Parfois je me dis que Fée ne m'aime plus.
J'ai tellement peur de lui déplaire.
Alors je tire sur ma cigarette.
D'ailleurs je ne devrais pas, c'est mauvais pour la cicatrisation.
Je n'ai pas la force de lutter.
J'ai rendez-vous avec un éditeur, cet après-midi. Un autre.
Mais ça m'est égal. Je le vois. Le roi des aulnes.
On doit se voir, pour le boulot, pour...
Peu importe. On doit se voir. On va se voir. Vraiment.
Lui. Moi. Contraints et forcés.
Et puis après...
Je ne quitte plus l'appartement. Depuis des jours, des semaines.
Fée me dit de sortir et puis...
Je n'écris même pas. Je vis ma vie par procuration.
Je regarde des couples se déchirer, bêtement. En boucle.
Je passe des heures au téléphone et j'écoute les autres parler. Et j'écoute le silence.
Je dois lasser mes pauvres correspondants.
C'est comme ça, c'est tout. J'en ai besoin.
Ne croyez pas que ça va mal.
Je suis d'humeur radieuse. Enfin, j'étais.
Je ne me sens pas vivante. Je suis en mode pause, c'est tout, et dès que je franchirais le seuil, un mystérieux marionnettiste appuiera sur le bouton play.
Je dois être abrutie par l'opération (bénigne qui est parvenue à me faire pleurer sans que je ne sente rien). Les médicaments. Le manque de sommeil, puisque je suis incapable de m'imposer de limites.
N'ayez pas peur. Ça va passer. Ça passe toujours. Je tourne en rond, c'est tout.
Et je n'ai même pas la motivation de descendre au rez-de-chaussée.
Pour l'instant.
Un jour, bientôt...
J'arrête ici parce que je n'ai plus rien à dire.
Depuis le début je n'avais rien à dire.
Donner des nouvelles, on dit.
Alors...
Vendredi 13 juillet 2007 à 12:18
Vendredi 13 juillet 2007 à 0:22
L'appartement est vide, Fée est à la faculté, l'autre ne vient pas, il ne viendra plus, les saltimbanques vont répandre leur gaieté dans la ville voisine et je suis seule.
Quand à la fille du banc, comment savoir ? Peut-on seulement saisir son visage, son image ?
Enfin, je suis seule. Terriblement seule.
Pour changer, je fais jaillir une étincelle de mon briquet, j'allume une cigarette, et, le cendrier tenu stupidement de ma main libre, je déambule dans les pièces vides en me donnant des irs fiers de propriétaire.
Comme s'il y avait tant à visiter.
Comme s'il y avait quelque chose à montrer.
Quelqu'un à qui le montrer.
Ces chambres vides et silencieuses ont un goût de mort.
J'augmente le volume de la chaîne hi-fi pour mieux noyer la pesanteur de l'air.
La solitude est toujours comme un hérisson soyeux.
Une fois que le moindre placard de l'appartement est copieusement enfumé par mes soins, j'investis la cuisine, la machine à café crachote quelques bulles d'une mousse blanche et onctueuse, je fais réchauffer un fond de crème dans une casserole trop vaste : j'adore.
J'aime prendre mon temps.
Je déballe mon service à thé, en porcelaine s'il vous plaît, pièce par pièce, au grand complet, j'en rangerais la moitié sans y avoir touché, et laverais l'autre en maugréant de ce recours agaçant à tout ce qui est inutile pour boire une simple tasse de caféine liquide, les mains pleines de mousse (de liquide vaisselle, cette fois).
En dépit du lave-vaisselle.
Tant pis.
Je ne sais pas si je dois être triste ou non, mon café refroidit dans sa tasse, je vais encore oublier de le boire, froid c'est infect. Tant pis.
Personne ne sait, personne ne doit savoir, ils sauront tout, puisqu'il ne vient plus, ils sauront tous.
Je m'installe derrière l'écran scintillant, les mots coulent de mes doigts, j'ai la peau qui pleure et un sourire rivé entre les lèvres.
L'habitude.
Mais ne vous inquiétez pas.
Ce n'est pas comme si c'était triste.
Ce n'est pas comme si c'était grave.
Ce n'est pas comme si c'était Fée.
Je repose la tasse, elle est vide, voilà longtemps que ma cigarette est morte, que le temps passe vite, j'allume une ultime cigarette, encore, mon portable vibre : pensée de Fée, et quelque part, au loin, dans l'univers immatériel des syphildes et autres ondines, elle reçoit un message d'amour, j'aimerais éteindre ma cigarette, j'étouffe, je tousse, j'ai la tête qui tourne, je ne suis pas triste j'ai juste un gouffre au coeur, je devrais aérer, l'atmosphère est vraiment trop oppressante. N'est-ce pas.
J'inspire une bouffée d'air sale à la fenêtre.
Ça va aller. Ça va toujours.
Pour changer, je range méticuleusement mon service à thé, le lave précautionneusement, avec l'amour que je n'ai plus le droit de vomir, chaque ustensile et je m'échappe dehors, imaginez que ma cigarette persiste dans son incandescence, j'achève la dernière bouffée et je l'écrase sur le trottoir. Rageusement.
je me traîne entre les rues, je piétine l'asphalte, je me nourris de vent et je me dis que je suis à ce point immatérielle qu'il pourrait disperser mes molécules sur la place publique.
Et puis non.
Mes pas me portent devant l'université de Fée, encore quelques heures à l'attendre.
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:54
Cet homme…
Si je croyais à la magie, j'en ferai le serment, cet homme m'a ensorcelée.
En quelques mots, un baiser dérobé, que dis-je, en un regard, un souffle, il m'a volée mon âme et y a substitué son visage.
Nourrice s'étonne de mon humeur soudaine, mes yeux s'attardent dans l'horizon, le jour y décline, j'y discerne les traits de mon amant. Mais que dis-je ? Mon amant est partout, il est l'essence de toute chose ! Il est dans ce bosquet de roses, qui rivalisent de beauté, leurs pétales rosés comme les lèvres qui se posèrent sur les miennes, et dans ce buisson que les ténèbres teintent d'ombres d'une teinte si proche de la soie de la chevelure de mon amant, et puis la Lune, la Lune coquette qui ose poindre de derrière sa traîne de nuage, la Lune changeante et toujours belle, qui m'évoque mon amant au teint d'albâtre… Mon amant est partout, et surtout, je le crains… Il est en moi, en ce cœur qui bat, qui se fracasse contre ma poitrine à chaque seconde qui m'éloigne un peu plus de l'objet unique de mes songes…
Qui est-il ? Que faisait-il chez mon père, son visage m'est inconnu. Et le reverrai-je jamais ? Désire-t-il ces retrouvailles autant que moi ?
Je crois que oui, j'ai l'impression… (C'est naïf, n'est-ce pas ?) d'avoir effleuré son âme.
Il est celui que j'ai tant attendu, j'en suis sûre, comment pourrait-il en être autrement ?
J'aimerai en parler à Nourrice mais je sais comment elle est… Pourquoi l'inquiéter inutilement ?
Et puis, avec ces yeux-là, on ne peut pas être mauvais, n'est-ce pas ?
Nourrice s'est éloignée quelques instants, je crois que Mère l'appelle, lorsqu'elle reviendra, je lui demanderai, il faut que je sache…
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:53
Et dire que je me crus amoureux de Rosaline ! Quelle erreur !
L'amour n'était pas véritable, une apparence. Un reflet.
Mais voici mon véritable amour, celui que j'ai tant attendu.
Trois fois soit béni le destin, qui a mis sur ma route une jouvencelle dont la beauté n'a rien à envier aux astres et à la Lune elle-même, aux yeux dont le bleu traître m'a emporté comme dix mille vagues et m'a emporté au loin de celle pour laquelle mon coeur soupirait ce matin encore.
Dire que je n'ai pu échanger que quelques paroles sans importance, quelques baisers volés, avec ma bien-aimée avant qu'elle ne me fût ravie !
Je sens encore la saveur, l'étreinte de ses lèvres sur les miennes.
Je l'aime à ce point que ça m'effraye.
Et si elle ne m'aime pas... Je n'ose y songer.
Mais pourquoi a-t-il fallu qu'elle fût Capulet, pourquoi est-elle la fille de mon seul ennemi ?
Mais peu m'importe, car je suis dans les jardins de mon amante, et l'idée de fouler les mêmes herbes qu'elle me donne des ailes.
La voilà qui paraît au balcon de sa fenêtre, et les étoiles s'éteignent, il ne reste qu'elle, resplendissante d'un éclat virginal.
Dois-je ?...
J'approche encore de quelques pas, bientôt elle pourra me voir...
Jeudi 12 juillet 2007 à 23:49
Je ne sais que dire, que penser.
Moi, qui ce matin encore, n'aspirait qu'à une existence paisible et monotone, rêvant peut-être au grand amour, comme tant de jeunes filles à mon âge, me voici bouleversée, torturée par mille pensées contradictoires.
Il me semble avoir croisé un ange, et sa beauté m'éblouit encore.
Je me laissais prendre aux plaisirs de la fête, esquissant quelques pas de danse avec un insignifiant cavalier lorsque...
J'aime à croire que c'est la grâce qui a échouée sur moi.
Il avait la beauté des anges malgré son masque.
J'ignore si je l'ai aimé avant de lui parler ou si ce sont ses paroles qui m'ont vaincu.
Les quelques paroles qu'il m'a adressé m'ont plus touchées qu'aucune autre, cela m'inquièterait si je n'étais pas si heureuse, comme je ne l'ai jamais été.
Je maudis presque l'instant où j'ai posé mes yeux sur lui : à présent je sais que je ne pourrais en regarder aucun autre.
Lui seul pourrait calmer les battements désordonnés de mon pauvre cœur qui s'éveille à l'amour, et avec une violence !...
Car cela ne fait aucun doute : j'aime cet homme et ne pourrait jamais en souffrir aucun autre.
Les baisers téméraires qu'il m'a volé, loin de m'offusquer, n'ont fait qu'accroître mon désir de connaître cet inconnu, lui parler, le toucher ou simplement l'effleurer du bout des doigts, et l'embrasser, peut-être, l'embrasser encore et puis après...
Si seulement tout était si simple...
Chaque battement de mon cœur, chaque fibre de mon être, tendue au bord de la déchirure vers cet homme, dont j'ignore jusqu'aux traits et auquel j'offre ma vie si seulement il l'accepte, est lacérée par cette immonde plaisanterie que m'accorde le destin : l'objet de chacune de mes pensées depuis notre fugace rencontre n'est autre que le fils et unique hériter de l'homme que je me dois de haïr le plus au monde, il n'est autre que Roméo, Roméo Montaigue, et jamais amour n'est né de si grande haine.
Mes pensées tournent en rond, elles se heurtent sans cesse aux mêmes barrières, la tête me lance, je ne puis ajouter plus pour ce soir.
Je n'ai de cesse que de m'abandonner aux bras apaisants de Morphée, cherchant l'oubli fugace du sommeil, dans l'espoir que le repos me soit offert au plus vite, car je suis lasse de penser, je n'en puis plus.
Jamais je n'aurais cru que l'aube d'un si grand amour offre déjà de si grandes douleurs...
Et j'ignore même si mon affection sera jamais payée en retour...
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