Jeudi 12 juillet 2007 à 0:08

Pénombre.
Les pas portés par la mélopée.
De la buée s'échappe de mes lèves. Fumée importune.
Le chemin balisé par quelques lanternes, pâles feux follets.
Il n'y a aucun bruit... rien d'autre que l'eau et les notes.
Le froid s'insinue entre mes os. Félicité.
Calme. Apaisements.
Personne autour.
Juste le chemin... il semble s'étendre par-delà de l'infini.
La Lune se mire avec complaisance dans le lac, il lui renvoie son image à l'envi.
Besoin de rien... marcher et oublier.
Un pied devant l'autre. Rien de plus.
Et la musique qui coule doucement... goutte... goutte...

Mais déjà il faut rentrer, déjà il faut abandonner les ombres, rejoindre les éclats de voix, le bruit... et la lumière.

Aveuglée.

J'irai encore errer, seule, à l'heure où l'idée de jour et de nuit et de seconde et d'échéance devient dérisoire, à l'heure où la réalité s'effiloche.
Attendez-moi.

Mercredi 11 juillet 2007 à 23:14


Savez-vous ? Je suis encore tombée.
Je croyais pourtant avoir perdu cette sale habitude. Ça ne durera pas.

Savez-vous ce qu'est un être qui tombe ? Savez-vous l'essence de cet être maladroit et rongé par un mal ancien ?

Savez-vous sa faiblesse ?
Savez-vous comment il se laisse hanter par un visage ? Comment il relit les lettres pour former un seul mot, le seul qui compte, savez-vous comment elles gémissent pour qu'on les sépare, alors savez-vous comme cet être alors à genoux et le front rivé à l'asphalte glacé marie les caractères chéris en un unique nom et les imprime derrière ses paupières closes ?

Savez-vous ce que c'est d'attendre ? Attendre, attendre l'autre, une silhouette, quelqu'un, attendre, attendre de le voir et n'oser lui parler ?

Savez-vous ce que c'est de s'astreindre à des règlements stupides édictés (par qui ? par quoi ?) dans le seul but, semble-t-il, de se conformer au moule difforme de ce que l'on appelle la bienséance, le « politiquement correct », et qui blesse, qui blesse… Savez-ce que c'est d'être meurtri ?
Savez-vous ce que c'est d'inscrire ses pensées dans la simple question « en a-t-il envie également ? »
Savez-vous ce que c'est que la peur ?


Savez-vous ce que c'est que le chagrin ?
Savez-vous ce que c'est que tomber ?

Et savez-vous combien on est stupide ? À s'en mordre les lèvres, à les mordre jusqu'au sang…
Une goutte écarlate zèbre l'écran.

Jeudi 5 juillet 2007 à 23:12

- J'avais peur que tu ne viennes pas.
- Je viens toujours.
- Je n'ai pas l'habitude…
- Menteuse.
- J'attendais. Un appel, un message.
- Et je suis là.
- Tu es là.
- Comment vas-tu ?
- Devine.
- Et Meiko ?
- Moins bien que si elle vivait avec toi.
- On en a déjà parlé…
- J'attends. Qu'elle demande à partir, qu'elle ne rentre pas.
- Je suis sûr que tu lui es aussi bénéfique qu'elle l'est pour toi.
- J'attends. Qu'elle me prenne la main, qu'elle me dise je t'aime.
- Tu sais, avec moi non plus, elle n'est pas très démonstrative…
- Qu'elle m'appelle Maman.
- Oh, ne m'en parle pas. Parfois je la surprends à m'appeler Monsieur Yuu, et sur un ton… Très officiel, tu vois ? Elle a du être banquière dans une autre vie.
- Banquière ?
- Je ne sais pas.
- Meiko, c'est tout ce que j'ai.
- Je sais.
- Elle est toute ma vie.
- Je sais.
- Je ne supporterais pas de la perdre.
- Je sais, tu crois que je ne sais pas ?
- Elle doit vivre avec toi. Pour être heureuse.
- Mais non…
- Comme si tu ne le savais pas.
- Elle a besoin de toi.
- J'attends. De décrocher le téléphone et entendre une voix familière, de me sentir vivante.
- Ça va aller… ça va aller…
- Si je n'avais pas Meiko.
- Tu es une mère formidable.
- Ton travail, ça va ?
- Oui, oui. La routine…
- Développe. Puisque nous n'avons plus rien à nous dire, puisque tu n'as plus envie de me parler…
- Je suis là.
- Les banalités, c'est la seule chose qu'on peut encore partager. Que je peux encore partager avec toi.
- Hé bien, on va sans doute signer un contrat avec un client très important, il est prêt à miser sur nous, alors tu imagines bien… c'est la folie en ce moment, tout le monde s'agite, comme tu l'imagine...
Oh, et je vais peut-être obtenir une promotion. Rien de significatif niveau bulletin de salaire, mais j'aurais des tâches beaucoup plus stimulantes qu'avant, je vais beaucoup voyager, et rencontrer beaucoup de gens, de pleins d'horizon différentes… Tiens, tu fais bien de m'y faire penser : je vais sans doute être obligé de décaler les gardes de Meiko à cause ça.
- Aucune importance. Tu m'appelles.
- Merci.
- J'aime quand tu m'appelles.
- Reira…
- Je t'aime encore, tu sais.
- Reira, tu recommences !
- Pardon… J'attendrais. De voir ton visage, que tu me reviennes.
- Reira, arrêtes.
- Si j'aime tant Meiko, c'est parce que je te vois dans ses yeux.
- Reira, on en a déjà parlé. Il faut que tu tournes la page, pour le bien de Meiko. Pour ton bien. Pour le notre.
- J'attends. Que tu passes prendre Meiko, que tu me regardes.
- Je n'aime pas te voir comme ça, Reira.
- Que tu me regardes, moi.
- Reira…
- Pardon… Pardon, je ne le ferais plus… Parle-moi, parle moi… Ne m'abandonne pas ! Pardon, pardon… J'ai pas fait exprès… J'arrête, j'arrête… De quoi on parlait ?

- Reira… Si tu continues, on ne pourra plus déjeuner ensemble, comme ça, tous les deux.
- Je ne le ferais plus, je ne le ferais plus !
- Tu dis ça à chaque fois…
- Ne m'enlève pas la dernière chose qui me reste…
- J'ai un collègue très sympa que j'aimerai beaucoup te présenter.
- Nos rares repas en tête-à-tête… Et Meiko.
- Je suis sûr qu'il te plaira beaucoup. Il est beau garçon, intelligent, doué en cuisine et en… water polo, à ce qu'il m'a dit.
- Je ne veux rencontrer personne.
- Il est célibataire, d'ailleurs.
- Personne…
- Reira… Il y a des mois que tu ne veux plus voir personne, même pas tes vieux amis, les rares personnes que tu rencontres, tu ne donnes jamais suite jusqu'à ce que l'autre se décourage…. Lorsqu'il s'accroche, ce qui est rare…
- Je n'ai besoin que de toi.
- Tu t'abrutis de travail, pas pour gagner plus d'argent mais comme si tu cherchais à fuir quelque chose et dans un sens c'est le cas…
- Et Meiko. J'ai besoin de Meiko.
- Pense à elle ! Crois-tu qu'elle se sente bien dans un appartement toujours vide, où sa maman est toujours triste, et presque…. Robotique, et n'invite jamais personne ?
- S'il n'y avait pas eu Meiko, tu m'aurais abandonné pour de bon, hein ? tu m'aurais abandonnée pour toujours.
- Je n'aurais abandonné personne, Reira…
- J'attends. Une mutation, un nouveau poste, une opportunité, une porte de sortie. Le bonheur. De m'enfuir. De voler. Nos rendez-vous platoniques à me serrer le coeur.
- Reira… Je ne peux pas, je ne peux pas te voir comme ça. Tu m'avais promis… Je dois m'en aller Reira.
- Non ! Ne me laisse pas !
- J'ai laissé un peu d'argent pour ma part, bois mon café à ma santé.
- Tu m'abandonnes toujours… Tu m'as toujours abandonné. Je ne veux plus, je ne veux plus !
- Disons même heure, même endroit… dans deux semaines, d'accord ?
- NON !
- Au revoir, Reira.
- Ne me laisse pas ! T'as pas le droit ! Reviens, reviens !...

Jeudi 5 juillet 2007 à 23:08


Le vent balaie les eaux, il les tourmente, les effleure, les fait frissonner avec un malin plaisir…
Un vent de tempête, à n'en pas douter.
Peu importe.
J'augmente un peu le volume de la chaîne (il faut bien couvrir le tumulte), et je me force à avaler un yogourt.
Je n'aime pas manger. Ça ne me semble pas naturel, comme une oie qu'on aurait trop longtemps gavée.
J'ai loué une maison au bord de la mer, pour fuir ce que je prends pour des problèmes, tout en sachant que ça ne résout rien.
Je ne pense plus à Yuu (il était temps), Meiko est chez lui pour quelques semaines, elle doit être heureuse.
Je ne me sens pas vivante.
La maison que j'occupe est superbe, ancienne, trop vaste pour moi seule, tout cet espace m'étouffe.
Je passe mes journées au cyber-café, je me demande pourquoi je suis partie de mon appartement.
Perdre du temps face aux pixels, je sais très bien le faire chez moi. Et pour moins cher.
Je reconnais cependant que leur cappuccino est excellent.
Je me sens un peu perdue.
Je passe mon temps à discuter avec des gens que je n'ai jamais vu –ou non-, j'ai rencontré mon âme soeur grâce à Fée électricité et autre sorcier Internet, il est marié. Et puis après.
Je me raccroche à des mots sans doute factices, de la poudre aux yeux, tout au plus. Des souvenirs. Des petits détails futiles, un peu stupides et creux. Ça me rend heureuse : lors de mon retour à la « civilisation », j'ai un rendez-vous pour le travail avec un garçon à qui je plais peut-être, bien qu'il voit quelqu'un d'autre. Alors…
S'il m'intéresse ? Bien sûr…
Ce n'est pas comme si j'avais quelqu'un.
Et puis il y a cette connaissance croisée chez un ami… Il a dit qu'on se reverrait peut-être. C'est un signe, non ?

Finalement, ce séjour a été utile.
Les embruns ont lavés ma mélancolie.
Je me sens apaisée, comme l'océan après l'ouragan.
Je jette le pot de yaourt. Il en reste un peu au fond : aucune importance.
Au moins j'ai réussi à consommer le reste. C'est bien.
Je risque un coup d'œil au dehors. La tempête a tiré sa révérence, on dirait.
Je compose un numéro sur mon téléphone. Il est temps de rentrer chez moi.

Jeudi 5 juillet 2007 à 22:52

Les gouttes tombent. Dehors. Moi ça va, je suis bien au chaud. Dedans.
Il y a quand même quelques inconscients pour rester braver la pluie. Quelques inconscientes.
Les cheveux détrempés, la capuche pendant dans son dos, ses traits gravé d'une attitude de défi, elle est ridicule.
Elle l'attend.
Yuu arrive enfin.
Elle ne court pas vers lui. Ca fait longtemps qu'elle ne court plus.
Il arrive à sa hauteur, il la dépasse, il ne se retourne même pas. L'idiot. Sait-il seulement qu'elle est là, qu'elle existe et qu'elle l'attend ? Que je l'attends. Comme toujours.
Oui. Bien sûr que oui.
Il s'arrête, il se retourne, il éclate de rire, il la prend dans ses bras, il la fait tournoyer. Comme avant. Comme toujours.
Elle a les cheveux dans le vent, la tête dans les étoiles et le coeur loin de moi.
On m'a dit, loin des yeux, loin du coeur. Ils sont sous mes yeux. Leurs coeurs sont à des années-lumière. Si loin de moi...
« Bonjour Papa ! »
J'ai entrouvert ma fenêtre. Je suis jalouse... De qui ? Pourquoi ? Je suis folle.
« Bonjour ma tite Meiko chérie ! Tu vas bien ? » lui demande-t-il en la reposant délicatement sur la terre ferme.
Elle lui dédie son plus grand sourire. Celui qu'elle ne me fait plus depuis si longtemps...
Il lui prend la main et commence à faire la course avec les gouttes, en traînant la petite à sa suite, qui rit aux éclats, ravie.
Je ferme ma fenêtre et laisse retomber le rideau.
Je ne peux pas voir ça.
Je ne veux plus voir ça.
Je me retourne, je plaque mon dos au mur et je me laisse glisser jusqu'à être assise sur le sol.
La vitre est froide, le mur est froid, le plancher est froid, mon coeur est froid.
À force de tirer des plans sur la comète en envoyant mon coeur avec, il s'est perdu quelque part entre deux galaxies. Il y est resté.
Tant pis pour lui. Tant pis pour moi.
Meiko... Son nom même me fait mal.
Pourquoi me fuient-ils tous ?
Peut-être... peut-être que c'est moi qui fuis loin de moi...
Yuu... je ne veux pas penser à lui, je ne veux plus penser encore à lui, je n'ai plus le droit. Oublier. Oublier Yuu.
Tiens... Meiko... Elle a laissé son sac dans le couloir, comme toujours quand elle voit son père, elle ne l'a pas pris, elle ne travaillera pas aujourd'hui.
Mais Yuu, lui, va l'obliger à revenir, il va sonner, il va me regarder ouvrir la porte avec son grand sourire de mec bien et ses cheveux toujours en bataille Et Meiko... elle ne me verra même pas.
Alors je prends son sac, je le pose dans l'entrée avec deux pommes et deux serviettes (si ils ont faims...) dans un sac plastique.
Un mot : « Je sors faire une course. Bisous, Maman. »
Je rebouche mon stylo. Il tombe. Je ne le ramasse pas.
Je prends mon trousseau de clefs.
Yuu a toujours celle qui ouvre l'appartement.
Je n'ai jamais pu me résoudre à lui réclamer.
Comme si ici, c'était encore chez lui.
Je claque la porte d'entrée. Je ne ferme pas la serrure. À quoi bon ?
De toute façon, ma vie est un moulin où on rentre et dont on sort. Sans aucun souvenirs du moulin. C'est bien comme ça aussi.
Je cours. Loin. Loin de Yuu qui n'est plus à moi. Loin de Meiko qui n'est plus ma fille.
Loin de tout.
Si loin.... Comme les étoiles...

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