le narcissisme ou les banalités.
Quelque chose comme ça.
C'est un tempérament que je n'ai trouvé qu'auprès de comédiens, jusqu'à présent.
- Désirez-vous être actrice ?
- Certainement pas. Je suis bien trop inhibée pour ça, je n'ai pas le moindre talent. Sans doute un manque de personnalité. J'ai un rapport au corps trop conflictuel pour ça.
- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- Des mauvais résultats en sport. Une aversion de l'effort physique. J'ai tendance à considérer mon corps comme une simple enveloppe, voire un ennemi, qui trahit mes humeurs, ma fatigue. Je me sens le devoir le dompter, l'affamer pour qu'il me plaise, perdre du temps à dormir pour qu'il ne m'entrave pas trop…
Actrice, je préfère l'être dans la vie.
- Qu'entendez-vous par là ?
- Je n'aime pas laisser les autres accéder à ce que je ressens. Pour moi, c'est une faiblesse, tout comme se confier, par exemple.
- Pour vous, donner cette interview, répondre à ces questions est également une preuve de faiblesse ?
- Vous saviez que vous pourriez presque être intelligente si vous vouliez ?
L'être humain n'a aucune volonté, il aime parler de lui. C'est même l'une des rares choses qui le passionne, en règle générale.
- Vous composez donc en permanence un personnage pour vous protéger ?
- Qui sait ? Qu'est-ce que jouer un rôle ? Où commence la vraie personne et où s'arrête le personnage que par goût, ou parce qu'on s'y sent contraint, nous affichons ? Qui peut se vanter d'être totalement sincère ? Qui est-on vraiment ? Celui qu'on serait, libéré de toute inhibition, ou celui qu'on laisse transparaître, dans toutes ses nuances et ses retenues ?
- Cette interview est très différente de celle que vous avez données auparavant.
- C'est parce que je me mets à mon tour à poser des questions que vous, vous vous arrêtez ?
Parfait, alors l'interview est finie. Adieu alors ! Enfin !
- Pouvez-vous juste éclairer ce dernier point ?
- Et si je réponds non ?
- …
- Qu'est ce que vous disiez déjà ? C'était tellement insignifiant…
- Je faisais remarquer que pour cette interview, vous cous êtes bien plus livrée qu'avant. Pourquoi ?
- Depuis le temps que je parle de schizophrénie… Tout de même… Allez-y, dégagez. Et n'oubliez pas de dire à vos collègues que je ne suis pas un monstre. Pas en permanence.

Mardi 26 juin 2007 à 12:41


Appuyée au rebord de ma fenêtre, je savoure le calme tranquille de la nuit.
Pas un cri, pas un bruit.
Toujours cette quiétude qui plane lorsque le soleil tire sa révérence.
Une ultime cigarette avant de succomber à l'appel des songes, je la porte lentement à mes lèvres.
Le lampadaire jette un œil torve sur la rue déserte et le vent gifle les arbres. Sa fraîcheur m'apaise. Je suis bien.
Chaque bouffée grise est un délice.
Inspirer un peu de mort soluble et la laisser s'échapper doucement, comme à regret, l'observer se fondre dans les airs.
La pluie caresse mes doigts.
Tout est merveilleusement calme.
Le poids de l'interdit achève ma douce overdose de nicotine, je sens l'ivresse qui monte et perturbe mes sens.
Tandis que le foyer de ma cigarette effleure le balcon d'une lumière timide, je happe délicatement le savoureux poison qui s'en échappe.
Je songe à tous les malheureux asservis au sommeil qui ignorent jusqu'à l'existence d'une telle beauté gris bleue, à l'heure où dansent les étoiles, tandis que deux ou trois pauvres hères cavalent pour fuir l'ondée. Ils ne me jettent pas un regard tandis que j'observe leur course échevelée, aussi calme qu'ils sont nerveux, aussi inerte qu'ils se meuvent.
C'est merveilleux.
Cette beauté écrasante sature mes sens.
Plénitude.
Rien n'existe que la vue que laisse échapper l'encadrement de ma fenêtre et ce mouvement si simple… inspirer… retenir… expirer.
Minuit sonne, ou bien est-elle déjà passée ? La Lune joue la coquette et revêt sa plus belle parure, cachée derrière les nuages.
La félicité s'estompe tendrement, j'écrase ma cigarette et ferme les volets, titubant sous l'enivrement nicotinique.
Sans doute est-ce là ce que l'on ressent lorsque l'alcool affole nos veines.
Je n'ai que le temps de noter ces quelques mots avant de sombrer dans le sommeil.



Aujourd'hui sera un autre jour.

<< I'm Darkness | 86 | 87 | 88 | 89 | 90 | 91 | 92 | 93 | I'm Sin >>

Créer un podcast